Le sommet de la Ligue arabe à Djeddah s'est révélé porteur d'espoir et d'enthousiasme, à la différence des réunions habituellement banales de l'organisation. L'unité affichée a créé un véritable élan qui pourrait avoir un effet positif sur certaines des crises qui secouent la région. Les 22 États ont tous répondu présent vendredi, la plupart représentés par leur chef d'État, et se sont presque tous exprimés d'une seule voix. Si certains orateurs s'en tenaient encore au style ancien des discours enflammés, la plupart d'entre eux ont adopté un ton mesuré et pragmatique.
Le président ukrainien Volodymir Zelensky a également participé au sommet. Dans un discours vibrant, il a remercié l'Arabie saoudite pour ses efforts en faveur de la paix et de l'aide humanitaire, avant de vivement critiquer la Russie et d'appeler les États arabes à aider son pays à mettre fin à l'occupation des terres ukrainiennes.
Il est également intéressant de noter que le président chinois Xi Jinping et le président russe Vladimir Poutine ont tous deux transmis des messages à l'occasion de ce sommet.
La tenue de la rencontre en Arabie saoudite, à l'ombre des lieux saints de l'islam, est une raison d'espérer le respect des décisions prises à Djeddah. Vendredi, la présidence tournante de la Ligue arabe a été transférée de l'Algérie au Royaume, ce qui signifie que la nouvelle présidence sera chargée de suivre la mise en œuvre de ces décisions, en collaboration avec l'administration de la Ligue arabe. La déclaration de Djeddah publiée à l'issue du sommet énumère les priorités de la nouvelle présidence.
L'ordre du jour du sommet comporte une quarantaine de points, dont les principaux sont le conflit israélo-palestinien, le Soudan, la Syrie et l'Ukraine. Outre les questions politiques habituelles, le changement climatique, les énergies renouvelables et la sécurité alimentaire ont fait l'objet de nombreuses discussions.
Compte tenu de l'intransigeance de l'actuel gouvernement israélien, il a été facile de parvenir à un consensus sur l'opposition à ses politiques. La violence unilatérale exercée presque quotidiennement contre les Palestiniens, la profanation des lieux saints musulmans, le déracinement de familles palestiniennes, la destruction de villes et de communautés, ainsi que les discours et les actes racistes anti-arabes commis par de hauts fonctionnaires israéliens ont révolté les participants. Si le rôle de l'Égypte dans l'instauration d'un cessez-le-feu à Gaza a été salué, les espoirs quant à la résolution de ce conflit sanglant restent minces.
Quant au Soudan, les efforts des Saoudiens et des Américains pour parvenir à une trêve ont été salués. Le sommet a créé un nouveau groupe, composé de l'Arabie saoudite, de l'Égypte et de la Ligue arabe elle-même, chargé de s'engager auprès des parties belligérantes. Les pourparlers se sont poursuivis durant la tenue du sommet à Djeddah. L'Égypte et le Royaume sont les deux pays les plus proches et les plus touchés par le conflit au Soudan et, en sa nouvelle qualité de présidente tournante de la Ligue arabe, l'Arabie saoudite a un rôle accru à jouer à cet égard.
L'invitation du président ukrainien Volodymir Zelensky au sommet de Djeddah est un coup de maître de la diplomatie saoudienne
Abdel Aziz Aluwaisheg
En ce qui concerne l'Ukraine, le sommet s'est montré quelque peu divisé. L'invitation de Zelensky est un coup de maître diplomatique, mais aussi l'expression d'une sympathie et d'un soutien politique. La plupart des membres de la Ligue arabe ont voté à l'ONU contre l'agression de la Russie et en faveur de la souveraineté, de l'indépendance et de l'inviolabilité des frontières de l'Ukraine. Mais certains pays restent favorables à la position de la Russie. Dans l'ensemble, cependant, le sommet, dirigé par l'Arabie saoudite, a voulu jouer un rôle positif en essayant de mettre fin au conflit, en fournissant une assistance humanitaire à l'Ukraine et en soutenant les pays touchés par les pénuries alimentaires causées par le conflit.
