Malgré sa grandiloquence, Trump n’a jamais tourné le dos à l’Europe

Le candidat républicain à la présidence Donald Trump s’exprime lors d’un rassemblement à Festival Park le 18 juin 2024 dans le Wisconsin. (AFP)
Le candidat républicain à la présidence Donald Trump s’exprime lors d’un rassemblement à Festival Park le 18 juin 2024 dans le Wisconsin. (AFP)
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Publié le Samedi 09 novembre 2024

Malgré sa grandiloquence, Trump n’a jamais tourné le dos à l’Europe

Malgré sa grandiloquence, Trump n’a jamais tourné le dos à l’Europe

La victoire historique de Donald Trump à la présidentielle a déjà fait des vagues en Europe, les alliés et partenaires se demandant ce que cela signifie pour les relations transatlantiques.

Au cours de son premier mandat, la rhétorique de Trump a souvent mis les dirigeants européens mal à l’aise, mais sous sa grandiloquence, son administration a sans doute fait plus pour renforcer la sécurité de l’Europe que n’importe quel président américain depuis Ronald Reagan.

Après des débuts difficiles marqués par sa tristement célèbre conférence de presse avec Vladimir Poutine à Helsinki, l’administration Trump a mis en œuvre des politiques qui ont considérablement renforcé l’OTAN et les engagements des États-Unis en Europe. Au moment du départ de Trump, il y avait plus de troupes américaines stationnées en Europe que lors de son entrée en fonction. Les États-Unis ont également multiplié les exercices militaires et stationné des forces plus à l’est, y compris la Pologne.

Trump a vivement critiqué les dépenses de défense européennes et remis en question le rôle de l’Amérique dans la sécurité européenne, mais ses actions ont révélé une autre histoire: les dépenses de défense des États-Unis pour l’Europe, par le biais de l’Initiative européenne de réassurance, ont augmenté de plus de 40 pour cent par rapport à l’administration Obama.

Le bilan de Trump sur l’Ukraine mérite également d’être salué. Il a été le premier président américain à fournir des armes antichars de pointe à l’Ukraine, alors que son prédécesseur ne proposait qu’une aide non létale. Trump a également fourni des systèmes de défense aérienne et des systèmes antichars à la Géorgie dès la première année de son mandat, ce à quoi l’administration Obama avait résisté pendant huit ans.

Sur des questions géopolitiques plus larges, l’administration Trump a pris de l’avance. Il a vivement critiqué le gazoduc Nord Stream 2, qui renforçait la dépendance énergétique de l’Europe à l’égard de la Russie. Si cette position a tendu les relations avec l’Allemagne, elle a été bien accueillie par de nombreuses nations d’Europe centrale et orientale qui se méfient de l’influence de Moscou. Trump a également imposé des sanctions économiques aux entreprises impliquées dans la construction du gazoduc, sanctions qui ont été levées par son successeur.

En outre, Trump a soutenu l’initiative des trois mers, menée par la Pologne et la Croatie, qui visait à améliorer les infrastructures, la connectivité et le commerce en Europe centrale et orientale. Son administration a également supervisé la plus grande expulsion de diplomates russes de l’histoire, s’est retirée du traité “Ciel ouvert” à la suite de violations commises par la Russie et a accueilli la Macédoine du Nord et le Monténégro au sein de l’OTAN, renforçant ainsi l’alliance.

L'Europe que Trump a connue au cours de son premier mandat a toutefois radicalement changé. L’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 a été un signal d’alarme pour la défense européenne. Lorsque Trump a pris ses fonctions en 2017, seule une poignée de membres de l’OTAN atteignait l’objectif de 2 pour cent du PIB fixé pour les dépenses de défense, la moyenne européenne s’établissant à 1,46 pour cent. Collectivement, les membres européens de l’OTAN dépensaient 254 milliards de dollars par an pour la défense.

