Le monde attend cette semaine le verdict de sa plus importante démocratie. Cette campagne présidentielle américaine, étonnante à bien des égards, débouche mardi sur le jour du scrutin avec une issue encore incertaine – une lutte entre l'inconnu et l'imprévisible. La situation n'est guère enviable, ni pour les États-Unis, ni pour le Royaume-Uni, l'Union européenne, le Moyen-Orient et d'autres pays, qui observeront la situation avec une anxiété sans doute plus importante que jamais.
Il est possible que la décision la plus importante de la campagne soit celle de ceux qui ont persuadé le président Joe Biden d'opter pour un débat télévisé très précoce avec Donald Trump. Pariant astucieusement mais secrètement sur le fait qu'exposer la fragilité du président permettrait de trouver un candidat de remplacement, le débat a immédiatement fait basculer vers Trump. Il a recentré les questions de l'âge et de la capacité sur l'homme qui était désormais le candidat le plus âgé. Si ce pari de remplacer Biden a fonctionné, il reste à voir s'il a fait basculer l'élection elle-même.
Quelles que soient les préférences réelles ou imaginaires des pays étrangers quant au résultat, la vérité est qu'ils respecteront la décision du peuple américain et coopéreront avec le nouvel occupant de la Maison Blanche. Ils s'occuperont des différences spécifiques de politique qu'ils connaissent déjà, tout en reconnaissant qu'il y a des questions génériques que chacun peut soulever.
Les puissances régionales supposeront probablement que les États-Unis, sous la direction de Harris, continueront à accorder la priorité à l'Extrême-Orient.
Alistair Burt
Kamala Harris reste une énigme. Si elle gagne, nous présumons tous qu'il y aurait une certaine continuité dans la politique étrangère, comme un soutien clair à l'Otan et à l'Ukraine, mais probablement aussi le maintien d'une approche plus floue du Moyen-Orient. La politique d'Israël/Gaza/Liban du candidat démocrate sortant ne semble plaire à personne. Tous les interlocuteurs se sentent abandonnés. Benjamin Netanyahou estime qu'il n'est pas soutenu avec suffisamment de force et d'assurance, tandis que les Palestiniens et la rue arabe sont scandalisés par l'ampleur de la catastrophe infligée à des civils innocents, qui n'est pas arrêtée, voire qui est activement soutenue, par les États-Unis. Les puissances régionales supposeront probablement que les États-Unis, sous la direction de Harris, continueront à accorder la priorité à l'Extrême-Orient et qu'ils devront se débrouiller pour régler des questions en suspens depuis longtemps, telles que l'avenir de la question palestinienne et ce qu'il convient de faire avec l'Iran.
Trump apporte de nouveaux programmes, dont la plupart sont terrifiants. L'Europe et le monde entier s'inquiètent des engagements pris en matière de changement climatique, alors que Trump nie l'existence de ce phénomène, qu'il qualifie d'infox. Les consensus et les accords internationaux tomberont ou devront être remaniés en profondeur. L'Europe et le monde libre sont confrontés à la première invasion d'un pays souverain sur le continent européen depuis 1945 (en accordant une certaine licence aux actions soviétiques contre les États clients dans le passé) et la perte du soutien américain en termes d'aide ou d'armes, comme l'a laissé entendre Trump, serait probablement décisive en faveur de la Russie, ouvrant la voie à la question: «Et après?»
Trump a déjà menacé de ne pas aider les États de l'Otan s'ils n'ont pas versé ce qu'il considère comme des montants appropriés aux fonds de l'alliance. Il a déclaré en février qu'il encouragerait la Russie à «faire ce qu'elle veut» à l'égard des membres «délinquants» de l'Otan, même si, dans l'atmosphère actuelle d'incertitude en matière de défense, les deux candidats voudront s'assurer que l'Europe s'engage davantage dans ce domaine. L'Europe craindra d'être prise dans une guerre commerciale républicaine, avec des droits de douane qui lui sont imposés et une pression accrue sur la Chine.
Au Moyen-Orient, certains préfèrent Trump, mais la région ne sait vraiment pas à quoi s'attendre s'il est élu.
Alistair Burt
Au Moyen-Orient, certains préfèrent Trump aux années Obama et aux messages contradictoires des démocrates, mais la région ne sait vraiment pas à quoi s'attendre au cas où Trump est de nouveau élu. Israël pourrait ou non bénéficier d'un soutien inconditionnel, allant jusqu'à l'annexion de la Cisjordanie. Un accord avec l'Arabie saoudite peut être considéré comme la réponse à tout, mais les conditions d'un tel accord en ce qui concerne la Palestine sont désormais très différentes.
Le renouvellement de la «pression maximale» sur l'Iran – la politique qui a mis fin à l'accord sur le nucléaire et donné à la région plus d'uranium enrichi iranien de meilleure qualité – s'accompagnera-t-il d'actions? Ou est-ce que ce sera le contraire pour tenir la promesse de Trump au peuple américain de ne pas s'engager militairement au Moyen-Orient une nouvelle fois?
Au-delà de ces détails, il existe des inquiétudes plus profondes. Quels dommages l'élection a-t-elle déjà causés à un peuple et à un système politique américains polarisés? Quelle est donc cette crainte d'une vengeance malveillante qui a empêché les principaux journaux américains de soutenir Harris? Le résultat sera-t-il contesté, comme cela semble certain si Trump n'est pas déclaré vainqueur et que pourrait-il en résulter? Les autoritaires du monde entier bénéficieraient d'un nouvel élan. Les États-Unis peuvent-ils émerger unis, avec une politique étrangère claire, s'ils sont encore divisés par l'élection? Et comment l'ordre international, aux prises avec une ONU dysfonctionnelle, sera-t-il affecté par des États-Unis qui pourraient se replier sur eux-mêmes, rongés une rancœur intérieure?
Aucun d'entre nous ne peut avoir d'influence sur le résultat, mais la plupart se contenteraient d'un vainqueur clair, d'une absence de rancœur, de signes de réconciliation au sein du peuple américain et d'un engagement renouvelé à l'égard de leur statut à travers le monde.
Alistair Burt est un ancien député britannique qui a occupé à deux reprises des postes ministériels au bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth, en tant que sous-secrétaire d'État parlementaire de 2010 à 2013 et en tant que ministre d'État pour le Moyen-Orient de 2017 à 2019.
X: @AlistairBurtUK
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com