Espoirs de paix en Syrie

Un soldat de l'armée syrienne marche dans la ville de Morek, dans le district de Hama, en Syrie, le 24 août 2019 (Reuters)
Un soldat de l'armée syrienne marche dans la ville de Morek, dans le district de Hama, en Syrie, le 24 août 2019 (Reuters)
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Publié le Jeudi 26 novembre 2020

Espoirs de paix en Syrie

Espoirs de paix en Syrie
  • Alors que la Russie et le gouvernement syrien se concentrent sur Idlib, la Turquie s'est efforcée de se positionner sur les territoires du nord-est
  • La transition présidentielle à Washington a fourni aux principaux acteurs syriens une nouvelle opportunité de réfléchir aux nouvelles approches qu'ils pourraient envisager à l'ère de Joe Biden

Au cours de la semaine dernière, des rapports de différentes sources ont prédit deux attaques imminentes par les forces gouvernementales syriennes et leurs alliés russes; l'une, l'assaut tant attendu contre Idlib; et l'autre, une attaque contre des éléments de Daech dans le désert oriental autour de Deir Ezzor.

Les préparatifs de l'attaque d'Idlib se déroulent depuis plus d'un mois. Le signal le plus fort est venu le 18 octobre lorsque les troupes turques ont évacué le poste d'observation de Morek, leur plus grande base de la région. Le retrait de Morek était peut-être le résultat d'un accord russo-turc permettant à la Turquie de s'établir dans d'autres régions, tels que Tall Rifaat, Manbij et Aïn Issa.

Depuis le début de novembre, des avions russes et syriens bombardent la province d'Idlib. Un groupe local de défense des droits de l’homme a déclaré qu’en octobre et au début de novembre, plus de 300 cibles au sol avaient été touchées dans la région, faisant environ 25 victimes.

Alors que la Russie et le gouvernement syrien se concentrent sur Idlib, la Turquie s'est efforcée de se positionner sur les territoires du nord-est. En octobre, ses avions ont bombardé les emplacements des Forces démocratiques syriennes (FDS) dominées par les Kurdes à Manbij et Ain Issa lors de frappes clairement préparatoires pour prendre le contrôle de toute la bande le long de la frontière syro-turque.

Le 8 octobre, les États-Unis ont rappelé qu'ils étaient également un acteur en Syrie en critiquant les incursions militaires de la Turquie dans la région, avertissant que l'offensive d'Ankara dans le nord-est de la Syrie sape la lutte contre Daech, met en danger les civils, menace la paix et la sécurité régionales, et constitue même une menace pour la sécurité et la politique étrangère des États-Unis. La déclaration de la Maison-Blanche a prolongé l'urgence nationale au-delà du 14 octobre.

Cette déclaration ne rappelle pas que c’est le président américain, Donald Trump, qui, en octobre 2019, a ordonné le retrait des troupes américaines de la frontière turco-syrienne et a permis aux forces turques de les remplacer. Un acte largement considéré par les Kurdes et plusieurs responsables américains comme une trahison des FDS, qui ont résolument combattu Daech et contribué à mettre fin à l'emprise du groupe extrémiste sur le territoire syrien. La Turquie, en l'occurrence, a choisi d'ignorer la dernière déclaration américaine et a poursuivi ses bombardements meurtriers dans la région.

Un nouveau front semble s'ouvrir pour les gouvernements russe et syrien dans la région de Deir Ezzor, scène d'une recrudescence de la violence des vestiges de Daech. Des rapports réguliers précisent que des militants, organisés en petites cellules, ont mené des attaques dans l'est de la Syrie et, au cours des deux dernières années, ont vraisemblablement tué plus de 500 personnes, principalement des combattants des FDS mais aussi environ 200 civils.

La Russie et le gouvernement syrien sont peu présents dans la région et ils se prépareraient à chasser ces combattants extrémistes au moyen d'une campagne au sol, appuyée par un soutien aérien.

Après neuf ans de guerre, la transition présidentielle à Washington a fourni aux principaux acteurs syriens une nouvelle opportunité de réfléchir aux approches qu'ils pourraient envisager à l'ère de Joe Biden. Aaron Stein, dans un article récent pour le Foreign Policy Research Institute (groupe de réflexion américain basé à Philadelphie), a noté que les États-Unis «n'ont pas de stratégie en Syrie» et il a recommandé qu'ils retirent leurs forces, à la suite d'arrangements avec la Russie pour sauvegarder les intérêts kurdes.

La Russie et la Turquie ont travaillé ensemble en Syrie dans le cadre du processus de paix d'Astana et ont réussi à établir des relations bilatérales substantielles. Alors que les rêves «néo-ottomans» de la Turquie pourraient encourager le président Recep Tayyip Erdogan à maintenir une présence militaire à Idlib et dans le nord-est, il est peu probable que ce soit durable face à l'opposition du gouvernement syrien, de l'Iran et de la Russie, qui insisteront pour qu’Idlib et les zones voisines soient nettoyées des éléments extrémistes, par des moyens militaires si nécessaire.

Après de longues années de conflit fratricide en Syrie, la nouvelle année offre des espoirs de paix dans cette terre ravagée.

Talmiz Ahmad

Il reste la question des Kurdes dans le nord-est, et, en fait, à travers toute la frontière syro-turque, où les dirigeants kurdes avaient envisagé leur Rojava («patrie») dans les premières années du conflit syrien. Ce rêve est mort avec les incursions militaires turques en Syrie – Bouclier de l'Euphrate (2016), Olive Branch (2018) et Peace Spring (2019) – qui ont donné permis à Ankara le contrôle de parties du territoire syrien sur une zone de  40 kilomètres, voire plus.

Alors qu'un processus politique promu par l'Organisation des nations unies (ONU) et soutenu par la Russie, l'Union européenne (UE) et les États arabes prend de l'ampleur, la poursuite de l'occupation turque du territoire syrien sera inacceptable pour le gouvernement syrien et ses partenaires, la Russie et l'Iran. Ici, la diplomatie devra prendre les devants. Le mieux sera de garantir la sécurité de la Turquie contre les attaques kurdes, éventuellement avec des patrouilles russes, ou même de l'ONU, le long de la frontière. Les Kurdes constateront également que leurs intérêts sont mieux servis par un État syrien uni, même s'il leur accorde un certain degré d'autonomie.

Après de longues années de conflit fratricide en Syrie, la nouvelle année offre des espoirs de paix sur cette terre ravagée.

Talmiz Ahmad est auteur et ancien ambassadeur indien en Arabie saoudite, à Oman et aux Émirats arabes unis. Il est titulaire de la Ram Sathe Chair pour les études internationales, de la Symbiosis International University, à Pune, Inde.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com