Après plusieurs mois de tractations entre Paris et Beyrouth, dans la lignée de l’ancienne l’initiative française visant à débloquer la situation politique au Liban et à permettre l’élection d’un nouveau président de la République, Emmanuel Macron a nommé l’ancien ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian, comme envoyé spécial au Liban.
Cette nomination intervient à la suite de critiques faites au palais de l’Élysée sur son approche pour sortir de l’impasse au pays du Cèdre. Elle vient calmer les esprits au Liban après que Paris a choisi de soutenir à sa manière le candidat du tandem chiite, Sleimane Frangié, contre l‘avis d’une majorité chrétienne écrasante au Parlement.
M. Le Drian a passé une grande partie de la semaine dernière à Beyrouth, rencontrant toutes les parties prenantes et concernées. Il a bien entendu le point de vue du tandem chiite qui tient absolument à faire élire l’un de ses alliés les plus proches à la magistrature suprême. Mais il a bien sûr entendu l’autre son de cloche, critique de la politique française au Liban, accusée de s’arrimer au tandem chiite.
La position française a fini par devenir intenable, surtout avec la vague de critiques dont Paris a été la cible ces dernières semaines. Avec la nomination de l’ancien ministre des Affaires étrangères, le président français tente d’apaiser une grande partie de l’opinion publique libanaise, en opérant un recalibrage de son approche de l’échéance présidentielle.
Paris mise sur une prise de conscience des partis libanais - Ali Hamade
À cet effet, il faudrait rappeler les résultats de la dernière séance parlementaire qui s’est tenue le 14 juin. Le candidat de l’opposition, Jihad Azour, a recueilli 59 voix tandis que le candidat du tandem chiite, Sleimane Frangié, n’en a recueilli que 51. Ce qui a poussé le président du Parlement, Nabih Berri, à lever la séance, empêchant ainsi la poursuite de l’élection.
Ce développement aurait poussé Paris à revoir sa copie et à changer de cap au Liban. Dorénavant, il n’est plus question de soutenir la formule de Sleimane Frangié et sa contrepartie, à savoir la désignation du juge et diplomate Nawaf Salam comme Premier ministre. Paris fait désormais confiance aux bons offices de Le Drian, qui travaille sur un nouveau compromis à même de débloquer la situation.
Cet arrangement ne pourra être viable que si les deux parties rivales acceptent la nomination d’un candidat de compromis. De quoi rendre les candidatures de M. Frangié et de M. Azour caduques pour rallier le plus large consensus possible afin que l’élection du nouveau président se déroule dans les conditions optimales.
Il ne faut pas non plus oublier la formation d’un nouveau gouvernement ayant pour mission de s’attaquer à la crise économique, financière et sociale qui ronge le Liban. Cette mission ne pourra pas se faire sans la mise à exécution du plan de redressement et de réformes qui attend toujours un président et un gouvernement.
Paris mise sur une prise de conscience des partis libanais qui pèsent dans la balance, car il est évident qu’aucune des deux grandes coalitions qui s’affrontent ne semble en mesure de faire élire son candidat de choix. D’où la nécessité d’opter pour un compromis qui passerait obligatoirement par l’élimination des deux candidatures en lice, pour favoriser un candidat de compromis qui aurait pour tâche de rassembler un pays fissuré, où de plus en plus de voix réclament le fédéralisme comme solution au «mal libanais»!
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban.
Twitter: @AliNahar
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