Gaza : Une histoire de génocide et de résistance

Illustré et animé par Yan Long pour Arab News
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Publié le Mercredi 25 décembre 2024

Gaza : Une histoire de génocide et de résistance

Gaza : Une histoire de génocide et de résistance
  • Dès les premiers jours de la guerre, Israël a compris que, pour procéder à un nettoyage ethnique des Palestiniens, il devait viser tous les aspects de la vie dans la bande de Gaza
  • Beit Lahia est un microcosme de l'échec de la guerre d'Israël dans la bande de Gaza : une opération sanglante qui n'a mené nulle part, malgré les destructions massives

La guerre israélienne contre Gaza se reflète dans l’histoire de Beit Lahia, une petite ville palestinienne située au nord de la bande de Gaza.

Lorsqu'Israël a lancé ses opérations terrestres à Gaza, la ville de Beit Lahia était déjà en grande partie détruite par des bombardements israéliens incessants, qui ont fait des milliers de morts. La ville frontalière a néanmoins résisté, ce qui a conduit à un siège israélien hermétique, qui n'a jamais été levé, même lorsque l'armée israélienne s'est redéployée hors de la majeure partie du nord de la bande de Gaza en janvier 2024.

Beit Lahia est une ville largement isolée, située à une courte distance de la barrière qui sépare la bande de Gaza assiégée d'Israël. Elle est principalement entourée de zones agricoles, ce qui la rend presque impossible à défendre.

Pourtant, une année de guerre et de génocide israéliens à Gaza n'a pas mis fin aux combats dans cette région. Au contraire, l'année 2024 s'achève là où elle a commencé, avec des combats intenses sur tous les fronts à Gaza et avec Beit Lahia - une ville qui aurait été "conquise" plus tôt - toujours à la tête des combats.

Beit Lahia est un microcosme de la guerre ratée d'Israël dans la bande de Gaza : un broyage sanglant qui n'a mené nulle part, malgré les destructions massives, le nettoyage ethnique répété de la population, la famine et le génocide. Chaque jour de la terrible guerre d'Israël contre les Palestiniens nous rappelle qu'il n'y a pas de solutions militaires et que la résilience palestinienne reste intacte, quels que soient les sacrifices ou les prix à payer.

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, n'est cependant pas convaincu. Il a commencé cette année en multipliant les promesses de "victoire totale" et la termine en étant poursuivi par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre.

L'émission d'un mandat d'arrêt à l'encontre du dirigeant israélien est une réitération d'une position similaire prise par la Cour internationale de justice au début de l'année 2024. Toutefois, la position de cette cour n'était pas aussi forte que beaucoup l'espéraient ou voulaient le croire. En janvier, la plus haute juridiction du monde a ordonné à Israël de "prendre des mesures pour prévenir les actes de génocide", mais n'a pas ordonné à Tel-Aviv de mettre fin à la guerre.

Les objectifs d'Israël sont restés flous en 2024, bien que certains hommes politiques israéliens aient donné des indices sur l'objectif réel de la guerre contre Gaza. En janvier, plusieurs ministres, dont 12 du Likoud, le parti de M. Netanyahu, ont participé à une conférence appelant à la réinstallation de Gaza et au nettoyage ethnique des Palestiniens. "Sans colonies, il n'y a pas de sécurité", a déclaré le ministre extrémiste des finances Bezalel Smotrich.
Pour que cela se réalise, il est impératif que le peuple palestinien dans son ensemble, et pas seulement ceux qui combattent sur le terrain, soit soumis, brisé et vaincu. C'est dans ce contexte qu'apparaissent les 'massacres de farine', une nouvelle tactique israélienne visant à éliminer autant de Palestiniens que possible, dans l'attente des rares convois humanitaires autorisés à atteindre le nord de Gaza.

Le 29 février, plus de 100 habitants de Gaza ont perdu la vie alors qu'ils faisaient la queue pour recevoir de l'aide. Abattus par les soldats israéliens, ils tentaient désespérément d'obtenir une miche de pain, du lait pour bébé ou une bouteille d'eau. Cette scène tragique s'est reproduite à plusieurs reprises dans le nord de Gaza et dans d'autres régions de la bande tout au long de l'année.

