Le Liban: Nouveaux enjeux

Le gouverneur de la Banque centrale du Liban, Riad Salamé, s'entretient avec un journaliste lors d'un entretien avec l'AFP dans son bureau à Beyrouth, le 15 décembre 2017 (Photo, AFP).
Le gouverneur de la Banque centrale du Liban, Riad Salamé, s'entretient avec un journaliste lors d'un entretien avec l'AFP dans son bureau à Beyrouth, le 15 décembre 2017 (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Mercredi 09 août 2023

Le Liban: Nouveaux enjeux

Le Liban: Nouveaux enjeux
  • À Beyrouth, plus personne de crédible ne se présente pour assumer la responsabilité d'un très improbable redressement national
  • Le Hezbollah occupe aujourd'hui l'espace politique laissé vacant par les autres forces politiques

Comme prévu, Riad Salamé, le gouverneur très contesté de la Banque du Liban, a quitté ses fonctions le 31 juillet dernier, à l'expiration de son mandat à la tête de la Banque centrale du pays du Cèdre, et faute que ce mandat ait été renouvelé. Il ne pouvait en être autrement alors qu'une dizaine d'enquêtes sont ouvertes contre lui en Europe et au Liban pour détournement de fonds publics et blanchiment d'argent, et que deux mandats d'arrêt internationaux ont été lancés contre lui à Paris et à Berlin.

Certes, l'intéressé continue de soutenir qu'il n'est pas responsable de l'effondrement de la monnaie libanaise ni du désastre économique et social que connaît le pays, ruine globale de la nation et ruine généralisée d'une population réduite à la misère. Mais les faits sont là: au cours des longues années de son gouvernorat, la Banque centrale est accusée d'avoir construit une gigantesque pyramide de Ponzi qui aurait alimenté un système général fondé sur la corruption et l'appropriation privée de la richesse nationale, système soupçonné d'avoir été encouragé et exploité par la plupart des dirigeants du pays et, tel quel, parfaitement connu des plus hautes autorités.

Le départ de Riad Salamé était parfaitement prévisible. Pour autant, le gouvernement libanais démissionnaire et, de ce fait, réduit à expédier les affaires courantes, s'est avéré incapable de lui désigner un successeur. C'est donc le plus haut fonctionnaire de la Banque centrale qui assure l'intérim. Cette situation achève de démontrer que l'État libanais est totalement paralysé. Michel Aoun, président de la république, a quitté ses fonctions en octobre 2022 sans qu'un successeur lui ait été désigné. Le Premier ministre, M. Mikati, est démissionnaire, le Parlement a échoué à se mettre d'accord sur le nom d'un futur président et ne se réunit plus. 

À Beyrouth, plus personne de crédible ne se présente pour assumer la responsabilité d'un très improbable redressement national. L'armée elle-même, longtemps considérée comme l'ultime garantie de la permanence de l'État, est aujourd'hui déstabilisée. Le soulèvement populaire, un moment espéré, a échoué parce qu'il s'est heurté au consensus de la classe dirigeante qui refusait – et refuse toujours – les nécessaires réformes qu'exigent le Fonds monétaire international (FMI) et la communauté internationale.

Au cours des longues années de son gouvernorat, la Banque centrale est accusée d'avoir construit une gigantesque pyramide de Ponzi qui aurait alimenté un système général fondé sur la corruption et l'appropriation privée de la richesse nationale, système soupçonné d'avoir été encouragé et exploité par la plupart des dirigeants du pays et, tel quel, parfaitement connu des plus hautes autorités.

Hervé de Charette

La France, dernière amie du Liban? Sans doute, mais jusqu'ici ses efforts n'ont guère été couronnés de succès et ce serait miracle qu'elle y parvienne demain. Cinq pays (Arabie saoudite, Égypte, États-Unis, France, Qatar) se réunissent à Paris pour tenter de résoudre la crise libanaise, à commencer par la désignation d'un candidat à la présidence de la république, mais ils ne paraissent pas en mesure de rompre la loi de la corruption et de la prévarication qui règne à Beyrouth. M. Le Drian peut bien faire le voyage à Beyrouth, il y a peu de chance qu'il obtienne quoi que ce soit.

C'est donc l'impasse. Est-ce le vide pour autant? Je ne le crois pas. Le Hezbollah occupe aujourd'hui l'espace politique laissé vacant par les autres forces politiques. Son chef, Hassan Nasrallah, est devenu le seul leader qui sache vraiment où il va. Appuyé et financé par l'Iran dont il est dépendant, soutenu par son encombrant voisin syrien, disposant d'une des premières forces armées du Moyen-Orient, il tient désormais le pays au collet et attend son heure, celle où ses adversaires, internes ou externes, finiraient par se résigner à lui céder les clés du pays du Cèdre. C'est ce que veut l'Iran, qui se verrait bien disposer ainsi d'une plate-forme financière reconnue internationalement et d'un accès officiel à la Méditerranée. Autant dire que le Liban est devenu une pièce importante du puzzle géopolitique qui se dispute au Moyen-Orient. La victime en est connue: c'est le peuple libanais.

Hervé de Charette est ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ministre du Logement. Il a aussi été maire de Saint-Florent-le-Vieil et député de Maine-et-Loire. 

NDLR: L’opinion exprimée dans cette section est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d'Arab News en français.