Le Premier ministre israélien de droite, Benjamin Netanyahou, n’a rien à craindre, car l’homme qui dirigera la politique étrangère américaine pendant la présidence de Joe Biden est un ami fidèle d’Israël. La crise est évitée.
La nomination d'Antony Blinken par le président élu, Joe Biden, au poste de secrétaire d'État, a été un coup de maître, selon la campagne Biden. Blinken est un vétéran du département d'État, un fervent partisan d'une alliance occidentale dirigée par les États-Unis et un véritable ami d'Israël. Le message immédiat que Biden souhaitait faire passer à travers ce choix particulier – et à travers la nomination de Jake Sullivan en tant que prochain conseiller à la sécurité nationale des États-Unis – est que les États-Unis reviendront à leur position par défaut en tant que leader mondial et s'éloigneront du programme de politique étrangère America First («L'Amérique d'abord») de Donald Trump.
Alors que les Européens sont ravis de retrouver leurs bienfaiteurs américains, la nomination de Blinken semble destinée à apaiser Israël. La défaite de Trump lors de l’élection du 3 novembre a suscité beaucoup d'anxiété à Washington et à Tel Aviv. Les Israéliens craignaient que le plan de paix proposé par Trump, qui était essentiellement un acquiescement américain à toutes les demandes d'Israël, soit mis de côté. L'administration Biden, quant à elle, reste méfiante face à la relation litigieuse que Netanyahou entretenait avec la dernière administration démocrate sous Barack Obama.
Alors que les Européens sont ravis de retrouver leurs bienfaiteurs américains, la nomination de Blinken semble destinée à apaiser Israël.
Le choix de Blinken pour remplir ce rôle de haut diplomate américain a dû être envisagé dans plusieurs contextes politiques. Premièrement, Israël avait besoin d’être immédiatement rassuré sur le fait que Biden prolongerait l’héritage de Trump. Deuxièmement, le secrétaire d'État suivant devait correspondre à «l'amour d'Israël» exprimé par le secrétaire d’État sortant, Mike Pompeo. Et, troisièmement, le dossier du programme nucléaire iranien doit être traité avec la plus grande sensibilité. Non seulement Biden a réussi à faire la sélection la plus opportune, mais les Israéliens sont ravis également. Les dirigeants israéliens de tous les principaux partis politiques ont salué le choix de Biden, déclarant à l’unanimité que Blinken était «bon pour Israël».
Les politiciens pro-Netanyahou sont particulièrement heureux et désireux de s'engager dans une politique étrangère américaine dirigée par Blinken. Dore Gold, un proche collaborateur de Netanyahou qui a été directeur général du ministère israélien des Affaires étrangères, a confié à Haaretz qu'il était «impressionné» par Blinken et qu’il «le trouvait très professionnel et à l’écoute». À l’inverse des autres responsables de l’administration Obama, dont les attitudes étaient «vraiment difficiles», Gold a trouvé que Blinken était «très ouvert» et sans «aucune sorte de connotation anti-israélienne».
D'autres Israéliens partagent ce sentiment, qui illustre une compréhension collective selon laquelle Biden ne renversera aucune des mesures importantes prises par son prédécesseur. L'ancienne ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni a exprimé son optimisme quant à l'orientation des relations américano-israéliennes. Comme la plupart des Israéliens, elle n'avait aucun doute quant à la générosité Trump-Pompeo et elle est maintenant certaine que Biden et Blinken seront tout aussi bienveillants envers Israël.
Alors que les Israéliens sont rassurés par la prise de conscience du fait que Biden est peu susceptible d'annuler l'une des mesures pro-israéliennes prises par l'administration Trump, les dirigeants palestiniens semblent inconscients. Après s'être entretenu avec des responsables palestiniens, Time Magazine a résumé les attentes de l'Autorité palestinienne comme étant simplement liées à des gestes techniques et diplomatiques tels que la réouverture de la mission palestinienne à Washington, la création d'un nouveau consulat américain pour les Palestiniens à Jérusalem-Est et la restauration de financements.
L’incapacité des Palestiniens à évaluer la nature du défi imminent se reflète également dans le discours politique des membres arabes de la Knesset israélienne. Ayman Odeh, le leader de la grande coalition politique arabe d'Israël, a conclu que Biden retirerait le plan de paix de Trump «de la table».
S’il est vrai qu'il est peu probable que Biden emprunte la terminologie controversée de Trump, il perpétuera certainement l'esprit du plan de paix de son prédécesseur. La proposition de Trump consistait en des mesures américaines spécifiques visant à valider les revendications illégales d'Israël sur Jérusalem-Est, la Cisjordanie et les hauteurs du Golan et à dissocier la normalisation arabe avec Israël du sujet de l'occupation israélienne. Rien de tout cela n’est susceptible de changer, même si une partie de la terminologie de Trump n’est pas utilisée.
Cette conclusion n'exclut pas complètement la possibilité d'un futur affrontement entre Tel Aviv et Washington. Cependant, si un désaccord a lieu, ce ne sera pas sur les actions illégales d’Israël en Palestine, mais plutôt sur la probabilité que les États-Unis reprennent les négociations avec l’Iran au sujet de son programme nucléaire.
Les politiciens pro-Netanyahou sont particulièrement heureux et désireux de s'engager dans une politique étrangère américaine dirigée par Blinken.
À propos de l’Iran, le message de Netanyahou à Biden fut décisif et peu diplomatique. «Il ne peut y avoir de retour à l'accord nucléaire précédent», a averti le Premier ministre israélien le 22 novembre dernier. Avec cet avertissement à l'esprit, Blinken aura beaucoup de mal à apaiser les craintes israéliennes selon lesquelles, en s'engageant diplomatiquement avec l'Iran, les États-Unis abandonneront Tel Aviv. Les garanties américaines vis-à-vis d’Israël sont donc susceptibles de se faire au détriment des Palestiniens: une main israélienne libre dans l'expansion des colonies illégales, des armes américaines d’une technologie plus haute encore et un soutien inconditionnel des États-Unis à l'ONU.
La politique israélo-palestinienne de Biden sera probablement une continuation de celle de Trump, mais sous une désignation différente. Il est déconcertant que les dirigeants palestiniens soient incapables de voir cela et choisissent plutôt de se concentrer sur le retour des États-Unis à une situation d’échec dans laquelle Washington soutient aveuglément Israël tout en payant les Palestiniens pour leur silence.
Ramzy Baroud est journaliste et rédacteur en chef du Palestine Chronicle. Il est l'auteur de cinq livres, dont le dernier en date est Ces chaînes seront brisées: histoires palestiniennes de lutte et de défi dans les prisons Israéliennes (Clarity Press, Atlanta).
Twitter: @RamzyBaroud
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com