L’attention des puissances étrangères se tourne vers l’Asie-Pacifique

De nombreux pays de l'Asean sont en train de devenir une cible privilégiée de la diplomatie des pays étrangers en dehors de l'Asie-Pacifique. (Photo, AFP)
De nombreux pays de l'Asean sont en train de devenir une cible privilégiée de la diplomatie des pays étrangers en dehors de l'Asie-Pacifique. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 06 septembre 2023

L’attention des puissances étrangères se tourne vers l’Asie-Pacifique

L’attention des puissances étrangères se tourne vers l’Asie-Pacifique
  • Les États-Unis renforcent également leur présence diplomatique en fournissant une aide monétaire importante à l’Asean, avec 860 millions de dollars pour la seule année 2022
  • Les Émirats arabes unis ont déclaré que le pays construisait un «corridor de possibilités» entre les États du CCG et l’Asie du Sud-Est

Le sommet des dirigeants du Groupe des vingt (G20) en Inde les 9 et 10 septembre devrait dominer la diplomatie mondiale. Pourtant, derrière cette actualité internationale se trouvent les sommets essentiels de l’Asie de l’Est et de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean), quelques jours plus tôt.

Alors que les événements de l’Asean et de l’Asie de l’Est en Indonésie sont moins médiatisés que ceux du G20, les pays de l’Asean – Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam – sont en train de devenir une cible privilégiée de la diplomatie des pays étrangers en dehors de l'Asie-Pacifique, notamment ceux d’Amérique du Nord, d’Europe et du Moyen-Orient. Ce n’est sans doute pas étonnant, dans la frénésie géopolitique actuelle, alors que le groupe compte plus de 600 millions d’habitants couvrant une superficie de 4,4 millions de kilomètres carrés.

L’Asean bénéficie également d’une parité de pouvoir d’achat et d’un produit intérieur brut (PIB) de plus de 10 000 milliards de dollars (1 dollar = 0,92 euro), en forte croissance. L’intérêt international pour cette région est illustré par la Conférence des nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) qui annonce que les flux d’investissements directs étrangers (IDE) de l’Asean pour 2022 avaient augmenté de 5% sur un an en 2022 pour atteindre un total de 224 milliards de dollars. Ce niveau record va à l'encontre de la tendance observée dans diverses parties du monde, alors que les IDE mondiaux ont baissé de 12% la même année.

Bien entendu, l’Asean s'est fréquemment engagée auprès d’autres pays de la région Asie-Pacifique et au-delà. Elle est un partenaire majeur d’organismes internationaux comme l’Organisation des nations unies (ONU), le Conseil de coopération du Golfe (CCG) et le Marché commun du Sud (Mercosur), et elle entretient un réseau mondial d’alliances et de partenaires de dialogue.

Cependant, l’attention des prétendants étrangers en dehors de l’Asie-Pacifique augmente rapidement et inclut les États-Unis, qui participent aux sommets d’Asie de l’Est depuis 2011. La vice-présidente américaine, Kamala Harris, assistera aux prochains événements en Indonésie, dans le prolongement du sommet entre les États-Unis et l’Asean de l’année dernière au Cambodge, auquel le président, Joe Biden, a participé.

C’est lors de ce dernier événement que les dirigeants de l’Asean ont élevé leurs relations avec les États-Unis au rang de partenariat stratégique global. Cette situation souligne la manière dont l’équipe Biden supervise l’expansion considérable des relations entre les États-Unis et l’Asean, notamment la programmation de cinq nouveaux processus de dialogue de haut niveau sur la santé, les transports, l’autonomisation des femmes, l’environnement, le climat et l’énergie, ainsi qu’un engagement accru dans les dialogues existants sur les affaires étrangères, l’économie et la défense.

L’UE est le troisième partenaire commercial de l’Asean et représente plus de 10% de ses échanges commerciaux.

