Freiner le Hezbollah devrait être au cœur des discussions concernant l'Iran

Des combattants du Hezbollah plantent le drapeau libanais et le drapeau du Hezbollah à Juroud Arsal, à la frontière libano-syrienne, le 25 juillet 2017. (Reuters)
Des combattants du Hezbollah plantent le drapeau libanais et le drapeau du Hezbollah à Juroud Arsal, à la frontière libano-syrienne, le 25 juillet 2017. (Reuters)
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Publié le Samedi 05 décembre 2020

Freiner le Hezbollah devrait être au cœur des discussions concernant l'Iran

Freiner le Hezbollah devrait être au cœur des discussions concernant l'Iran
  • «Quels que soient le contenu et la nature de l'engagement attendu entre les États-Unis et l'Europe avec l'Iran, il faut impérativement poursuivre les efforts visant à enrayer les activités illégales du Hezbollah»
  • «Combien d'explosions et de vies perdues faut-il pour stopper cette organisation?»

Au moment où l'équipe de politique étrangère du président élu Joe Biden prend forme, l'un des sujets les plus discutés dans les milieux d'analystes du Moyen-Orient concerne la stratégie des États-Unis vis-à-vis de l'Iran. Beaucoup s'attendent au retour à un accord, puisque certains membres de l'équipe de Joe Biden ont préalablement participé aux négociations sous l'administration Obama. En effet, cette tendance rejoint les espoirs des pays européens, qui aspirent à conclure un nouvel accord.

Fait intéressant à noter, plus les experts prévoient et encouragent une pression de la part des États-Unis et des pays européens en faveur d'un accord avec les dirigeants iraniens, plus les dirigeants iraniens se montrent fermes et ajoutent des rejets et des conditions à la forme de cet accord.

D'autre part, la nouvelle équipe de politique étrangère américaine a suggéré quelques bonnes idées sur les moyens de pallier certaines lacunes que présente le Plan d'action global conjoint. La plupart des membres pensent que l'accord nucléaire devrait comprendre, cette fois, un accord sur le programme iranien de missiles balistiques, ainsi que sur son ingérence et ses activités dans la région. Si les choses continuent d'évoluer dans ce sens, cette proposition semble importante, voire essentielle. Il serait également utile et judicieux d'inclure les pays arabes dans le processus de discussion, car la région a besoin d’une stabilité dans tous ses pays.

Toutefois, les Iraniens ne sont pas favorables à un accord plus exhaustif et plus constructif. Ils préféreraient plutôt catégoriser chaque sujet pour optimiser leurs gains. Ils estiment surtout que le Hezbollah leur permettra, dans une large mesure, de resserrer davantage leur emprise sur les pays dans lesquels ils sont engagés, du Liban à l'Irak en passant par le Yémen.

Voilà pourquoi il convient d'accorder une attention particulière à contrecarrer le Hezbollah et ses activités illégales. Quels que soient le contenu et la nature de l'engagement attendu entre les États-Unis et l'Europe avec l'Iran, il faut impérativement poursuivre les efforts visant à enrayer les activités illégales du Hezbollah et à le désigner mondialement comme une entité terroriste. Cette démarche sera certes bénéfique pour le Liban, ainsi que pour la sécurité du Moyen-Orient et du monde.

Premièrement, si on a considéré pendant longtemps que le conflit israélo-palestinien a exacerbé la violence et poussé la région à l'extrémisme, on pourrait dire la même chose de l'impunité du Hezbollah au Liban et à l'étranger. En effet, la cause palestinienne ne représente plus le symbole de l'injustice qui aurait, par le passé, poussé certains jeunes à l'extrémisme dans la région. Toutefois, la reconnaissance par certains médias occidentaux et pays européens du Hezbollah comme une force politique respectable incite certainement davantage de jeunes sunnites à l'extrémisme.

Cela concerne en particulier les pays où le Hezbollah et d'autres mandataires iraniens sont omniprésents. En Syrie, en Irak ou au Liban, les activités du Hezbollah et celles de son entourage ne cessent d'humilier les autres, qui sont contraints de souffrir et de panser en silence les blessures laissées par l'injustice et l'inégalité. Ce problème ne constitue en aucun cas la seule raison de l'ascension de Daech; il existe pourtant une symbiose entre les deux groupes.

