Depuis des années, les Israéliens - en particulier les libéraux et les partisans de la gauche - ont été accusés d’être apathiques et de laisser l’activisme politique aux nationalistes et aux personnes proches de la religion. Cependant, compte tenu de l’échec du gouvernement à prévenir une deuxième vague de la pandémie du coronavirus (Covid-19) et ses conséquences dévastatrices, leur premier ministre étant jugé pour des faits de corruption, et la folie dangereuse et totalement absurde de l’idée de l’annexion, ces personnes de la société israélienne font finalement de nouveau entendre leur voix. Des manifestations ont lieu de façon quotidienne en face de la résidence officielle du Premier Ministre Benjamin Netanyahu, les gens appelant à sa démission cependant que des manifestations similaires se produisent dans d’autres villes du pays.
Il est difficile de croire que le dirigeant israélien n’a pas encore admis que son temps était révolu et que le rideau allait bientôt tomber pour lui. La seule question en suspens est de savoir pour combien de temps encore il continuera à entraîner Israël dans la voie de l’approfondissement des divisions et de l’instabilité politique, cependant qu’il est à la tête d’un gouvernement paralysé au moment où le pays a besoin d’un genre de dirigeants diamétralement opposé. Israël a besoin d’un gouvernement qui serait vraiment à même d’arrêter la progression de la pandémie, de mettre en place un important plan de relance économique pour faire face à la destruction laissée sur son passage, de panser les divisions de la société, nombre d’entre elles ayant été exploitées cyniquement par Netanyahu en vue de maintenir sa position.
Il n’est plus possible de savoir si la machine de prise de décision du gouvernement fonctionne pour le bien du pays ou plutôt pour retarder ou reporter indéfiniment ou encore complètement abandonner le procès de Netanyahu. Il est pratiquement confirmé, maintenant que les juges ont prévu la reprise du procès pour le mois de janvier et que celui-ci se tiendra trois fois par semaine, que Netanyahu et les membres de sa famille - tous étant fortement impliqués dans la vie politique israélienne - seront profondément préoccupés par leur lutte pour un acquittement.
Au lieu d’unifier toutes les forces du pays pour combattre le coronavirus, Netanyahu - qui bien qu'étant riche, préfère toujours faire payer les autres pour son style de vie fastueux - a ouvert un nouveau front avec le Procureur Général Avichai Mandelblit. Il a demandé à la cour de permettre au magnat de l’immobilier Spencer Partrich, basé à Michigan, de soutenir son équipe d’avocats à hauteur de 10 millions de shekels ($2,9 millions), demande que Mandelblit a refusée. Ajoutez à ceci le récent accord de la Knesset pour le financement d’une partie des coûts pour l’entretien de la maison privée familiale dans la ville côtière huppée de Césarée, qui selon la loi israélienne devrait être financé par ses propres deniers, alors que des millions d’Israéliens sont aux prises avec des difficultés économiques dévastatrices dues à la pandémie, ainsi que l’image d’un premier ministre qui n’a honte de rien et qui est loin de la réalité quotidienne de la plupart des gens qui l’ont élu pour répondre à leurs besoins.
Par le passé, ceux qui manifestaient en face de la résidence de Netanyahu à Jérusalem et ailleurs étaient généralement considérés comme des Israéliens plutôt de gauche et de tendance libérale, également opposés à l’occupation, et à l’oppression du peuple palestinien. Mais le nombre grandissant des manifestants montre qu’une partie beaucoup plus large de la société israélienne ne se fait plus d'illusions en ce qui concerne le premier ministre.
Le contraste entre le style de vie ostentatoire des Netanyahu qui s’attendent à ce que le peuple paie pour eux, et le niveau actuel sans précédent du chômage qui pousse plus profondément les gens dans la pauvreté, alors que de nombreuses petites entreprises s’effondrent et que des maisons sont en passe d’être saisies, a alimenté la colère des gens et les a conduits à descendre dans la rue. A titre d’exemple, les restaurateurs sont devenus le dernier groupe à se joindre aux manifestations, étant en colère contre un gouvernement qui n’a pas été clair dans la façon avec laquelle il devrait opérer, et qui change les règles presque quotidiennement, parfois à chaque heure, leur causant d’immenses pertes financières.
Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales à la Regent's University à Londres, où il dirige le Programme des Relations Internationales et des Sciences Sociales. Il est également chercheur associé au Programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Chatham House. Il contribue régulièrement aux médias internationaux et régionaux.
Twitter: @YMekelberg
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Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com