Yoav Gallant, le tristement célèbre ancien ministre israélien de la Défense, a sombré dans l'oubli. L'homme, qui a servi l'armée de son pays pendant environ 35 ans, fait de la politique pendant près de dix ans et supervisé des guerres majeures, y compris le génocide en cours à Gaza, ne fait plus parler de lui.
Dans une lettre annonçant sa démission de la Knesset la semaine dernière, Gallant a accusé le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou – qui l'a limogé le 5 novembre – et son remplaçant, Israel Katz, de mettre en péril la sécurité du pays. Il a toutefois concentré ses critiques sur la question de la conscription militaire pour la communauté ultra-orthodoxe d'Israël.
Le refus de Gallant d'offrir une exemption aux Haredim d'Israël a toujours été une source de tension entre lui et son patron autoritaire. Le poids politique de cette question semble avoir été considérablement gonflé par toutes les parties, chacune ayant un objectif politique à l'esprit.
Gallant voulait signaler aux factions les plus laïques et nationalistes du Likoud – le parti le plus important de la coalition au pouvoir de Netanyahou – qu'il plaidait en faveur d'un Israël plus juste et plus équitable. Netanyahou, qui dirige le Likoud, souhaitait quant à lui attirer l'attention des segments les plus religieux du parti et de ses partenaires de coalition profondément religieux.
Compte tenu de l'évolution d'Israël vers l'extrême droite religieuse, il était tout à fait naturel que Netanyahou remporte cette manche. Dans sa lettre de démission, Gallant a surtout parlé du Likoud et moins d'Israël.
Netanyahou semble avoir conclu que son seul moyen de survie politique est la poursuite de la guerre de Gaza.
-Ramzy Baroud
«Mon chemin est celui du Likoud. Je crois en ses principes, je fais confiance à ses membres et à ses électeurs», a-t-il écrit, associant son premier vote pour le parti à un partenariat dans «la révolution de Menachem Begin», tout en se targuant de rester «fidèle à la voie nationale et idéologique du mouvement».
Le sentiment de Gallant peut être compris de deux manières: soit comme une façon de sceller son héritage avant de quitter complètement la politique, soit, plus probablement, comme le tracé d'une nouvelle voie politique qui lui permettra de concourir à la direction du Likoud – et peut-être même à la fonction de Premier ministre.
Netanyahou l'a bien compris et semble avoir conclu que sa seule voie de survie politique est la poursuite de la guerre de Gaza et l'extension du conflit à de multiples parties. C'est cette guerre élargie qui lui a permis de retrouver sa cote de popularité d'avant-guerre et de satisfaire ses partenaires de coalition.
La stratégie du Premier ministre israélien au cours des 15 derniers mois de guerre génocidaire a été conforme à sa stratégie politique: atteindre le pouvoir et s'y maintenir. Mais les événements qui ont suivi le 7 octobre 2023 ont considérablement réduit ses chances de survie politique.
Netanyahou est passé maître dans l'art de la survie en exploitant les faiblesses de ses rivaux, en utilisant son pouvoir pour manipuler émotionnellement le public israélien avec un mélange de discours nationaliste, religieux et personnel. Ce récit présente souvent Netanyahou et sa famille comme les victimes de nombreux ennemis qui n'ont cessé de comploter sa chute, malgré tout le bien qu'il a fait pour le pays.
La «mentalité de victime de Netanyahou» est depuis longtemps un sujet dans les médias israéliens, même des années avant la guerre. C'est une stratégie qu'il a utilisée pour se défendre devant les tribunaux contre les accusations de corruption et qui continue de jouer en sa faveur. Même les mandats d'arrêt émis contre lui et Gallant par la Cour pénale internationale en novembre dernier ont été utilisés pour alimenter le récit selon lequel Netanyahou est puni pour avoir simplement trop aimé Israël.
Même le maître de la politique aura du mal à garder l'opinion publique et ses partenaires de coalition en colère de son côté.
-Ramzy Baroud
Cependant, lorsque la guerre prendra fin, il ne suffira plus de jouer la carte de la victime. Il sera difficile, voire impossible, d'expliquer ce qui s'est passé à partir du 7 octobre: l'effondrement de l'appareil de sécurité, l'échec de l'armée, l'absence de stratégie, l'économie gravement affaiblie, l'éclatement de la nation, l'assassinat d'otages et bien d'autres choses encore.
Même Netanyahou, le maître de la politique, aura du mal à garder l'opinion publique et ses partenaires de coalition en colère de son côté. En réalité, sa coalition de droite est déjà sur le point de s'effondrer. L'arrivée de Gideon Sa'ar et de son parti Nouvel espoir en septembre a pu lui redonner un peu de vie, mais les menaces constantes du ministre des Finances Bezalel Smotrich et du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir rendent le gouvernement au mieux instable.
La solidité du gouvernement a été mise à l'épreuve le 31 décembre, lorsqu'un vote décisif sur la loi budgétaire a déclenché une dispute publique entre Smotrich et Ben-Gvir, qui a failli conduire à la destitution de ce dernier.
Mais si le gouvernement reste intact, c'est tout simplement parce que la guerre continue. La guerre de Gaza et l'extension du conflit ont permis aux ministres de Netanyahou de mettre en œuvre leurs programmes extrémistes sans se poser de questions, ce qui a finalement permis au Premier ministre de rester à la tête du pays un peu plus longtemps.
Cependant, rien de tout cela n'est susceptible de changer le scénario de l'après-guerre, dans lequel la coalition est susceptible de s'effondrer, le Likoud peut entrer dans sa propre guerre civile et la société israélienne va probablement éclater en protestations de masse. C'est alors que les partenaires de la coalition deviendront des ennemis et que des gens comme Gallant reviendront, se présentant comme des sauveurs. Que fera alors Netanyahou?
Ramzy Baroud est chroniqueur international spécialiste du Moyen-Orient. Auteur de plusieurs livres et fondateur de PalestineChronicle.com, il est également consultant en médias.
X : @RamzyBaroud
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com