Le Hezbollah est exactement comme Daech ou Al-Hachd al-Chaabi: un acteur non étatique dangereux et une organisation terroriste.

Khaled Abou Zahr

Je me demande toujours pourquoi on accepte le Hezbollah en tant qu'acteur non étatique alors qu'on refuse les autres. En ce qui concerne la politique libanaise, comment les analystes peuvent-ils encore avancer l'argument de la séparation entre les branches politique et armée du Hezbollah? C'est de la sémantique. Le Hezbollah est exactement comme Daech ou Al-Hachd al-Chaabi: un acteur non étatique dangereux et une organisation terroriste. Il doit donc être traité à ce titre. Sa présence régionale et internationale devrait au moins être traitée sous cet angle.

Deuxièmement, le Hezbollah exerce des activités illégales – telles que la contrebande de drogue et le commerce de diamants de sang – à un niveau mondial, allant de l'Amérique du Sud à l'Afrique. Dans certains cas, il ressemble bien plus à une organisation criminelle plutôt qu'au mouvement de résistance idéologique qu'il prétend être. Cette vision est d'autant plus valable dans la mesure où il finance ses opérations par ses activités illégales. Le Hezbollah recourt également à ses réseaux illégaux pour planifier et réaliser des activités terroristes, ce qui vient s'ajouter aux nombreuses causes pour lesquelles il devrait être bloqué.

Ainsi, le Trésor américain devrait maintenir ses efforts indépendamment de toute négociation avec l'Iran. L'Union européenne (UE) devrait en faire autant. Alors que les négociations avec Téhéran prennent forme, on ne doit pas rassurer le régime en fermant les yeux sur les activités du Hezbollah, comme ce fut le cas avec la Syrie lors des négociations précédentes. Ce serait une erreur. En outre, il ne faut pas passer sous silence les activités malveillantes du Hezbollah au Liban et dans d'autres pays. Le ciblage du Hezbollah serait un signe de force des États-Unis et de la communauté internationale et permettrait de parvenir à un meilleur accord avec les Iraniens en faveur de la région. Le blocage du Hezbollah ne devrait pas être négocié, il devrait plutôt être présenté aux Iraniens comme un fait accompli.

Cette organisation a clairement exporté des facteurs de déstabilisation, et, même si les sanctions ne constituent pas la meilleure solution, céder aux diktats et à la vision qu'a le Hezbollah du Liban et du Moyen-Orient est pire encore. Par conséquent, il est indispensable de mener une action permanente et ciblée pour freiner et affaiblir les activités du Hezbollah dans le monde. Cela renforcera les négociations, et établira aussi de nouveaux règlements pour le régime iranien.

Pour ma part, je suis convaincu que les pays arabes désirent établir la stabilité et des relations pacifiques avec l'Iran. Cependant, le chaos provoqué par le Hezbollah au Liban et dans la région ne peut en aucun cas être toléré. Comment tolérer un acteur non étatique qui possède des centaines de milliers de missiles et qui exerce toutes sortes d'activités illégales? Comment tolérer un acteur non étatique qui expédie des troupes pour combattre et tuer les communautés locales en Syrie, en Irak et au Yémen? Comment accepter qu’il dispose de stocks de nitrate d'ammonium et d'autres explosifs dissimulés au Liban et dans le monde? Combien d'explosions et de vies perdues faut-il pour stopper cette organisation? Serait-ce parce qu'elle est appuyée par l'Iran?

Quant à la stratégie adoptée pour contrer l'Iran, elle se concentre sur Téhéran sans pour autant se soucier de tous les pays dans lesquels l’Iran intervient et des mandataires qu'il emploie. C'est tout à fait logique. Cependant, le Hezbollah incarne la déstabilisation et l'ingérence malveillante de l'Iran. Ainsi, en lui donnant le pouvoir de maintenir son action sans entrave, tout accord serait condamné à l'échec, et tout accord de paix régional susceptible d'améliorer les relations entre voisins serait anéanti.

Khaled Abou Zahr est PDG d'Eurabia, une société de médias et de technologie. Il est également le rédacteur d'Al-Watan al-Arabi. Twitter : @KhaledAbouZahr

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français

Ce texte est la traduction d ‘un article paru sur www.ArabNews.com