Aujourd’hui, 23 des 32 membres de l’OTAN atteignent l’objectif et la moyenne européenne est passée à 2 pour cent. Les dépenses de défense annuelles des membres européens de l’OTAN s’élèvent désormais à 380 milliards de dollars, une augmentation significative qui sera sans aucun doute bien accueillie par Trump. Même si les européens doivent faire davantage dans ce domaine, il est indéniable qu’il s’agit d’une bonne nouvelle.

Trump prendra probablement le temps d’élaborer une politique cohérente à l’égard de l’Ukraine, en s’appuyant sur les succès passés de son administration.

                                                       Luke Coffey

La plus grande question, cependant, est de savoir comme Trump va gérer la guerre de la Russie en Ukraine. L’invasion a remodelé le paysage géopolitique de l’alliance transatlantique d’une manière inédite depuis les années 1940. Si Donald Trump a affirmé à plusieurs reprises qu’il pourrait mettre fin à la guerre rapidement, il n’a pas encore présenté de plan concret pour y parvenir.

Sa rencontre en septembre avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky a donné un aperçu de la situation. Trump a insisté sur la nécessité d’une résolution “équitable” du conflit, mais n’a pas précisé comment il entendait concilier la souveraineté de l’Ukraine et les exigences de la Russie. Compte tenu de l’importance des enjeux, il est peu probable qu’il adopte une approche irréfléchie. Au lieu de cela, Trump prendra probablement le temps d’élaborer une politique cohérente à l’égard de l’Ukraine, s’appuyant sur les succès passés de son administration en Europe.

Pour les dirigeants européens, il s’agit maintenant de savoir comment travailler avec la seconde administration de Trump. Heureusement, ils se trouvent dans une position plus forte. L’augmentation des dépenses de défense de l’Europe et son plus grand engagement en faveur de sa propre sécurité seront bien accueillis à Washington. L’Europe est aujourd’hui bien plus consciente des défis et des menaces que représente la Chine que lors de la première administration de Trump. Même avec l’Ukraine, l’Europe s’est montrée à la hauteur et dépense autant que les États-Unis.

Certains autour de Trump diront que l’Europe fait partie du passé et qu’il faudrait se concentrer à nouveau sur l’Asie. La réalité est différente: L’Europe est trop importante pour le bien-être économique de l’Amérique pour être ignorée. L’avenir de l’économie mondiale est peut-être en Asie, mais à l’heure actuelle, la moitié du PIB mondial est partagée entre l’Amérique du Nord et l’Europe. L’Europe est à l’origine de deux tiers des investissements étrangers aux États-Unis, et 48 des 50 États américains exportent davantage vers l’Europe que vers la Chine.

En fin de compte, le retour de Trump présente à la fois des risques et des opportunités pour la sécurité européenne. S’il parvient à gérer les complexités de la guerre en Ukraine et les relations transatlantiques au sens large avec le même pragmatisme stratégique que celui dont son administration a fait preuve la première fois, son second mandat pourrait laisser un héritage positif durable. Mais s’il se trompe sur l’Ukraine et évalue mal son engagement avec Poutine, cela pourrait avoir des conséquences non seulement pour la sécurité transatlantique, mais aussi pour d’autres régions, telles que l’Asie de l’Est et le Moyen-Orient.

L’avenir de la sécurité transatlantique ne dépend pas seulement de ce que fera Trump, mais aussi de la manière dont l’Europe se montrera à la hauteur. L’histoire a montré que lorsque l’Amérique et l’Europe sont unies, les deux parties en profitent. Les bases de la coopération transatlantique restent solides. Le défi de Trump sera de s’appuyer sur ces fondations tout en faisant face aux nouvelles réalités posées par l’agression de la Russie. L’Europe, pour sa part, doit continuer à se renforcer, en veillant à ce que son cadre de sécurité soit solide et réponde aux nouveaux défis géopolitiques.

Luke Coffey est chercheur principal à l’Institut Hudson. Twitter : @LukeDCoffey

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com