Le Liban est entré depuis le début du mois de septembre dans le délai constitutionnel durant lequel le Parlement devra s’atteler à une tâche unique, celle d’élire un nouveau président. Ce délai sera de soixante jours, jusqu’à la fin du mandat de l’actuel président, Michel Aoun, le 31 octobre prochain.
Selon la Constitution, la Chambre des députés devrait être convoquée par son président, M. Nabih Berri, afin de choisir un nouveau président. Mais, comme nous le savons, les échéances électorales, au Liban, restent théoriques. Depuis des décennies, le Liban a vécu à de nombreuses reprises des périodes plus ou moins longues de vacance à la présidence de la république.
Voilà pourquoi nul ne serait surpris, à Beyrouth, si la période constitutionnelle n’accouchait pas d’un nouveau président avant le 31 octobre. À cette date, le président du Parlement se réserve le droit de choisir le moment qu’il jugera opportun pour convoquer la Chambre. M. Berri insiste sur une entente qui fera élire un président de conciliation qui unirait les Libanais sans distinction.
Néanmoins, le temps presse, d’autant que toutes les tentatives destinées à former un nouveau gouvernement présidé par M. Najib Mikati sont tombées à l’eau face à l’intransigeance de M. Aoun, qui exigerait d’obtenir assez de sièges pour lui permettre de se dresser en tant que partenaire disposant d’un pouvoir de blocage gouvernemental dans l’hypothèse où l’on échouerait à élire un nouveau président avant le départ de Aoun. Même si ce dernier était démissionnaire, ses compétences seraient transférées au gouvernement en place. L’actuel président mène une bataille politique en vue de son départ dans le but de préserver son influence politique au sein de l’appareil de l’État s’il ne parvenait pas à faire élire à la présidence son poulain, qui est aussi son gendre, M. Gebran Bassil.
D’autre part, les treize députés du changement parlent de se réunir avec toutes les forces politiques afin de parvenir à un accord sur un nouveau président choisi sur la base de différents critères. Samir Geagea, le président des Forces libanaises, avance le profil d’un président de défi qui trancherait avec le profil de Michel Aoun, allié indéfectible du Hezbollah. Le président que préconise M. Geagea serait un homme qui représenterait le choix du changement et de la souveraineté, c’est-à-dire quelqu’un qui ne serait pas à la solde de la milice pro-iranienne.
L’actuel président mène une bataille politique en vue de son départ dans le but de préserver son influence politique au sein de l’appareil de l’État s’il ne parvenait pas à faire élire à la présidence son poulain, qui est aussi son gendre, M. Gebran Bassil.
Ali Hamade
Il est vrai que l’échéance présidentielle revêt une importance certaine au Liban. Néanmoins, un autre sujet hante les esprits: les menaces proférées par le chef du Hezbollah à l’encontre du site pétrolier israélien offshore de Karich, d’où l’État hébreu compte extraire du gaz à la fin de ce mois. Les menaces guerrières de Hassan Nasrallah interviennent alors que des négociations sur la délimitation des frontières maritimes sont en cours entre le Liban et Israël, par l’intermédiaire des États-Unis. Lors de différents discours, M. Nasrallah a parlé de recourir aux armes afin d’empêcher Israël de lancer l’extraction de gaz à Karich si un accord n’était pas conclu au préalable afin de permettre au Liban de faire de même dans ses eaux territoriales.
Les menaces de la milice pro-iranienne viennent du fait que la région voit grandir les tensions autour des négociations sur le programme nucléaire iranien, dont l’issue est toujours incertaine, de la situation qui ne cesse de s’envenimer en Irak et, surtout, de la crise politique et économique qui secoue le Liban. Il est clair que la décision de déclencher des hostilités avec Israël ne revient pas au chef du Hezbollah.
Cette décision serait d’une telle gravité qu’elle reviendrait au seul Guide suprême iranien, Ali Khamenei. Une guerre que déclencherait le Hezbollah en attaquant les plates-formes opérantes dans les eaux israéliennes pourrait avoir des conséquences qui iraient bien au-delà du Liban. Elle serait perçue par Tel-Aviv comme une confrontation avec l’Iran. D’où la crainte au Liban de se voir entraîner dans une guerre qui enfoncerait le pays du Cèdre encore plus dans une situation infernale.
Plusieurs observateurs estiment que les menaces de M. Nasrallah ne sont qu’une tactique qui vise à s’arroger le crédit en cas d’un accord sur les frontières maritimes dans un moment délicat où la milice peine à convaincre la majorité des Libanais des «bienfaits» de ses armes.
Malgré tout, les Libanais ont peur. Ils redoutent qu’une erreur de jugement n’entraîne l’éclatement d’une guerre qui viendrait s’ajouter au lot des catastrophes qui s’abattent sur leur pays depuis quelques années. Reste la question que beaucoup d’entre eux se posent actuellement: pourquoi vivons-nous en permanence dans un État d’extrême urgence?
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban.
Twitter: @AliNahar
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.