Andrew Hammond

Les États-Unis renforcent également leur présence diplomatique en fournissant une aide monétaire importante à l’Asean, avec 860 millions de dollars pour la seule année 2022, par l’intermédiaire du département d’État et de l’Agence américaine pour le développement international. Cette aide soutient des forums conjoints dans des domaines tels que l’ambition climatique et la transition vers des énergies propres, l’accès à l'éducation, le renforcement des systèmes de santé, les efforts de modernisation de la sécurité, l’État de droit et les droits de l’homme.

En dehors de l’Amérique du Nord, l’Union européenne (UE) a également tenu l’année dernière son premier sommet avec l’Asean. L’UE et l’Asean sont des partenaires de dialogue depuis 1977 et, à la suite d’une réunion ministérielle UE-Asean en 2020, ils ont ouvert un nouveau chapitre en devenant partenaires stratégiques. Cela a permis aux relations bilatérales de se développer sur trois principaux points: la coopération politique et sécuritaire, la collaboration économique et enfin la coopération socioculturelle (qui englobe l’enseignement supérieur, la santé, la gestion et la préparation aux catastrophes, la protection de la biodiversité, la gestion efficace des zones protégées, l’urbanisation et l’agriculture durables).

Les relations commerciales et d’investissement, à titre d’exemple, se sont considérablement développées au cours de la dernière décennie. L’UE est le troisième partenaire commercial de l’Asean et représente plus de 10% de ses échanges commerciaux. Parallèlement, l’Asean est le troisième partenaire commercial de l’UE en dehors de l’Europe. L’UE est également le plus gros investisseur dans les pays de l’Asean.

Dans les régions dynamiques du Moyen-Orient, des pays comme l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU) s’engagent également auprès des pays de l’Asean. L’année dernière, les EAU ont signé le Traité d’amitié et de coopération de l’Asean en Asie du Sud-Est et ils ont obtenu le statut de partenaire de dialogue sectoriel, ouvrant la voie à une coopération renforcée en matière de commerce et d’investissement et jetant les bases de partenariats stratégiques dans la poursuite de la prospérité mutuelle et régionale.

Les EAU ont déclaré que le pays construisait un «corridor de possibilités» entre les États du CCG et l’Asie du Sud-Est. Un élément essentiel de cette démarche consiste à accélérer les négociations sur des accords de partenariat économique global avec les États d’Asie du Sud-Est afin de maintenir le statut des EAU en tant que partenaire commercial de premier plan au Moyen-Orient.

Inévitablement, dans ce contexte très compétitif, d’autres puissances asiatiques redoublent d’engagement envers l’Asean. Si la Chine est souvent pointée du doigt, d’autres, notamment l’Inde, pays hôte du G20, intensifient également leurs efforts diplomatiques.

Le Premier ministre indien, Narendra Modi, envisage désormais de modifier ses plans afin de pouvoir se rendre en Indonésie pour une courte visite le 6 septembre, puis de revenir en Inde le lendemain, juste avant le sommet du G20 qu’il accueille. Auparavant, des responsables de New Delhi avaient déclaré que son emploi du temps rendait difficile sa participation aux réunions de Djakarta, puisqu’il devait revenir à temps pour l’arrivée des dirigeants du G20.

Toute visite de M. Modi en Indonésie réaffirmera les liens de l’Inde avec l’Asean peu après le 30e anniversaire des relations de dialogue Asean-Inde, au cours duquel les liens ont été élevés au rang de partenariat stratégique global. Narendra Modi espère également examiner les plans d’un éventuel accord de libre-échange.

Ces exemples illustrent la manière dont les puissances étrangères se préparent à un engagement accru auprès de l’Asean. Cette vaste région constitue une priorité croissante pour les puissances extérieures à l’Asie-Pacifique qui tentent de prendre une longueur d’avance sur les géants régionaux, comme la Chine et l’Inde, et d’obtenir un avantage économique et politique à partir du milieu des années 2020 et au-delà.

 

Andrew Hammond est chercheur associé au LSE IDEAS, à la London School of Economics.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français. 
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com