Les analyses de ce que l'équipe Joe Biden-Kamala Harris pourrait apporter à la politique étrangère américaine sont désormais bien avancées. L’analyse conventionnelle est louable à bien des égards, et les capitales européennes l’approuveront.
Elles accueilleront un retour à la civilité dans le discours. S’il y a des désaccords sur les politiques, comme il sera toujours le cas, ils ne seront pas graves ou dédaigneux. Des opportunités d’action collective, de l’Organisation mondiale de la santé à l’ONU, seront offertes et décidées en fonction du mérite plutôt que préjugées pour rejet simplement parce qu’elles sont collaboratives. L’importance de l’OTAN, notamment sur son flanc oriental, n’aura pas à être réaffirmée.
Une telle analyse conventionnelle rejette également toute notion simpliste d’un retour à la politique étrangère américaine pré-2016. Le monde a évolué. La politique dépend des faits sur le terrain, et une grande partie de ces faits est différente de l’ère Obama.
Nous retenons donc notre souffle. Cependant, si certains volets de la politique pouvaient être déterminés à l'approche des élections, comme un retour aux accords sur le changement climatique ou l'acceptation des accords d'Abraham, il conviendrait de réfléchir sur le fait que certaines politiques pourraient être davantage influencées maintenant par le candidat perdant que nous ne l'aurions imaginé.
En réalité, le président Donald Trump a enregistré un nombre de voix historique et a seulement manqué de peu la victoire dans les principaux États pivots. Ceci préoccupera certainement la Maison Blanche puisque le premier objectif est de «réparer les États-Unis» et de remporter un second mandat plutôt que d’établir une politique étrangère. Vous commencez à penser aux prochaines élections dès que vous montez sur le podium pour prononcer votre discours d’acceptation. Et, si vous n’avez pas gagné avec une grande marge de différence, vous vous demandez déjà pourquoi c’est le cas et ce que vous allez faire à ce sujet.
Le nombre de voix historique de Trump préoccupera certainement la Maison Blanche
Alistair Burt
J’ai entendu dernièrement lors d’un webinaire entendu un démocrate évoquer cette situation. Il a rappelé un public du Moyen-Orient non seulement du nombre de voix en faveur de Trump, mais aussi du fait que Trump lui-même n’a pas surgi de nulle part et que les questions qu’il a posées sur les États-Unis et ses politiques demeurent sans réponses. Pourquoi la région a-t-elle été impliquée dans tellement de guerres éternelles, et pourquoi les troupes américaines ont-elles joué ce rôle vital ?
Je pense qu’il serait sage de reconnaître que cela place le dilemme familier de la politique américaine du Moyen-Orient dans un contexte domestique, qui, comme pour tout le reste, est différent d’avant 2016. Ce que le grand nombre de voix en faveur de Trump nous dit, c'est que ceci est la base à partir de laquelle un candidat républicain en 2024 travaillera ; que les démocrates devront prendre cela au sérieux dès le départ ; et que cela a une dimension de politique étrangère qui nécessitera une navigation prudente.
La nouvelle Maison Blanche n’aura pas besoin de dire que l’engagement des États-Unis au Moyen-Orient demeure vital pour ceux qui acceptant que les vides sont toujours comblés, et que si les valeurs, les intérêts et les alliés doivent être soutenus, il est essentiel de se montrer. Mais elle sait également qu’elle ne peut pas se permettre de le faire d’une manière qui laisserait ces questions difficiles se hisser au sommet de l'agenda intérieur des États-Unis, en cas de problème. De même, le dilemme moderne persistant de la région — comment encourager l'engagement des États-Unis en tant que garantie de sécurité sans qu'il ne semble être une « ingérence étrangère » — doit être résolu sans risquer une réaction populaire locale ou américaine.
L’observateur dans une capitale européenne reconnaît donc que, tout en accueillant le changement, nous ne pouvons pas nous libérer d’un bond, comme dans les vieux films de super-héros. Rien de tout cela n'est cependant insurmontable. Le Moyen-Orient peut reconnaître que l'engagement américain peut encore être hésitant, mais il devrait être plus cohérent et s'en tenir aux paramètres convenus qui reconnaîtront sans aucun doute les puissances croissantes dans la région. Par exemple, il n’y aura pas de retour à l’accord sur le nucléaire iranien tel qu'il était et sans la participation des États de la région qui ne se sont pas assis autour de la table initiale. Il n’est pas non plus improbable que la nouvelle administration utilisera les Accords d’Abraham de manière plus collaborative qu’exclusive, en conjonction aves les États arabes et l’Europe, afin d’assurer la résolution juste des conflits entre les Palestiniens et Israël, offrant ainsi la paix des opportunités économiques et de la sécurité qui a été si longtemps désirée.
Une transition sans heurts est essentielle pour la nouvelle direction américaine, qui sera consciente que l'administration précédente a, dans une certaine mesure, laissé son propre programme.
Alistair Burt est un ancien député britannique qui a occupé à deux reprises des postes ministériels au sein du Foreign and Commonwealth Office – sous-secrétaire d'État parlementaire de 2010 à 2013, et ministre d'État pour le Moyen-Orient de 2017 à 2019. Twitter : @AlistairBurtUK
NDLR : Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.
Ce texte est une traduction d’un article paru sur Arabnews.com