Les primaires du Likoud confirment que le «bibisme» a pris le dessus au sein du parti

L’ancien Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou. (AP)
L’ancien Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou. (AP)
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Publié le Vendredi 02 septembre 2022

Les primaires du Likoud confirment que le «bibisme» a pris le dessus au sein du parti

Les primaires du Likoud confirment que le «bibisme» a pris le dessus au sein du parti
  • Même à l’apogée du pouvoir de Menahem Begin, le chef fondateur du Likoud n’a jamais encouragé le genre de culte de la personnalité qui a émergé à l’époque où l’ancien Premier ministre, Benjamin Netanyahou, était à la tête du parti
  • Sa personnalité – narcissique, hédoniste, folle de pouvoir – lui a valu des démêlés avec la justice et l’a conduit à recourir aux pires formes de populisme pour rester indéfiniment au pouvoir et empêcher son procès pour corruption d’aboutir

À l’approche des élections, la politique israélienne est, comme d’habitude, une ruche bourdonnante de réalignements et de primaires, bien qu’il y ait peu d’espoir que les résultats du vote de novembre soient plus décisifs que les quatre précédents au cours des quatre dernières années. Cependant, la quasi-impasse habituelle qui conduit à des résultats non concluants ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas eu de changements significatifs au niveau de la composition de la société et de la politique israélienne.
L’un de ces changements notables a été mis en lumière lors des dernières primaires du parti Likoud, lorsque l’ancien Premier ministre, Benjamin «Bibi» Netanyahou, a confirmé sa prise de contrôle totale du parti. Son style de populisme, connu sous le nom de «bibisme», règne en maître absolu et menace d’engloutir le pays et de mettre en danger la fragile démocratie d’Israël.
La version 2022 du Likoud est très différente du parti fondé près de cinquante ans auparavant, en 1973. Même à l’apogée du pouvoir de Menahem Begin – après que son parti a remporté sa première élection en 1977 – le chef fondateur du Likoud n’a jamais encouragé le genre de culte de la personnalité qui a émergé à l’époque où l’ancien Premier ministre, Benjamin Netanyahou, était à la tête du parti.
La politique israélienne est complexe et il serait trop simpliste, voire inexact, de décrire le Likoud et les factions qui ont uni leurs forces pour le former comme un parti de centre droit. Il y a toujours eu des éléments de droite radicale au sein de ce mouvement, remontant aux années pré-étatiques, lorsque Menahem Begin et son successeur au poste de Premier ministre, Yitzhak Shamir, ont dirigé deux des mouvements clandestins les plus militants, recourant à des méthodes terroristes à la fois contre les représentants du mandat britannique sur la Palestine et la population arabe.
De plus, ils croyaient au monopole et à la supériorité du mouvement sioniste en Palestine mandataire entre le Jourdain et la mer Méditerranée. Cependant, il y avait en quelque sorte un paradoxe, car ils défendaient également des valeurs libérales d’Europe centrale qui contrastaient souvent avec leurs opérations politiques et militaires.
C’est Menahem Begin lui-même qui a nourri le populisme, prêt à abandonner toute la péninsule occupée du Sinaï pour signer un accord de paix avec l’Égypte et, ainsi, pris un gros risque avec son soutien national. Lorsque le Likoud a finalement remplacé le parti travailliste auparavant dominant au pouvoir, la seule chose qu’il a conservée – du moins à l’intérieur de la Ligne verte en Israël, mais dans une bien moindre mesure au sein des territoires occupés – était le respect de la primauté du droit et du système judiciaire, comme il est normalement prévu dans une démocratie.
Benjamin Netanyahou, qui, ironiquement, est le fils de l’un des principaux idéologues sionistes de droite de la période précédant la création de l’État et les premières années d’Israël, a progressivement transformé le parti jusqu’à ce qu’il devienne un simple instrument de vénération du chef. Il a permis l’émergence de ce que l’on appelle le «bibisme». Il s’agit d’un culte de la personnalité dans l’esprit de la célèbre déclaration du roi français Louis XIV: «L’État, c’est moi.»

