Les conséquences de l’ingérence iranienne au Maroc

Le citoyen belge d’origine marocaine Ali Abdelkader Belliraj est accusé d’avoir mené des opérations terroristes en Belgique en collaboration avec l’Iran (Photo, Screengrab).
Le citoyen belge d’origine marocaine Ali Abdelkader Belliraj est accusé d’avoir mené des opérations terroristes en Belgique en collaboration avec l’Iran (Photo, Screengrab).
Short Url
Publié le Samedi 13 août 2022

Les conséquences de l’ingérence iranienne au Maroc

Les conséquences de l’ingérence iranienne au Maroc
  • L’Iran a élaboré une stratégie pour propager le chiisme au Maghreb
  • La décision du Maroc de rompre les liens avec l’Iran en 2018 est toujours en vigueur à ce jour

Le comportement suspect de l’Iran et son ingérence dans les affaires intérieures du Maroc ont renforcé la perception négative qu’ont les décideurs arabes de Téhéran et de ses interventions régionales. Sans des changements majeurs, il sera extrêmement difficile de changer cette impression.

En outre, au cours des quatre décennies d’escalade progressive des tensions entre l’Iran et le Maroc, ces perceptions se sont normalisées au niveau de la population, au point que l’Iran est désormais largement considéré comme une menace pour l’État et la société. En conséquence, malgré la volonté de l’Iran de rétablir de bonnes relations, le Maroc reste déterminé à poursuivre la rupture des liens diplomatiques, depuis qu’il a retiré, en 2018, son ambassadeur de Téhéran.

L’Iran n’a toujours pas renoncé à ses principes de politique étrangère interventionniste et à ses objectifs idéologiques qui l’obligent à jouer un rôle central et de premier plan dans l’ensemble du monde islamique. Téhéran compte toujours acquérir une domination régionale en s’ingérant ouvertement dans les affaires intérieures de ces pays et en mettant en danger leur souveraineté ainsi que la sécurité de leurs sociétés.

Le Maroc a tenté de réglementer le comportement de Téhéran à son égard en concluant des protocoles d’accord pour renforcer la coopération et la coordination bilatérales, le respect mutuel de la souveraineté, le maintien de l’intégrité territoriale et la non-ingérence dans les affaires intérieures de l’autre. Malgré ces accords, l’Iran poursuit ses actions hostiles.

Dès lors, la position marocaine, fidèle à sa décision de rupture diplomatique, semble justifiée. Tout autre pays confronté à la même situation que le Maroc à l’égard de l’Iran n’aurait pas permis à Téhéran d’utiliser ses appareils diplomatiques et le siège de ses missions diplomatiques comme outils d’ingérence, de sabotage et d’atteinte à l’intégrité à l’unité sociale et à la croyance religieuse. L’Iran a joué un rôle perturbateur et destructeur au Maroc à travers son ambassade, son siège diplomatique et ses centres culturels. En outre, il a tenté de piéger l’Irak dans ce stratagème destructeur en exploitant l’école irakienne de Rabat pour propager le sectarisme et mettre en œuvre son projet iranien à plus grande échelle.

L’Iran a élaboré une stratégie pour propager le chiisme au Maghreb, influencer l’identité religieuse de la société marocaine et gagner en autorité religieuse et politique, ce qui lui a ainsi permis d’élargir sa présence et d’accroître son pouvoir tout en établissant une base de soutien et en convertissant la loyauté du peuple envers Téhéran afin de servir ses objectifs et ses ambitions.

Les Marocains dispersés à travers l’Europe n’ont pas non plus été épargnés par le sectarisme de Téhéran. L’Iran les a soigneusement pris pour cible, profitant de leur situation vulnérable dans un environnement inconnu, loin de chez eux. Certains ont été endoctrinés de telle manière que leur identité a entièrement changé. La République islamique les a transformés en agents fidèles de Téhéran en Europe et les a dirigés de manière à ce qu’ils s’opposent à leur pays d’origine. Le ministre marocain des Affaires étrangères avait pris la parole pour condamner le rôle joué par l’attaché culturel de l’ambassade de Téhéran à Rabat dans l’endoctrinement des Marocains en Europe et le prosélytisme chiite.

Aucun pays au monde ne devrait permettre à une autre nation de mettre en péril sa propre souveraineté et son intégrité territoriale. C’est ce qu’ont traduit la position ferme du Maroc envers Téhéran ainsi que les réactions officielles et populaires après la mise en évidence de l’implication de l’Iran dans le soutien et la fourniture d’armes au Front Polisario, le mouvement séparatiste, par l’intermédiaire du Hezbollah libanais.

