Commémoration morose du 30e anniversaire des accords d’Oslo

Une nouvelle génération de dirigeants et de militants pour la paix doit tirer parti des aspects positifs d’Oslo et trouver une nouvelle voie vers la paix (Photo, AFP).
Une nouvelle génération de dirigeants et de militants pour la paix doit tirer parti des aspects positifs d’Oslo et trouver une nouvelle voie vers la paix (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 06 octobre 2023

Commémoration morose du 30e anniversaire des accords d’Oslo

Commémoration morose du 30e anniversaire des accords d’Oslo
  • L’absence de perspective imminente d’un accord de paix global ne signifie pas qu’il ne faut pas prendre de mesures pour réduire les tensions et améliorer les conditions sur le terrain
  • Toute nouvelle quête de paix nécessitera une refonte radicale des deux systèmes politiques, mettant en avant des dirigeants pragmatiques, ouverts aux idées nouvelles

On aime tous les histoires qui finissent bien. Malheureusement, les accords d’Oslo n’en font pas partie. Au contraire, il s’agit d’une grande promesse qui a conduit à une série d’occasions manquées en matière de paix, de coexistence et de réconciliation, au détriment du peuple palestinien principalement, mais aussi d’Israël. Cependant, déplorer l’échec ultime des accords à mettre fin au conflit israélo-palestinien sans en décortiquer les raisons et en faisant fi de certains progrès remarquables qu’ils ont permis serait un exercice futile. La prochaine fois qu’il faudra conclure un accord de paix dans le cadre de l’un des conflits les plus longs de l’Histoire récente, les leçons d’Oslo et de ce qui a suivi pourraient s’avérer très utiles.

Certes, les conditions actuelles en Israël, en Palestine et au sein de la communauté internationale ne se prêtent pas à une initiative de paix – et les choses vont probablement empirer avant de s’améliorer. Cependant, ceux qui croient que les guerres et les conflits ne sont pas inévitables et que l’Histoire a montré que tous les conflits finissent par prendre fin ne devraient pas être empêchés de tirer des leçons du passé, d’évaluer le présent et de planifier un avenir meilleur et sans conflit. Il est également vrai que l’absence de perspective imminente d’un accord de paix global ne signifie pas qu’il ne faut pas prendre de mesures pour réduire les tensions, améliorer les conditions sur le terrain et établir les bases de futures négociations de paix.

Les négociations d’Oslo se seraient conclues par un accord parce que toutes les conditions semblaient en faveur de cette initiative. En Israël, un nouveau gouvernement dirigé par le Premier ministre, Yitzhak Rabin, a promis à ses électeurs de parvenir à la paix avec les Palestiniens. La première intifada a servi de signal d’alarme pour qu’Israël reconnaisse qu’il n’y avait pas de solution militaire à ce conflit, mais seulement une solution politique, et que les Palestiniens n’abandonneraient jamais leur aspiration à l’autodétermination.

«Après une nouvelle intifada sanglante et des affrontements violents, la recherche de la paix est devenue encore plus complexe.»

Yossi Mekelberg

Dans le même temps, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et son leader, Yasser Arafat, connaissaient des changements idéologiques; l’État d’Israël était une réalité qu’ils devraient reconnaître et avec laquelle il fallait apprendre à vivre. Toutefois, leur erreur de calcul en soutenant l’invasion du Koweït par Saddam Hussein a contrarié la plupart des pays de la région, notamment ceux du Golfe, ainsi que les pays occidentaux. Une situation qui a obligé les dirigeants palestiniens à trouver une solution pour sortir du trou qu’ils avaient eux-mêmes creusé.

De plus, au lendemain de la guerre froide, le conflit israélo-palestinien a cessé d’être associé à la politique entre superpuissances. Au lieu de cela, un jeune président américain, Bill Clinton, au pouvoir depuis moins d’un an, sans réalisations notables et faiblement soutenu, était désespérément en quête d’un succès international. Et même si l’accord n’a pas été négocié par Washington, l’administration Clinton a été ravie de le bénir et de l’accepter.