Benjamin Netanyahou a progressivement transformé le parti Likoud jusqu’à ce qu’il devienne un simple instrument de vénération du chef.

Yossi Mekelberg

En l’état actuel des choses, il est presque impossible de savoir si, à un moment donné, M. Netanyahou a adopté une idéologie ferme ou adhéré à un système de valeurs, ou s’il a toujours été un simple opportuniste en quête de pouvoir, de renommée et d’argent. Les personnes qui l’ont rencontré s’accordent généralement pour dire qu’il est intelligent, qu’il est doté de connaissances approfondies sur différents sujets et d’un bon esprit d’analyse et qu’il peut même être charmant quand il le veut. Mais c’est sa personnalité – narcissique, hédoniste, folle de pouvoir et exacerbée par un environnement familial problématique – qui lui a valu des démêlés avec la justice et l’a conduit à recourir aux pires formes de populisme pour rester indéfiniment au pouvoir et empêcher son procès pour corruption d’aboutir.
À cette fin, il est prêt à creuser un fossé entre juifs et Arabes, juifs séfarades et juifs ashkénazes, de droite et de gauche, religieux et laïcs, et sacrifier le bien du pays en s’entourant de flatteurs serviles qu’il a récompensés en nommant à des postes ministériels et de la fonction publique, qu’ils soient ou non qualifiés pour occuper de tels postes. Le résultat probable des primaires est que de telles méthodes garantiront à la faction dirigée par le Likoud à la Knesset (Parlement israélien) la part la plus importante du corps législatif israélien. Elle sera constituée de personnes qui lui sont fidèles, qu’il pleuve ou qu’il vente… à moins que Benjamin Netanyahou ne soit condamné.
Pour M. Netanyahou, en particulier à la lumière de son inculpation pour trois affaires de corruption, le développement du bibisme, un populisme adapté aux conditions israéliennes, crée un lien indissoluble entre le fait d’être au pouvoir et ses efforts inlassables pour mettre fin à son procès. Pour cela, il est prêt à saper et à politiser le système judiciaire et à inciter à la violence contre les Palestiniens, qu’ils soient citoyens d’Israël ou vivant sous occupation ou blocus israéliens. Il qualifiera également d’«antipatriotique» tout gouvernement qui n’est pas dirigé par lui-même et, pire, décrira ses dirigeants comme des traîtres et des collaborateurs des ennemis du pays, parmi lesquels il inclut des partis qui représentent la majorité de l’électorat palestinien.
Benjamin Netanyahou était considéré comme un radin plutôt pathétique qui ne payait pas son propre champagne et ses cigares et qui était obsédé par une couverture médiatique positive. Il a donc mené une guerre sans merci pour détruire l’État de droit et avec lui le système démocratique. Ainsi, il a légitimé les éléments d’extrême droite et les racistes les plus radicaux de la politique israélienne, tant qu’ils le soutiennent dans la formation d’une coalition au lendemain des élections générales de novembre – quels que soient les dommages supplémentaires que cela infligera à un système démocratique déjà en difficulté, ainsi qu’à la cohérence et à l’unité de la société israélienne.
De nombreux partisans de M. Netanyahou croient sincèrement en lui, l’adorent même, et souscrivent donc sans réfléchir à ses incitations contre ses rivaux et contre ceux dont le seul crime est de s’assurer que justice soit rendue lors de son procès pour corruption. Il est en outre parfaitement conscient des dommages qu’il cause, ce qui rend son comportement moralement indéfendable. Son refus d’abandonner le pouvoir – et plus précisément sa réticence à passer ses dernières années derrière les barreaux – signifie qu’il applique bel et bien la devise de «L’État, c'est moi – le roi Bibi», et au diable les conséquences pour tous les autres.

• Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé dans le Programme de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (Mena) à Chatham House. Il collabore régulièrement avec les médias internationaux écrits et en ligne.

Twitter: @Ymekelberg
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com