Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal ben Farhane, s'est rendu mardi à Damas et a rencontré le président Bachar Assad, à la suite de la visite effectuée la semaine dernière par le ministre syrien des Affaires étrangères à Riyad. Le communiqué qui a suivi la réunion a mis l'accent sur la réconciliation nationale qui permettra aux aides d'atteindre toutes les régions du pays, le retrait des milices, la lutte contre le trafic de drogue et, surtout, la mise en place des conditions nécessaires pour que les réfugiés rentrent chez eux en toute sécurité.
Ce retour a d’ailleurs été le plus grand obstacle à la recherche d'une solution à ce conflit qui dure depuis 12 ans. Le Liban, un pays au système défaillant, souffre énormément de l'accueil des réfugiés syriens. À défaut de chiffre précis, des sources libanaises affirment que le pays en accueille plus de deux millions.
Les institutions gouvernementales libanaises, en plein déclin, sont incapables de fournir des services aux citoyens libanais, encore moins aux réfugiés. L'infrastructure gouvernementale est complètement dépassée par les évènements. Même les militants les plus coopératifs se rendent maintenant compte que la question des réfugiés se répercute négativement sur le pays. Par conséquent, leur retour est devenu nécessaire.
Cependant, ce retour doit être — comme mentionné dans les résolutions de l'ONU — sûr, volontaire et digne. L'élément le plus important est la sécurité. Cela signifie que les réfugiés devraient pouvoir retourner dans les foyers qu'ils ont quittés, et qu'ils ne devraient pas être sujets à des arrestations arbitraires.
En 2018, sous la pression des Russes, Assad a consenti à accorder une amnistie aux déserteurs du service militaire obligatoire. Il avait auparavant donné l’ordre d’appliquer une amende et une peine de prison pour ceux qui avaient atteint l'âge de 18 ans et ne s'étaient pas présentés à la conscription. Ces peines ont poussé les familles réfugiées ayant des garçons qui ont atteint l'âge de 18 ans à rester hors du pays. Toutefois, même après l'amnistie, certains ont été arrêtées pour des raisons aléatoires. Cela a donc dissuadé les réfugiés de revenir dans leur pays. Quant aux familles qui se sont inscrites pour rentrer par le biais du HCR (l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés), rares sont celles qui ont bénéficié de l’autorisation du régime.
Par ailleurs, il est important de noter que la plupart des réfugiés au Liban viennent de zones occupées par le Hezbollah, telles que Qusayr, Harasta et Zabadani. En 2013, le gouvernement Mikati a autorisé les réfugiés syriens à venir au Liban. La décision a été prise en accord avec le Hezbollah, qui subissait des pertes en Syrie parce qu’il combattait un peuple qui connaissait les lieux bien mieux que lui. L'ouverture de la frontière a ainsi été un soulagement pour le Hezbollah qui a trouvé convenable que les combattants deviennent des réfugiés vivant dans des tentes, sous sa juridiction. Les combattants avaient effectivement fui leur pays sans leurs armes et étaient entrés au Liban avec leurs familles.
Cependant, les réfugiés sont vite devenus un problème, même pour le Hezbollah. Les réfugiés sunnites qui ont été chassés de la Syrie et qui se sont retrouvés au Liban modifient la démographie au détriment de la population chiite, qui constitue la base du Hezbollah. À titre d’exemple, Ersal est une ville de 35 000 habitants qui accueille aujourd'hui 120 000 réfugiés.
De plus, dans un contexte fortement instable et polarisé, le Hezbollah considère les réfugiés sunnites comme une menace. Selon un responsable, le Hezbollah estime que 80 000 réfugiés sont actuellement armés. Ceci est un signal d’alarme pour le groupe, d'autant plus qu'il fait face à une opposition croissante dans son pays. Le Hezbollah considère donc les réfugiés comme une bombe à retardement qui lui explosera au visage en cas d'affrontement interne, et perçoit de ce fait leur retour comme une nécessité.
«L'armée d'Assad n'est certainement pas une force qui peut inspirer confiance aux réfugiés pour qu'ils rentrent chez eux.»
Dr Dania Koleilat Khatib
Mais, pour que les réfugiés rentrent en Syrie, les conditions sécuritaires doivent être remplies. Pour y parvenir, le Hezbollah doit quitter les zones qu'il occupe en Syrie et retourner au Liban. Pour ce faire, il devra se protéger en s'assurant que les frontières sont sûres et qu'elles ne seront franchies par aucun groupe armé opposé.
Cela signifie que tout retrait de Syrie doit s'accompagner du déploiement de forces que le Hezbollah peut considérer comme favorables. Ces forces devront également garantir un environnement sûr pour le retour des réfugiés. L'armée d'Assad n'est certainement pas une force qui peut inspirer confiance aux réfugiés pour qu'ils rentrent chez eux. Elle n'a pas non plus les capacités nécessaires pour assurer leur retour.
L'armée d'Assad est un ensemble instable de milices, de gangs et de chefs de guerre sans structure homogène de commandement et de contrôle. Les deux seuls solides corps d’armée sont la 4e division blindée sous le commandement du frère d'Assad, Maher, sous tutelle iranienne, et les forces du Tigre commandées par Souheil al-Hassan qui reçoivent les ordres directement de la base russe de Hmeimim. Cela souligne la nécessité de disposer de forces de maintien de la paix.
Dans le cadre du rapprochement saoudo-iranien, les pays arabes devraient s'entendre avec Téhéran sur la formation d'une force conjointe islamique de maintien de la paix. Cela cimenterait le rapprochement actuel entre l'Iran et l'Arabie saoudite et constituerait une bonne base pour commencer à instaurer la confiance. De plus, l’Iran faisant partie d'une force commune, ses activités seraient maintenues sous contrôle. Cela rassurerait le Hezbollah qui serait alors disposé à faire ce compromis et à se retirer de la Syrie.
Une fois les réfugiés rentrés en sécurité, la communauté internationale pourra commencer à œuvrer avec les conseils locaux à un redressement rapide, sans craindre que l'aide ou les fonds ne soient saisis par le régime. Ce plan allégerait le fardeau des réfugiés au Liban et aiderait à trouver une solution en Syrie.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com