Trois décennies plus tard, après une nouvelle intifada sanglante et des affrontements violents, la recherche de la paix est devenue encore plus complexe. Un certain nombre de tentatives ont été faites pour relancer le processus, tandis que la topographie et la démographie de la Cisjordanie ont radicalement changé à la suite de la construction par les Israéliens de centaines de colonies et d’avant-postes. En 1993, les dirigeants étaient prêts à prendre des risques pour la paix, mais cette volonté a aujourd’hui complètement disparu.

Dans le cas de M. Rabin, il a fini par payer son engagement en faveur de la paix au prix de sa vie, lorsque les incitations incessantes contre lui de la part de l’extrême droite et des messianiques religieux ont incité un extrémiste juif à le tuer après un rassemblement pour la paix. Certains de ceux qui ont mené les incitations contre Yitzhak Rabin et son gouvernement siègent désormais au cœur du gouvernement israélien actuel. Par conséquent, et compte tenu d’un système politique palestinien dysfonctionnel, toute nouvelle quête de paix nécessitera une refonte radicale des deux systèmes politiques, mettant en avant des dirigeants pragmatiques, ouverts aux idées nouvelles.

«Toute nouvelle quête de paix nécessitera une refonte radicale des systèmes politiques israélien et palestinien.»

Yossi Mekelberg

L’une des erreurs – du moins à mes yeux – commises par ceux qui ont signé les accords d’Oslo a été de refuser d’affirmer clairement que tout accord de paix véritable et durable exigeait la création d’un État palestinien indépendant aux côtés d’Israël, avec Jérusalem comme capitale des deux pays, en plus d’un accord juste et équitable pour les réfugiés. En restant vagues sur la nature de l’accord final, ils ont suscité la méfiance de nombreux Palestiniens quant à la possibilité de voir un jour leur souhait d’autodétermination se concrétiser et ils ont poussé les Israéliens opposés à un tel résultat à croire qu’un État palestinien pouvait encore être évité.

Il est certain que l’évolution désastreuse des relations entre Israël et les Palestiniens au cours des trois décennies écoulées depuis la signature des accords d’Oslo sur la pelouse de la Maison-Blanche a laissé des cicatrices et une profonde méfiance dans les deux sociétés. Cette méfiance met en lumière l’une des principales lacunes du processus d’Oslo: son incapacité à mobiliser un soutien proactif et critique au sein des deux peuples pour résister à la minorité – petite mais déterminée – qui a plus intérêt à ce que le conflit se poursuive plutôt que d’y mettre un terme. Rétablir une telle confiance s’annonce encore plus difficile dans le climat actuel, alors que les relations entre les deux parties sont au plus bas.

Mais lorsque des négociations de paix viables reprendront, même à une date ultérieure inconnue, elles devront être fondées sur l’égalité des droits de chacun des deux côtés de la Ligne verte et des 5,7 millions de réfugiés palestiniens enregistrés. Aujourd’hui, la plupart des Israéliens et des Palestiniens n’étaient même pas nés lorsque les accords d’Oslo ont été signés et, pour eux, cet événement est une tentative lointaine qui n’a pas réussi à mettre fin au conflit de manière pacifique. Ils ne savent pas que la notion même d’une solution à deux États n’a jamais été sérieusement discutée. Il n’y a pas non plus eu de documentation significative sur la résolution de la question des réfugiés palestiniens, le fait d’opter pour Jérusalem comme capitale des deux nations ou la nécessité de garantir que les colonies n’entravent pas la route vers la paix.

Il appartient donc à une nouvelle génération de dirigeants, à des militants pour la paix et à une société civile proactive de tirer parti des aspects positifs d’Oslo, notamment la conviction que les obstacles doivent être surmontés en vue de trouver une nouvelle voie vers la paix. Cela ne pourra se produire que lorsqu’une majorité d’Israéliens et de Palestiniens, dirigés par des politiciens courageux, marginaliseront ceux qui défendent des objectifs partisans maximalistes et adopteront l’idée selon laquelle tous les Israéliens et Palestiniens méritent les mêmes droits humains, civils et politiques. Tout le reste n’est que détails.

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé dans le Programme Mena à Chatham House. Il collabore régulièrement avec les médias internationaux écrits et en ligne. 

X: @YMekelberg      

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com