La ville saoudienne de Djeddah a accueilli la semaine dernière le premier sommet entre les États du Conseil de coopération du Golfe et les nations d'Asie centrale. La déclaration conjointe publiée à l'issue de ce rendez-vous montre combien il est important de renforcer les relations entre les deux parties aux niveaux collectif et bilatéral. Elle souligne la nécessité d'un travail commun pour assurer la flexibilité des chaînes d'approvisionnement tout en améliorant les transports et les communications ainsi que la sécurité alimentaire, énergétique et hydrique. Elle appelle également à la coordination afin de relever les défis.
À la lumière du sommet, les observateurs nourrissent de grandes attentes, suggérant une transformation qualitative des relations entre les deux blocs compte tenu de leurs liens géographiques, économiques, culturels et historiques.
Au cours des trois dernières années, j'ai visité plusieurs pays d'Asie centrale. Un certain nombre de partenariats de recherche et académiques ont été établis avec des universités et des institutions spécialisées dans les études sur l'Orient et l'Occident.
Compte tenu de la concurrence internationale croissante dans la région, il est urgent pour l'Arabie saoudite de renforcer ses liens avec les pays d'Asie centrale, mais avec des moyens différents de ceux qui ont été utilisés par le passé. Lors de nos visites, nous avons ressenti la volonté des gouvernements et des peuples de ces pays de renforcer les liens avec l'Arabie saoudite à tous les niveaux, ainsi que leur confiance dans le Royaume. Certaines de ces nations connaissent des transformations radicales en termes d'ouverture aux autres et de réformes politiques, économiques et sociales. En outre, elles promeuvent un juste milieu religieux et la modération, ce qui rend la relation plus susceptible de fonctionner avec les États du Golfe qu'avec d'autres nations.
J'ai personnellement rencontré plusieurs personnalités influentes dans ces pays. Chacune d’elles a réaffirmé la volonté de leur nation de renforcer les liens et d'ouvrir de nouvelles voies de coopération économique et commerciale avec le Royaume. L'Arabie saoudite a commencé à orienter ses investissements vers ces pays, notamment l'Ouzbékistan, où ses investissements s'élèvent à environ 45 milliards de riyals saoudiens (1 riyal saoudien = 0,24 euro) dans différents secteurs. Selon moi, il y aura de plus grandes possibilités à l'avenir, en plus des investissements dans d'autres pays d'Asie centrale.
Les hommes d'affaires et les fonds d'investissement saoudiens doivent donc peut-être procéder à une évaluation sérieuse des tendances du marché de ces pays, ainsi que du climat d'investissement. Les pays d'Asie centrale sont dotés de terres agricoles fertiles et de paysages naturels étonnants, ce qui pourrait en faire des destinations touristiques populaires pour les Saoudiens. Ils possèdent également des ressources naturelles inexploitées en raison de la faiblesse des infrastructures et du manque de ressources humaines qualifiées. En outre, le marché saoudien pourrait être une destination appropriée pour les produits agricoles qui viennent de ces pays.
Les pays d'Asie centrale souhaitent clairement un partenariat avec le Golfe pour la construction d'un chemin de fer qui raccorderait le Pakistan et l'Afghanistan aux pays de la région. Ce serait plus rapide et plus facile que le couloir de transit qui relie Oman et l'Iran aux pays d'Asie centrale via le Turkménistan, connu sous le nom d'«accord d'Achgabat». Cette route est un projet stratégique pour le Golfe.
Je pense que les préoccupations sécuritaires de la région qui concerne le passage par l'Afghanistan peuvent être surmontées à la lumière du fait que les camions traversent le pays en quelques jours et sans rencontrer d’importants problèmes de sécurité. Il est également nécessaire de construire une route pour faciliter le commerce entre les deux blocs.
Il y a deux ans, j'ai assisté à Tachkent à une conférence internationale au cours de laquelle le président ouzbek a expliqué clairement, images et cartes à l'appui, la nécessité de la connectivité et son importance pour les États du Golfe, la Chine et l'Europe.
Cette conférence a eu lieu avant que les talibans ne prennent le pouvoir en Afghanistan et j'ai évoqué sur Twitter à l'époque la rivalité qui existait entre le président afghan, Ashraf Ghani, et le Premier ministre pakistanais, Imran Khan.
L'Arabie saoudite a un besoin urgent de renforcer ses liens avec les pays d'Asie centrale, mais avec des moyens différents de ceux qui ont déployés par le passé.
Mohammed al-Sulami
Il est évident que la trajectoire économique et commerciale constitue un moyen de parvenir à des accords politiques et à une harmonie en termes de visions et de positions. L'absence de l'Arabie saoudite dans le paysage culturel de ces pays doit être sérieusement reconsidérée. Le Royaume fait l'objet d'un stéréotype historique, culturel et intellectuel qui devrait être abordé de manière à offrir un reflet sincère de la réalité et à dissiper les jugements existants adoptés par l'élite d'Asie centrale.
Ainsi, je suggère la formation d'un comité culturel et d'un autre comité économico-commercial pour visiter ces pays et organiser des rencontres et des ateliers qui impliquent des intellectuels et des hommes d'affaires saoudiens. Des journées culturelles saoudiennes, même si elles sont modestes au début, devraient également être mises en place, car elles ouvriraient des horizons importants pour le Royaume et ses projets découlant de la Vision 2030.
Le soft power saoudien, avec tous ses outils, joue actuellement un rôle majeur et même vital dans la définition correcte et réaliste des capacités et du potentiel du Royaume. Il contribue également à forger des liens avec de nombreuses nations et des relations fondées sur des informations justes et une image fidèle, loin des interprétations et des fabulations qui visent à ternir l'image, les orientations, l'histoire et la culture du Royaume.
Mohammed al-Sulami est le fondateur et le président de l'Institut international d'études iraniennes (Rasanah). Twitter: @mohalsulami
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com