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Il y a deux semaines, lors d’un événement organisé par le Future Investment Initiative Institute à Miami, le rédacteur en chef d’Arab News, Faisal J. Abbas, a fait un commentaire bref et net sur les médias américains. Il a affirmé qu’aux États-Unis, la distinction entre information et opinion était devenue une zone grise.
Cela s’explique par le fait que le principe d’impartialité, qui obligeait les radiodiffuseurs publics à accorder le même temps de parole aux deux parties d’un débat, a été abolie sous la présidence de Ronald Reagan. Par conséquent, aujourd’hui, «les téléspectateurs qui regardent Fox News ont une compréhension de la réalité complètement différente de ceux qui regardent CNN ou MSNBC», a déclaré M. Abbas.
La polarisation est la plus grande menace à laquelle les États-Unis sont confrontés de nos jours. Les médias ont été utilisés comme un outil par les politiciens pour cultiver leur base électorale et construire une idéologie. Malheureusement, alors que les États-Unis sont censés être un État civique et moderne, dans lequel la principale préoccupation devrait être le bien-être des citoyens, le discours est aujourd’hui totalement idéologique.
En effet, les politiciens ne pensent qu’aux prochaines élections, et ce sont eux qui influencent le contenu des médias. Au lieu d’agir comme un quatrième pouvoir garantissant l’équilibre du discours politique, les médias sont guidés par la partisanerie et les divisions politiques. Comme les politiciens ne se préoccupent que des prochaines élections, ils utilisent les questions les plus controversées et les plus polarisantes pour obtenir un soutien populaire.
Ils adoptent des positions idéologiques qui n’ont pas vraiment d’incidence sur la vie quotidienne du citoyen américain lambda. Ainsi, des questions telles que l’identité sexuelle et l’avortement sont mises en avant et occupent le devant de la scène dans le discours public. En revanche, les questions qui affectent la vie quotidienne des Américains ordinaires, comme la détérioration du niveau de vie, l’augmentation du nombre de sans-abris et le caractère inabordable des loyers et des études universitaires, ne sont pas évoquées.
L’une des raisons pour lesquelles cette approche est adoptée est que les politiciens utilisent des sujets provocateurs pour galvaniser le peuple. Une autre raison est que ces questions controversées sont faciles à mettre en œuvre. Des questions telles que l’interdiction de l’avortement ou la réglementation de l’éducation sexuelle dans les écoles ne nécessitent qu’une décision. Cependant, les questions complexes comme la lutte contre la pauvreté ou l’amélioration du niveau de vie exigent un travail intensif et ne fournissent que des avantages à long terme.
Au lieu d’agir comme un quatrième pouvoir qui garantit l’équilibre du discours politique, les médias sont guidés par la partisanerie et les divisions politiques
Dr Dania Koleilat Khatib
Aujourd’hui, lorsque j’écoute les discours aux États-Unis, je me crois dans un pays du tiers-monde où les dirigeants nourrissent les gens d’idéologie parce qu’ils n’ont rien d’autre à leur donner. Ils ne sont pas intéressés par une bonne gouvernance et un niveau de vie décent.
Aux États-Unis, le discours public dirige les campagnes électorales. Les promesses de campagne évoluent pour devenir des politiques publiques. Malheureusement, au fur et à mesure que les campagnes électorales se déroulent, les questions idéologiques prennent de plus en plus d’importance. Il s’agit soit de promouvoir le wokeness, soit d’y mettre fin. Personne ne parle des vrais problèmes auxquels est confronté le citoyen américain lambda. Pour améliorer les politiques, le discours politique doit changer et commencer à se concentrer sur les vraies questions.
Que faut-il donc faire? Pour commencer, il est important de rétablir le principe d’impartialité. Toutefois, la situation est beaucoup plus difficile qu’en 1987 en raison des réseaux sociaux, où n’importe qui peut publier n’importe quoi et prétendre qu’il s’agit d’une information. Néanmoins, le gouvernement américain a un rôle à jouer pour maîtriser cette polarisation. La première étape consiste à changer les mentalités. Les personnes au pouvoir devraient commencer à penser non pas comme des politiciens, mais comme des hommes d’État.
Au lieu de chercher à créer un «Autre» et à gagner en popularité en le diabolisant, ils doivent commencer à réfléchir à la manière de combler le fossé et de rassembler les citoyens. Le discours public doit changer et s’ancrer davantage dans les réalités quotidiennes.
Les médias américains ont également une responsabilité à assumer afin de surmonter cette polarisation et le récit pédant qui plombent le discours public américain. Les médias devraient attirer l’attention sur les déficiences du système américain qui nuisent à la qualité de vie du citoyen lambda. Le deuxième objectif devrait être de discuter des questions qui unissent les Américains. Alors que le discours public dominant étiquette les gens en tant que libéraux ou conservateurs, les médias devraient créer un récit qui contourne les divisions et l’esprit partisan. Le troisième objectif devrait être de proposer des solutions applicables qui amélioreront la qualité de vie du citoyen moyen.
Plutôt que de tomber dans le piège du jeu des reproches, les médias devraient accueillir des commentateurs s’orientant vers la recherche de solutions. Les médias devraient sensibiliser le grand public aux véritables problèmes au lieu de se laisser distraire par des questions secondaires soulevées par les politiciens. Cela permettra de réorienter le discours public vers des questions réelles et importantes et de réduire la polarisation.
Dania Koleilat Khatib est une spécialiste des relations américano-arabes et plus particulièrement du lobbying. Elle est présidente du Centre de recherche pour la coopération et la construction de la paix, une organisation non gouvernementale libanaise axée sur la voie II.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
