Le 20 janvier, à midi, marque la fin du mandat du président actuel des États-Unis et le début du mandat de son successeur, comme le stipule le 20e amendement de la Constitution américaine. Mais le monde est loin de s'arrêter là. Les défis géopolitiques auxquels l'Amérique sera confrontée ce jour-là, précisément à 11h59, persisteront à 12h01.
Évidemment, le vase sera rempli lorsque le président élu Joe Biden entrera en fonction. En tête de sa liste de priorités, figurent la pandémie de coronavirus (Covid-19) et la situation précaire et conflictuelle aux États-Unis. En termes de politique étrangère, la Chine et la Russie occuperont le devant de la scène.
Toutefois, l'administration Biden sera tout d'abord confrontée à la problématique du Moyen-Orient, un terrain sur lequel elle sera mise à l'épreuve par ses amis autant que par ses adversaires.
À vrai dire, peu de gens dans la région faisaient confiance à l'administration Obama, surtout au cours des dernières années de son mandat. Une grande partie des pays du Golfe considéraient que l'Amérique avait vendu ses partenaires à un régime crapuleux en signant l'accord nucléaire avec l'Iran. Dans le même temps, les lignes rouges tracées par le président Barack Obama en Syrie ont été régulièrement franchies sans que cela n'entraîne de conséquences. Les États-Unis ont donc fait preuve de fragilité dans la région.
Il est donc tout à fait naturel que les partenaires de l'Amérique au Moyen-Orient se posent des questions sur l'engagement de M. Biden dans la région. Ses adversaires, quant à eux, chercheront à tester la détermination de la nouvelle administration. En effet, l'assassinat de Qassem Soleimani, commandant de la force Quds du Corps des gardiens de la révolution islamique, a permis au monde arabe de souffler un peu de soulagement. Et pourtant, M. Biden a ouvertement critiqué cet assassinat.
Alors que la prochaine administration élabore la stratégie qu'elle entend mettre en place au Moyen-Orient, elle doit tirer parti des accomplissements de Donald Trump dans la région sur trois plans.
Le premier volet concerne l'Iran et l'avenir de l'accord nucléaire de 2015, plus formellement connu sous le nom de Plan d'action global conjoint (PAGC). En matière de politique étrangère, cela constituera le défi le plus important et le plus immédiat pour la nouvelle administration au Moyen-Orient. Le PAGC, signé par l'Iran et par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies plus l'Allemagne en 2015, n'a pas réussi à tempérer ou à changer de manière positive le comportement de l'Iran dans la région.
Le retrait de Trump du PAGC en 2018 a certes constitué un sujet de controverse, mais il était indispensable. La faille fondamentale de l'accord initial résidait dans le fait qu'aucune des activités malveillantes de l'Iran, autres que celles liées à son programme nucléaire, n'a été prise en compte. De plus, les clauses de caducité concernant notamment l'enrichissement de l'uranium signifient que l'accord n’interdit pas à l'Iran de développer une arme nucléaire - il ne fait que retarder le processus. Une telle démarche est inacceptable.
Par ailleurs, on ignore quelle sera la position de la nouvelle administration vis-à-vis du PAGC. La situation a bien évolué depuis 2015 et il serait très difficile pour les États-Unis de revenir tout simplement à l'accord. En outre, la pression exercée sur le régime iranien par le rétablissement des sanctions offre des conditions favorables aux futurs pourparlers avec l'Iran. Néanmoins, si la prochaine administration choisit de négocier, il lui conviendra de chercher à conclure un accord global qui inclurait non seulement le programme nucléaire iranien, mais aussi l'exportation du terrorisme et le programme de missiles balistiques.
Le deuxième volet dans lequel M. Biden devrait s'appuyer sur les succès obtenus par M. Trump est celui de la normalisation des relations entre les pays arabes et Israël. La percée diplomatique historique, qui a permis que les EAU, le Bahreïn, le Soudan et le Maroc acceptent d'établir des relations diplomatiques avec Israël, est sans doute l'une des plus grandes réussites accomplies par l'administration Trump en politique étrangère.
De toute évidence, il existe une dynamique favorable à la conclusion de nouveaux accords. Au fur et à mesure que d'autres pays de la région constateront les avantages économiques et commerciaux qui découlent de ces accords, un plus grand nombre d'entre eux suivront probablement le même chemin. La nouvelle administration devrait reprendre là où Trump s'est arrêté et continuer à encourager d'autres pays à établir des relations diplomatiques et économiques avec les Israéliens. À long terme, cela ne peut être que source de stabilité et de paix dans la région.
Le troisième volet est l'Alliance stratégique pour le Moyen-Orient (MESA). Elle a été suggérée par l'administration Trump en vue d'améliorer les capacités militaires et le partage des charges dans le Golfe. Au-delà de la composante sécuritaire, il est également nécessaire de renforcer la coopération économique entre les États-Unis et les pays du Golfe. Cette nécessité se fera particulièrement sentir lorsque le monde entrera dans la phase de reprise économique qui suivra la crise de Covid-19.
La pression que Trump a exercée sur le régime iranien par le rétablissement des sanctions crée des conditions favorables aux futurs pourparlers avec l'Iran.
Luke Coffey
Il reste cependant bien des défis à relever avant que l'Alliance stratégique pour le Moyen-Orient (MESA) ne puisse être instituée. Les pays du Golfe ne sont pas d'accord quant à la menace la plus pressante pour la sécurité. Certains pensent que la menace vient de l'Iran, d'autres non. Des désaccords existent également sur l'objectif même de la MESA. Certains Etats veulent que cette alliance se concentre davantage sur l'économie et le commerce, d'autres veulent que les principaux objectifs portent sur la sécurité et la défense. Par ailleurs, Washington n'a pas réussi à concilier ces différents points de vue. En dépit des difficultés, l'Alliance stratégique pour le Moyen-Orient présente un objectif noble et l'administration Biden ne doit pas y renoncer.
Il ne fait aucun doute que les événements au Moyen-Orient poseront prochainement un défi à la nouvelle administration. Certes, M. Trump n'a pas tout compris à la région - mais les politiques partisanes doivent se limiter aux questions intérieures. L'administration Biden ne doit pas hésiter à reconnaître les progrès réalisés par l'administration Trump au Moyen-Orient et à en tirer parti.
Si M. Biden décide d'adopter cette approche réaliste et raisonnable, ce sont les États-Unis et leurs partenaires au Moyen-Orient qui en bénéficieront.
Luke Coffey est directeur du Centre américain Douglas et Sarah Allison pour la politique étrangère relevant de la Heritage Foundation. Twitter : @LukeDCoffey
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com