La décision d'inviter Bachar al-Assad a été la plus controversée de toutes celles relatives au sommet. L'invitation a été précédée de nombreuses réunions de haut niveau en Arabie Saoudite, au Caire, à Amman et à Damas. Une formule «étape par étape» a été adoptée, selon laquelle la Syrie s'engage à agir positivement sur les questions qui préoccupent la Ligue arabe et qui avaient conduit au gel de son adhésion à l'organisation il y a dix ans. En échange, la Ligue arabe et ses membres normalisent leurs relations avec le pays et lui fournissent une assistance en cas de besoin. Un comité d'États membres a été créé pour veiller à la mise en œuvre de cette formule.
Le rapprochement diplomatique entre l'Arabie saoudite et l'Iran, négocié par la Chine en mars, a fourni un cadre propice et une ouverture pour parvenir à un compromis sur la Syrie, mais il est clair que les États arabes attendent davantage de l'Iran. Si le langage utilisé était moins conflictuel que par le passé, il reste en substance beaucoup à faire pour normaliser les relations avec Téhéran. Rashad al-Alimi, chef du Conseil présidentiel du Yémen, l'a bien montré en critiquant amèrement le soutien de l'Iran aux Houthis, qui ont rejeté toutes les offres de paix.
Au cours des jours précédant le sommet, des réunions successives de ministres et d'autres hauts fonctionnaires ont permis d'élaborer des accords et des compromis sur ces questions. Une fois ces documents approuvés par le sommet, il incombe aux mécanismes de suivi de la Ligue arabe de veiller à leur mise en œuvre. En tant que présidente tournante de la Ligue arabe, l'Arabie saoudite peut jouer un rôle important dans ce processus en faisant pression à la fois sur l'administration de la Ligue et sur les États membres afin qu'ils respectent les promesses faites à Djeddah.
La Ligue arabe est l'une des plus anciennes organisations intergouvernementales, mais elle est souvent critiquée pour son incapacité à concrétiser ses nobles promesses. Certaines de ces critiques sont justes et sont liées à sa culture d'entreprise et les circonstances dans lesquelles elle est née il y a quatre-vingts ans. Créée en mars 1945, la Ligue arabe a vu le jour avant les Nations unies, l'Union européenne et la plupart des autres organisations régionales et internationales actives aujourd'hui. Sa longévité est remarquable, malgré les nombreuses critiques formulées à son égard au fil des ans. Elle est née quelques mois avant la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ses États fondateurs, l'Arabie saoudite, l'Égypte, l'Irak, la Jordanie, le Liban, la Syrie et le Yémen, souhaitaient s'exprimer d'une seule voix dans la période d'après-guerre.
La préoccupation initiale de la Ligue était la décolonisation. En 1945, la plupart de ses membres actuels étaient encore sous domination étrangère. L'organisation s'est montrée unie et a réussi à mettre fin à la domination coloniale dans le monde arabe, à l'exception notable de la Palestine. Elle a également contribué à promouvoir la langue et la culture arabes.
Toutefois, la Ligue arabe a subi des revers considérables au fil des ans. La règle originelle de l'unanimité contenue dans sa charte l'a gravement limitée dans son action.
Avant la modification de la charte en 1990 pour permettre des décisions à la majorité, un État ou un petit groupe d'États pouvait exercer un droit de veto virtuel sur les décisions du groupe. L'efficacité de l'organisation est toujours influencée par le degré de consensus qu'elle peut atteindre parmi ses membres sur des questions clés.
À en juger par les nombreux commentaires des délégués au sommet et des observateurs extérieurs, la plupart d'entre eux comptent sur la présidence de l'Arabie saoudite au cours des prochains mois pour parvenir au consensus nécessaire pour concrétiser les promesses faites à Djeddah.
Abdel Aziz Aluwaisheg est secrétaire général adjoint du Conseil de coopération du Golfe pour les affaires politiques et les négociations, et est chroniqueur pour Arab News. Les opinions exprimées dans cet article sont personnelles et ne représentent pas nécessairement celles du CCG.
Twitter: @abuhamad1
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com