Le Liban entier a été secoué mercredi par l’annonce du décès de l’ancien président du Parlement Hussein al-Husseini qui était un homme d’État exceptionnel. En tant qu’amie de la famille, je le connaissais très bien. Outre le fait qu’il était une encyclopédie vivante de l’histoire arabe, il était aussi une référence juridique. C’était lui le patron de l’accord de Taëf qui a mis fin à la guerre civile au Liban. Plus important encore, c’était un véritable homme d’État qui faisait passer son pays avant lui. Tout au long de sa carrière, il a agi avec dignité – cette dernière manquant profondément aux politiciens libanais. Il n'a travaillé ni pour lui-même ni pour sa propre confession ; il a travaillé pour le Liban.
Certains ont écrit sur lui en tant que compagnon de Musa al-Sadr, racontant comment il a créé le mouvement Mahrumin (privés), voire celui des personnes privées de leurs droits au Sud – et le parti Amal. Cependant, je l’ai connu personnellement et je lui rendais visite chaque fois que j'allais à Beyrouth ; il aimait parler de la véritable essence de l’homme d’État et de ce que représentait le Liban pour lui.
Quand j’allais le voir, il insistait sur le fait que le Liban était une nation à part entière, c’est-à-dire que tout le monde à l’intérieur des frontières du Liban est tenu de vivre ensemble et de ne changer ni la forme ni le caractère du Liban. C’était un arabisant. Avant Taëf, la Constitution ne faisait aucune référence claire à l’identité arabe du Liban. Il mentionnait que le Liban avait un « visage arabe », mais l’accord de Taëf stipule de manière claire et incontestable que le Liban est entièrement arabe.
Al-Husseini a ensuite eu des revendications sur la façon dont Taëf avait été détourné par la classe politique libanaise corrompue. Ils ont tordu l’accord qui était censé induire un mécanisme supprimant le confessionnalisme. Ils en ont plutôt fait une base pour faire respecter le confessionnalisme qui leur donnait le pouvoir. Il a toujours cru que la solution pour le Liban était de mettre correctement à exécution Taëf, premier pas vers le salut du pays.
Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui croyait au Liban autant que lui. Malgré son âge avancé et sa faible santé, vous le voyiez toujours dans son bureau, vêtu d’un costume ; il avait toujours une épinglette du drapeau libanais sur sa veste. Il croyait à la liberté. Il m’a dit que le fait que le Mont Liban soit isolé nourrissait chez les Libanais le sentiment de liberté. Pour lui, le désir inné de liberté que les Libanais ont dans leurs gènes est une caractéristique importante du Liban en tant que pays.
«Il a toujours cru que la solution pour le Liban était de mettre correctement à exécution Taëf, premier pas vers le salut du pays».
Dr. Dania Koleilat Khatib
C’est dans son modeste bureau à Verdun, là où les divans et la moquette étaient usés que j’allais lui rendre visite. Il a eu beaucoup d’espoir suite aux manifestations qui ont éclaté en 2019 : il a cru que le changement se réaliserait et que le Liban aurait un meilleur avenir. Chaque fois que j’allais le voir, il réitérait son espoir d’un Liban meilleur et me répétait que la seule solution pour le Liban était qu’il soit un véritable État et que ce n’est qu’à travers les instituions de l’État que nous, les Libanais, pourrions surmonter le confessionalisme toxique.
Al-Husseini nous quitte et quitte le Liban. Contrairement à d’autres politiciens, il n’a pas amassé de richesses. Il s’est, par contre, bâti une bonne réputation auprès de tous les Libanais. Tous ceux qui ont appris la nouvelle de sa mort ont tout de suite reconnu que le Liban a perdu un véritable homme d’État et une icône nationale. Adieu Hussein al-Husseini, que ton âme repose en paix.
Dr Dania Koleilat Khatib est une spécialiste des relations américano-arabes, et en particulier du lobbying. Elle est cofondatrice du Centre de recherche pour la coopération et la consolidation de la paix, une ONG libanaise.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com