L'objectif était d'affamer les Palestiniens du nord afin qu'ils soient contraints de fuir vers d'autres parties de la bande. La famine s'est manifestée dès le mois de janvier et beaucoup de ceux qui ont tenté de fuir vers le sud ont été tués de toute façon.

Dès les premiers jours de la guerre, Israël a compris que, pour procéder à un nettoyage ethnique des Palestiniens, il devait viser tous les aspects de la vie dans la bande de Gaza. Cela inclut les hôpitaux, les boulangeries, les marchés, les réseaux électriques, les stations d'eau, etc.
Les hôpitaux de Gaza ont bien entendu reçu une grande partie des attaques. En mars, Israël a attaqué l’hôpital Al-Shifa dans la ville de Gaza avec une plus grande férocité qu'auparavant. Lorsqu'elle s'est finalement retirée le 1er avril, l'armée israélienne a détruit l'ensemble du complexe, laissant derrière elle des fosses communes contenant des centaines de corps, principalement des membres du personnel médical, des femmes et des enfants. Elle a même exécuté plusieurs patients.

Hormis quelques déclarations d'inquiétude de la part des dirigeants occidentaux, rien n'a été fait pour mettre fin au génocide. Ce n'est que lorsque sept travailleurs humanitaires internationaux de l'organisation caritative World Central Kitchen ont été tués par Israël qu'un tollé mondial s'est fait entendre, entraînant les premières et jusqu'à présent les seules excuses israéliennes de toute la guerre.

Désireuse de détourner l'attention de son échec à Gaza, ainsi qu'à la frontière nord avec le Liban, et soucieuse de présenter au public israélien une quelconque victoire, l'armée israélienne a commencé à intensifier sa guerre au-delà de Gaza. C'est ainsi qu'elle a frappé le bâtiment du consulat iranien à Damas le 1er avril. Malgré des tentatives répétées, dont l'assassinat en Iran, en juillet, du chef du bureau politique du Hamas, Ismail Haniyeh, une guerre régionale totale n'a pas encore éclaté. 

Beit Lahia est un microcosme de l'échec de la guerre d'Israël dans la bande de Gaza : une opération sanglante qui n'a mené nulle part, malgré les destructions massives.

                                                 Ramzy Baroud

Une nouvelle escalade se profilait, cette fois non pas sous l'impulsion de Netanyahou, mais en raison de millions de personnes à travers le monde qui exigent la fin de la guerre israélienne. Les mouvements étudiants, qui ont émergé sur les campus universitaires américains avant de se propager à l'échelle mondiale, ont été au cœur de ces protestations. Cependant, au lieu de permettre à la liberté d'expression de s'épanouir, les plus grandes universités américaines ont fait appel à la police, qui a violemment dispersé de nombreuses manifestations et arrêté des centaines d'étudiants, dont beaucoup n'ont pas été autorisés à reprendre leurs études.

Pendant ce temps, les États-Unis ont continué de bloquer les efforts internationaux pour adopter une résolution de cessez-le-feu au Conseil de sécurité de l'ONU. Finalement, le 31 mai, le président américain Joe Biden a prononcé un discours dans lequel il a présenté ce qu'il a qualifié de « proposition israélienne » pour mettre fin à la guerre. Après un certain délai, le Hamas a accepté la proposition, mais Israël l’a rejetée. Dans sa réponse, Netanyahu a qualifié le discours de Joe Biden d' « incorrect » et d'« incomplet ». Fait étrange, mais sans surprise, la Maison Blanche a imputé l’échec de l'initiative aux Palestiniens.

Perdant confiance dans le leadership américain, certains pays européens ont commencé à modifier leur doctrine de politique étrangère sur le conflit, l'Irlande, la Norvège et l'Espagne reconnaissant l'État de Palestine le 28 mai. Ces décisions étaient largement symboliques, mais elles indiquent que l'unité occidentale autour d'Israël était en train de s'effriter.

