La visite du prince héritier d’Arabie saoudite à Paris se déroule pour l’heure parfaitement et de façon plutôt constructive. Elle témoigne d’abord d’un vrai réchauffement durable des relations bilatérales entre les deux pays, mais elle va bien au-delà puisque ce dialogue permet de recentrer les deux chefs d’État sur la scène politique mondiale.
Le prince héritier devrait rester plus d’une semaine en France, entre la réception officielle par Emmanuel Macron à l’Élysée, le dépôt de la candidature de son pays pour l’Exposition universelle 2030 et enfin un sommet sur un pacte financier mondial. Il s’agit d’un des plus longs séjours officiels en France d’un dirigeant étranger depuis des décennies.
Mohammed ben Salmane, qui possède plusieurs propriétés en France, semble apprécier le pays et, après des débuts compliqués, il apparaît que les relations avec Emmanuel Macron sont désormais au beau fixe. Comment expliquer cette amélioration alors que d’autres pays occidentaux semblent beaucoup moins en phase avec l’Arabie saoudite ?
D’abord, il semble qu’Emmanuel Macron ait compris comment parler au prince héritier. Ces deux dirigeants, qui sont de générations assez proches, ont évolué ensemble et ils se connaissent bien désormais. Même les sujets les plus délicats peuvent être abordés sans heurt, ce qui montre une certaine maturité de part et d’autre.
La France apparaît comme une option intéressante pour entretenir un dialogue diplomatique régulier avec le monde occidental - Arnaud Lacheret
Il est indéniable que la conjoncture mondiale a énormément évolué. L’Arabie saoudite a consolidé sa position en tant que pays leader dans la transition vers l'ère postpétrole et elle a confirmé diplomatiquement son principal objectif, soit la stabilisation du Moyen-Orient, et même au-delà. Entre le cessez-le-feu au Soudan, la visite du ministre des Affaires étrangères en Iran, le dialogue renouvelé avec la Syrie, l’invitation du président ukrainien Zelensky au sommet de la Ligue arabe et le lent, mais inéluctable rapprochement avec Israël, force est de constater que l’Arabie saoudite va bien au-delà des simples déclarations en la matière. Le modèle de développement du pays repose sur l’avènement d’une région stable qui attire les investisseurs et le prince héritier se retrouve dans une position de héraut de la paix et de la stabilité.
Cette approche semble désormais suffisamment crédible, mais elle requiert également la perception de l'Arabie saoudite en tant qu'acteur impartial, un faiseur de paix qui soit capable de dialoguer avec tout le monde. C’est sans doute aussi pour cette raison que la relation historique entre l’Arabie saoudite et les États-Unis est moins mise en avant : Riyad a besoin d’un partenaire occidental moins clivant et plus consensuel afin d’être soutenu dans ses efforts.
À ce titre, la France apparaît comme une option intéressante pour entretenir un dialogue diplomatique régulier avec le monde occidental sans froisser d’autres puissances régionales. Les fréquents entretiens entre les deux dirigeants ne nuisent ainsi pas au rapprochement avec l’Iran, qui n’a pas un contentieux trop profond avec la France, pas plus qu’ils ne posent problème pour des pays comme la Syrie ou Israël. Emmanuel Macron, qui est souvent critiqué pour son discours jugé parfois trop équilibré, constitue à cet égard un interlocuteur de premier plan pour le prince héritier.
Cette semaine parisienne sera sans nul doute commentée et analysée pour les décisions qui seront prises, les déclarations communes, voire les enjeux économiques et diplomatiques.
Pour une fois, la forme est probablement plus importante que le fond : aucun dirigeant saoudien ne s’était rendu aussi fréquemment et sur une aussi longue période en France. Cela signifie que désormais l’Arabie saoudite a peut-être trouvé un partenaire diplomatique stable en Occident qui pourra soutenir et accompagner ses efforts diplomatiques sans précédent menés dans un but revendiqué et assumé : faire du Moyen-Orient une zone pacifiée et stable.
Arnaud Lacheret est docteur en sciences politiques, Associate Professor à Skema Business School et professeur à la French Arabian Business School.
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.