Nul ne peut ignorer la tension grandissante qui se fait ressentir entre le Hezbollah, parti pro-iranien, et Israël sur fond de différend entre ce dernier et le Liban, en ce qui concerne le tracé de la frontière maritime entre les deux pays. Cette tension est montée en juin dernier après l’arrivée de la plate-forme gazifière d’origine grecque Energean dans le champ de Karich, au large des côtes israéliennes. La plate-forme naviguant sous le drapeau grec est supposée commencer à extraire le gaz en septembre. Le chef du parti pro-iranien Hassan Nasrallah a déjà lancé un avertissement aux Israéliens affirmant qu’il empêcherait par la force toute extraction de gaz de Karich, faisant planer le spectre d’une confrontation armée avec Israël si le médiateur américain ne réussissait pas à sécuriser un accord qui répondrait aux attentes libanaises. Là est le problème. Le chef du Hezbollah a réitéré hier ses menaces à l’occasion de la commémoration chiite d’Achoura en demandant à ses partisans, d’un ton belliqueux, de se tenir prêts à toute éventualité. Il faisait allusion aux menaces antérieures de recourir à la force. Mais le parti pro-iranien n’a jamais précisé ce qu’il considérait être le droit du Liban en matière de tracé maritime. Il faut rappeler que les gouvernements libanais successifs ont très mal géré ce dossier. Beyrouth avait déposé auprès des Nations unies en 2011 un tracé qui est bien loin du champ de Karich, et les négociations en cours entre le médiateur américain, Amos Hochstein, et les autorités libanaises ne portent même pas sur le champ qu’exploite Tel Aviv. Il s’agirait pour les autorités libanaises d’obtenir exclusivement un autre champ nommé Cana, situé au nord de Karich, dont on ignore toujours la véritable valeur en termes de ressources énergétiques.
Il faut savoir que le vrai pouvoir au Liban est toujours détenu par le parti armé qui sert les intérêts de l’Iran
Ali Hamade
On s’attend à ce que le deal puisse être conclu dans les prochaines semaines. Or, le Hezbollah brandit la hache de guerre à un moment où le Liban est en pleine négociation, avant même de recevoir la réponse israélienne. Le Hezbollah fait monter la tension sur un sujet qui va au-delà d’un différend sur les frontières maritimes entre le Liban et Israël. Il se lance dans une surenchère qui lui permettra de faire main basse sur la position du gouvernement libanais ainsi que les autres institutions constitutionnelles, à commencer par la présidence de la République qui fait figure d’auxiliaire du parti pro-iranien. En effet, la présidence de la République, en la personne de Michel Aoun, se contente d’observer un silence de mort.
Mais alors qu’est-ce qui pousserait le Hezbollah à monter le ton sur un sujet qui est toujours en cours de négociation? Tout d’abord, il faut savoir que le vrai pouvoir au Liban est toujours détenu par le parti armé qui sert les intérêts de l’Iran. Le pouvoir gouvernemental est inexistant. La présidence n’est qu’une façade qui cache le pouvoir détenu par la milice pro-iranienne. Le Parlement fraîchement élu ressemble de plus en plus au club de bridge au XXIe siècle qui rassemble une élite déconnectée de la réalité.
La surenchère du chef de la milice, Hassan Nasrallah, aurait pour objectif de mettre tous les acteurs politiques locaux au pas. Il voudrait leur rappeler que c’est la milice qui tient les ficelles au Liban, et que même s’il a perdu la majorité au Parlement, le centre de pouvoir ne changera en aucun cas. D’autre part, il voudrait rappeler aux acteurs régionaux que le Liban est toujours dans la sphère d’influence iranienne. Cette influence pourrait être mise à profit si les intérêts vitaux de Téhéran venaient à être mis en danger.
En conclusion, si le Hezbollah mettait à exécution ses menaces d’attaquer la plate-forme grecque stationnée dans le champ israélien de «Karich», il faudrait bien aller chercher l’origine de cette grave décision du côté des Iraniens. Néanmoins, nous pensons que ces menaces resteront purement rhétoriques, et ce jusqu’à nouvel ordre.
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban.
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.