Israël n'a pas tremblé et, malgré les avertissements internationaux, a lancé l'invasion de la zone de Rafah, au sud de Gaza, le 7 mai, s'emparant du corridor de Philadelphie – une zone tampon de 14 km de long entre Gaza et la frontière égyptienne.

Le gouvernement de M. Netanyahu a insisté sur le fait que seule la guerre pouvait ramener les otages. Cette stratégie n'a toutefois guère été couronnée de succès. En juin, Israël, avec le soutien logistique des États-Unis et d'autres pays occidentaux, a réussi à sauver quatre des otages détenus dans le camp de réfugiés de Nuseirat, au centre de la bande de Gaza. Pour ce faire, Israël a tué au moins 276 Palestiniens et en a blessé 800 autres.

En août, un autre massacre déchirant a eu lieu, cette fois à l'école Al-Tabaeen dans la ville de Gaza, où 93 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants, ont été assassinées en une seule frappe israélienne. Selon le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, les femmes et les enfants ont été les principales victimes du génocide israélien, représentant 70% des victimes au 8 novembre.

Un rapport antérieur de la revue médicale The Lancet indique que si la guerre s'était arrêtée en juillet, "186 000 Palestiniens, voire plus", auraient été tués. Mais la guerre s'est poursuivie. Le génocide à Gaza a semblé maintenir le même taux de mortalité, malgré les principaux développements régionaux, notamment les frappes irano-israéliennes et la grande opération terrestre israélienne au Liban.
Pourtant, Israël n'a atteint aucun des objectifs stratégiques de la guerre. Même l'assassinat du chef du Hamas, Yahya Sinwar, lors d'une bataille le 16 octobre, n'a en rien modifié le cours de la guerre.

La frustration d'Israël s'est accrue à pas de géant tout au long de l'année. Sa tentative désespérée de contrôler le récit mondial du génocide de Gaza a largement échoué. En juillet, après avoir écouté les témoignages de plus de 50 pays, la Cour internationale de justice a rendu un arrêt historique selon lequel "la présence continue d'Israël dans le territoire palestinien occupé est illégale".

Cet arrêt, qui exprimait un consensus international sur la question, a été traduit en septembre en une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies "exigeant la fin de l'occupation israélienne de la Palestine dans les 12 mois à venir".

Tout cela signifie effectivement que la tentative d'Israël de normaliser son occupation de la Palestine et sa quête d'annexion illégale de la Cisjordanie sont considérées comme nulles et non avenues par la communauté internationale. Cependant, Israël a redoublé d'efforts et a déversé sa rage contre les Palestiniens de Cisjordanie, qui ont également subi l'un des pires pogroms israéliens depuis de nombreuses années.

Le ministère palestinien de la santé a déclaré fin novembre qu'au moins 777 Palestiniens avaient été tués en Cisjordanie depuis le 7 octobre 2023, que des centaines d'autres avaient été blessés et que plus de 11 700 avaient été arrêtés.

Pour aggraver les choses, M. Smotrich a plaidé en faveur de l'annexion totale de la Cisjordanie. Cette déclaration a été faite peu après l'élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, un événement qui avait d'abord suscité l'optimisme chez les dirigeants israéliens, avant de faire naître des inquiétudes quant à la possibilité que Trump ne remplisse finalement pas son rôle de soutien inconditionnel à Israël.

Le mois dernier, la Cour pénale internationale a rendu sa décision historique de demander l'arrestation de M. Netanyahou et de son ancien ministre de la défense, Yoav Gallant. Cette décision incarne un espoir, aussi ténu soit-il, que le monde soit enfin prêt à tenir Israël responsable de ses nombreux crimes.

L'année 2025 pourrait bien marquer ce tournant décisif. Reste à voir. Toutefois, en ce qui concerne les Palestiniens, même si la communauté internationale échoue à mettre fin au génocide et à contenir Israël, leur détermination, ou “soumoud” (résistance), demeurera inébranlable jusqu'à ce que la liberté soit enfin conquise.


Ramzy Baroud est chroniqueur international spécialiste du Moyen-Orient. Auteur de plusieurs livres et fondateur de PalestineChronicle.com, il est également consultant en médias.
X : @RamzyBaroud

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com