Un an après le début du conflit en Ukraine, rien n’indique clairement que les hostilités cesseront prochainement. Cependant, la question de la reconstruction d'après-guerre se pose de plus en plus sur le plan politique en Occident, y compris du côté des institutions multilatérales comme le G7.
Cela s'explique en partie par le fait que les enjeux internationaux de la reconstruction du pays sont si importants qu'un échec pourrait avoir de profondes conséquences non seulement pour l'Ukraine, mais aussi pour la région et l'Occident dans son ensemble.
Cette question centrale de la reconstruction était le point d’orgue de l'exposition intitulée «ReBuild Ukraine», qui s'est tenue cette semaine en Pologne. Elle fera également l'objet de discussions vendredi, samedi et dimanche lors de la principale conférence mondiale sur les affaires militaires, le Sommet sur la sécurité de Munich, où les ministres des Affaires étrangères du G7 se réuniront samedi.
Par ailleurs, le président Volodymyr Zelensky a organisé la semaine dernière un sommet sur l'investissement en ligne avec quelque deux cents grandes entreprises, investisseurs et sociétés financières. Ils ont discuté de la création d'une plate-forme destinée à attirer des capitaux privés pour reconstruire l'Ukraine et de grands projets d'investissement, notamment dans les domaines de l'énergie verte, de l'informatique et des technologies agricoles.
L'Ukraine estime que la Russie a causé au moins 1 000 milliards de dollars (1 dollar = 0,94 euro) de dommages au cours des douze derniers mois, indépendamment des coûts liés au territoire envahi en 2014. Au début du mois de décembre, la Banque mondiale a également estimé que le coût de la reconstruction de l'Ukraine après la guerre était supérieur à 600 milliards d'euros (642 milliards de dollars).
Bien que la guerre fasse rage, les décideurs européens réfléchissent désormais plus intensément à l'avenir de l'Ukraine à moyen et long terme. Lors du sommet européen de la semaine dernière, par exemple, il a été question d'investir les avoirs russes gelés dans la reconstruction de l'Ukraine. Environ 300 milliards de dollars de réserves russes détenues dans des banques internationales ont été gelés depuis l'invasion de l'Ukraine. La dernière proposition de l'Union européenne (UE) consiste à investir les actifs gelés et à utiliser les bénéfices pour la reconstruction.
Bien que la guerre fasse rage, les décideurs européens réfléchissent désormais plus sérieusement à l'avenir de l'Ukraine à moyen et long terme.
Ce projet bénéficie d'un fort soutien des principaux États d'Europe de l'Est, notamment la Pologne, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie. Les dirigeants de l'UE ont finalement accepté de travailler «à l'utilisation des avoirs gelés et immobilisés de la Russie pour soutenir la reconstruction de l'Ukraine et à des fins de réparation, conformément au droit international».
Au-delà de la question de l'argent, il y a la stratégie politique de l'Union européenne à l'égard de l'Ukraine. Cette dernière est liée au futur élargissement de l'UE. Le processus d'intégration européenne a débuté dans les années 1950 avec six membres fondateurs et le bloc n'a cessé de s'élargir depuis, abstraction faite du Brexit, avec notamment l'adhésion, en 2004, de dix nouveaux pays membres issus de l'Europe centrale et orientale, anciennement communiste.
La relance du processus d'élargissement de l'UE en 2022 a mis en évidence l'ampleur des changements intervenus en Europe après l'invasion de la Russie. Ces dernières années, pour la Turquie et les pays des Balkans occidentaux, il a été beaucoup plus difficile que pour les pays d'Europe centrale et orientale avant 2004.
Ce processus étant au point mort depuis des années, le rajeunissement de l'agenda de l'élargissement de l’UE a été stimulé par l'invasion de la Russie. Si la candidature de l'Ukraine, en particulier, suscite beaucoup de réactions, il s’agit d’un processus de longue haleine et le président français, Emmanuel Macron, a prévenu qu'il faudrait plusieurs décennies pour que Kiev devienne un membre à part entière.
Si ce processus peut sembler sans rapport avec la reconstruction de l'Ukraine, l’un et l’autre, en réalité, sont étroitement liés, aux yeux de nombreuses parties prenantes. En effet, on s'attend généralement à ce que l'adhésion à l'UE se déroule parallèlement à la reconstruction. Cela s'explique en partie par la reconnaissance de la nécessité d'un changement politique et institutionnel plus large en Ukraine après les critiques formulées avant la guerre, notamment en matière de corruption.
L'année dernière, l'Ukraine a publié un plan de redressement national qui définit la feuille de route initiale du pays non seulement pour sa reconstruction, mais aussi pour sa transformation. Ce plan, qui couvre presque tous les aspects de l'économie et des infrastructures ukrainiennes, pourrait être au cœur des futurs efforts de reconstruction.
Les objectifs du plan sont triples: une résilience économique, sociale et environnementale; des solutions rapides pour le redressement des secteurs économique, social et environnemental; enfin, un plan de modernisation et de croissance qui assurera un développement économique durable accéléré ainsi que le bien-être de la population.
Divisé en trois phases, il couvre les besoins immédiats jusqu'en 2023, à moyen terme jusqu'en 2025, et à plus long terme pour une phase de modernisation prévue entre 2026 et 2032. La première phase est donc en cours, notamment par l’intermédiaire des autorités locales. Ces dernières nettoient et restaurent les installations clés qui ont été détruites.
Une étape ultérieure, qui pourrait commencer immédiatement après la fin des hostilités, sera davantage axée sur le redressement. Il s’agit, entre autres, du rétablissement de l'approvisionnement en eau et de la fourniture de logements. Ce n'est qu’à l’issue de cette étape que l'on pourra procéder à un renouvellement plus complet des infrastructures et des systèmes de transport ukrainiens, ce qui constituera l'étape la plus coûteuse et la plus longue.
Ainsi, même si la guerre risque de durer encore longtemps, le programme de reconstruction fait déjà l'objet de nombreuses réflexions et préparations. L'avenir immédiat de l'Ukraine est toujours une question de survie et, tant que les combats à grande échelle ne prendront pas fin, une partie importante du processus de reconstruction massive restera en suspens.
Andrew Hammond est un associé de LSE Ideas à la London School of Economics.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’une tribune parue sur Arabnews.com