Un jour ou l'autre, le président américain Donald Trump devra accepter la victoire du président élu Joe Biden et permettre une transition pacifique vers la nouvelle administration. Actuellement, il conteste les résultats de l’élection du 3 novembre et une majorité de ses partisans acharnés affirment que la victoire lui a été volée par les démocrates. Il faudra attendre le jour de l'investiture, le 20 janvier, pour que les dirigeants républicains admettent enfin leur défaite.
Trump a certes perdu, mais pas le trumpisme, une forme radicale de populisme. Il restera présent auprès des partisans de Trump. Ce dernier envisage peut-être de se représenter en 2024 ou de désigner un substitut, voire l'un de ses enfants, pour affirmer son emprise sur le parti républicain.
Ce mois-ci, ce sont plus de 73 millions d'Américains qui ont voté pour Trump et, même s'il a perdu de loin le vote populaire, ce chiffre suffit à lui seul à relater une histoire. La coronavirus (Covid-19), qui a fait à ce jour plus de 250 000 morts parmi les Américains, avec un nombre de cas infectés qui dépasse la barre des 11 millions, n'a guère réduit la popularité de Trump auprès de ses partisans. La récession économique provoquée par le virus, le taux de chômage sans précédent, les expulsions massives et les faillites n'ont pas empêché ses partisans de quitter leur maison le jour du scrutin.
Le phénomène Trump constitue le plus grand soulèvement politique de l'histoire des États-Unis. En 2015-2016, son apparition sur la scène politique a anéanti ses adversaires républicains traditionnels. Sa rhétorique peu conventionnelle et sa façon intransigeante d'attaquer ceux qui se dressaient sur son chemin lui ont valu l'affection de beaucoup d'électeurs, qui étaient lassés de la stagnation de la scène politique à Washington. Les deux partis majoritaires ont agi avec prudence pendant bien longtemps, et ont préservé donc l'establishment politique établi depuis des décennies. Trump a offert une alternative brutale, en plaçant « l'Amérique d'abord » (America First) sur pratiquement tous les fronts : La mondialisation, les accords commerciaux, les droits de douane, l'OTAN, le changement climatique et l'environnement, Israël, les relations interraciales et l'immigration, pour ne citer que quelques exemples.
Voilà donc que des millions d'Américains ont adhéré au trumpisme. Cette doctrine est devenue un courant dominant, soutenu par des médias comme Fox News et d'autres médias conservateurs.
Cependant, ce n'était pas la première tentative de réforme de la politique américaine, tant par la gauche que par la droite. Le Tea Party est un mouvement politique conservateur en matière de fiscalité au sein du Parti républicain. Il a tenté sa chance en 2009, en rétablissant les véritables idéaux conservateurs avec une touche de libéralisme. En 2011, le mouvement de gauche Occupy Wall Street (Occupons Wall Street) a émergé à New York. Il était composé principalement de jeunes Américains qui dénonçaient l'inégalité économique, la corruption et l'influence des entreprises sur la politique. Pendant quelque temps, son écho s'est fait entendre dans tout le pays, et même au-delà.
Mais le trumpisme est bien différent. Il a existé quelque temps avant la montée politique de Trump, mais c’était un mouvement plutôt marginal que les républicains ont rejeté. C’est sous la direction de Trump qu’il a pris la forme d'un véritable mouvement politique. Pendant des décennies, les deux partis dominants ont fait fi des conséquences dramatiques que la mondialisation a entraînées pour le Midwest. Des millions de cols bleus ont perdu leurs emplois au profit de la Chine. Des villes et des villages ont vu leurs usines fermer et leurs entreprises faire faillite. En raison des accords commerciaux conclus avec le Canada et le Mexique, les entreprises automobiles américaines ont dû se déplacer au-delà des frontières nord et sud des États-Unis.
Le trumpisme est devenue une doctrine dominante soutenue par des médias comme Fox News et d'autres médias conservateurs.
De plus, le déficit du commerce avec la Chine se chiffrait en centaines de milliards de dollars. L'Amérique était encore le plus grand bailleur de fonds des Nations unies et de l'OTAN et avait dépensé des milliards de dollars dans la guerre en Afghanistan et en Irak. Trump a fourni des réponses simples à ces questions si complexes : L'isolationnisme et la suppression du multilatéralisme pour marquer un retrait graduel de la scène mondiale.
M. Biden pourrait inverser quelques-unes des décisions les plus controversées de M. Trump en se ralliant à l'accord de Paris sur le changement climatique et en renégociant l'accord sur le nucléaire iranien, par exemple. Mais si les républicains continuent de contrôler le Sénat, son programme sera contrecarré. Les politiques de M. Trump résonneront donc dans les couloirs du Congrès pendant bien des années.
L'Amérique est polarisée intensément et dangereusement. La promesse de M. Biden de guérir la nation risque de ne pas être réalisée. Son administration sera engloutie par la lutte contre la Covid-19 - une mission qui paraît presque impossible à ce stade. L'approche adoptée par M. Biden sera probablement celle du business as usual : retour à l'ère pré-Trump. Mais là n'est pas la solution. Des millions d'Américains ont perdu toute confiance dans le processus politique et doivent patienter jusqu'aux prochaines élections. Peu importe que M. Trump se présente ou non aux élections de 2024, son héritage déterminera le résultat de ces élections. Il est encore trop tôt pour effacer le trumpisme.
Osama Al-Sharif est un journaliste et commentateur politique basé à Amman.
Twitter : @plato010
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com