En outre, il s’est avéré qu’Amir Moussavi, l’ancien attaché culturel iranien en Algérie, ainsi que d’autres diplomates iraniens qui travaillaient à l’ambassade d’Alger ont supervisé la formation des combattants du Front Polisario. Cette formation militaire comprenait des instructions sur l’utilisation de missiles sol-air dans une base militaire à Tindouf, en Algérie.

Après tous ces événements, le Maroc a décidé de rompre ses relations diplomatiques avec l’Iran au cours de l'été 2018. Nous savons tous à quel point la question du Sahara occidental est sensible pour le peuple marocain et les dirigeants de ce pays. Téhéran a franchi là-dessus une ligne rouge.

Par ailleurs, le Maroc refuse que son territoire devienne un tremplin pour les politiques subversives et destructrices ainsi que pour les activités illégales de l’Iran. Le rôle de Téhéran sur la scène marocaine a éclaté au grand jour avec la découverte d’une cellule dirigée par le citoyen belge d’origine marocaine Ali Abdelkader Belliraj, accusé d’avoir mené des opérations terroristes en Belgique en collaboration avec l’Iran.

Les responsables marocains sont parfaitement conscients de la volonté iranienne de renforcer son influence néfaste sur la scène marocaine et du rôle préjudiciable joué par le Corps des gardiens de la révolution islamique et le Hezbollah dans la contrebande transfrontalière d’armes vers les zones de conflit en Afrique. Ces groupes offrent également un soutien aux groupes rebelles et mènent des activités illégales comme le contournement des sanctions, la contrebande de fonds et d’autres actions liées à la politique iranienne de résistance à la pression internationale, aux sanctions et à l’isolement. Tous ces éléments constituent une menace pour l’influence et le statut du Maroc en Afrique et contribuent à alimenter les différends ainsi que les tensions dans les zones voisines.

Tout cela montre que les désaccords entre le Maroc et l’Iran semblent chroniques et profonds. Le comportement hostile de l’Iran envers le Maroc menace l’unité, la stabilité et l’intégrité territoriale de ce pays du Maghreb. En outre, il révèle des différences importantes entre les deux pays sur un certain nombre de questions internationales.

De plus, l’engagement du Maroc dans la sphère arabe signifie que la capitale, Rabat, n’est pas la seule à faire face au comportement odieux de l’Iran. Compte tenu du comportement hostile de Téhéran, le pays peut compter sur un important soutien arabe. Par exemple, au mois de mars, la Ligue arabe a fermement rejeté l’armement par l’Iran des agents séparatistes qui menacent la sécurité et la stabilité du Maroc. À l’époque, Rabat bénéficiait d’une aide particulière de l’Arabie saoudite, toujours aux côtés des pays frères face aux défis et aux crises.

Ce rôle se traduit par le soutien du Royaume à une résolution de la Ligue arabe qui déclare sa solidarité avec le Maroc face à l’ingérence du régime iranien et de son allié, le Hezbollah, dans les affaires intérieures du Maroc, notamment en termes d’armement et de formation des séparatistes qui menacent l’intégrité territoriale, la sécurité et la stabilité du pays.

L’Iran a joué un rôle perturbateur et destructeur au Maroc à travers son ambassade, son siège diplomatique et ses centres culturels.

Dr Mohammed al-Sulami

Il ne fait aucun doute que l’Iran n’a pas réussi à gagner la confiance de son pays frère, le Maroc, considéré comme un acteur d’une importance vitale dans les sphères arabe et islamique, ainsi qu’un lien transatlantique vital et un couloir vers l’Europe. L’Iran a gaspillé de nombreuses possibilités d’établir des relations constructives avec le peuple et les dirigeants marocains en raison de ses politiques hostiles et perturbatrices qui ne respectent pas les normes ni les critères internationaux supposés réglementer les relations internationales.

En conséquence, la décision du Maroc de rompre ses relations avec l’Iran en 2018 est toujours en vigueur à ce jour. Par ses propres actes et par ses comportements destructeurs, Téhéran ne cesse de confirmer les perceptions et les impressions négatives qui le poursuivent désormais dans tous les pays où il se rend. Le Maroc, qui souffre depuis longtemps, n’est que l’un des nombreux pays africains, arabes et islamiques qui soutiennent désormais qu’ils ne permettront aucune normalisation des relations avec l’Iran, à moins que Téhéran n’apporte des changements significatifs à ses politiques et à ses modèles de relations étrangères.


Le Dr Mohammed al-Sulami est directeur de l’Institut international d’études iraniennes (Rasanah). Twitter: @mohalsulami

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews