Aujourd’hui, la question qui taraude tous les centres de décision politiques et économiques franco-marocains est la suivante: qu’est-ce qui empêche Paris de reconnaître officiellement la souveraineté du Maroc sur le Sahara?
Cette interrogation est d’autant plus pertinente que bien avant la reconnaissance américaine de cette souveraineté, la diplomatie française était parmi les plus actives sur le plan international à défendre le plan d’autonomie proposé par le Maroc. Elle occupait même un poste d’avant-garde dans la défense des intérêts du Royaume, reflétant ainsi l’esprit d’un partenariat stratégique qui a résisté à de nombreuses bourrasques et vaincu de nombreuses crises.
La position de la France à l’égard de cette dispute territoriale paraît anachronique. Il est vrai que l’ouverture d’une antenne du parti présidentiel La République en marche dans la mythique ville de Dakhla a pu être perçue comme un geste préparatoire à une reconnaissance diplomatique totale, mais celle-ci tarde à venir, provoquant souvent incompréhension, parfois ire et amertume.
Paris avait l’occasion de lier et de conditionner sa marge de manœuvre dans cette crise à deux facteurs essentiels: le premier est de ne pas se mettre à dos l’Algérie, qui avait fait de son soutien au Polisario et de l’affaiblissement du Maroc son unique raison d’être, et le soubassement d’une guerre diplomatique permanente.
Le second est celui de favoriser une position européenne commune plutôt que de jouer les francs-tireurs. La reconnaissance individuelle par pays a toujours été présentée comme difficile à réaliser, tant le collectif européen aurait du mal à suivre et à garder une cohérence dans une possible jungle juridique.
La peur des conséquences d’une Algérie imprévisible a depuis des décennies rendu la France contrainte dans son expression. Outre la possibilité pour Alger de compliquer les plans sécuritaires français dans la lutte contre le terrorisme, aussi bien en France que dans la région du Sahel, Emmanuel Macron, depuis son arrivée à l’Élysée, s’est créé une complication supplémentaire en voulant lancer le chantier d’une réconciliation mémorielle entre la France et l’Algérie.
Cette inévitable reconnaissance française et européenne de la souveraineté du Maroc sur le Sahara devient une indispensable avancée pour lutter contre les facteurs d’instabilité et de chaos qui menacent l’ensemble de la région.
- Mustapha Tossa
Or, la grande nouveauté dans la relation entre Paris et Alger se résume à une prise de conscience qui semble se traduire par une conviction française que ce «système politico-militaire» algérien agit en pyromane et transforme son pays en État voyou, menaçant la stabilité régionale. Une profonde déception française, alors qu’Emmanuel Macron, avait proposé son soutien au président Tebboune pour une période transitoire qui aurait aidé les Algériens à dépasser les affres du cinquième mandat.
En adoptant une ligne de conduite contre-productive, Alger apparaît aux yeux du monde comme un régime qui, pour sa survie, se cherche absolument des ennemis extérieurs, au point de rompre ses relations avec son voisin marocain. Un régime qui, pour pousser la France à changer de position, exerce un chantage sécuritaire manifeste à travers son refus de récupérer les centaines de fichés S algériens radicalisés et des centaines de milliers de sans-papiers. Il couronne cette tension avec la France en interdisant son espace aérien au survol des avions militaires français, pourtant impliqués dans la guerre contre les organisations terroristes au Sahel.
Au vu de l’évolution du régime algérien et de la prise de conscience française de sa réalité, aucun obstacle ne subsiste à une reconnaissance française de la souveraineté marocaine sur le Sahara. L’excuse selon laquelle il fallait ménager Alger n’a plus sa raison d’être, surtout dans un contexte où le président Emmanuel Macron a dit toute sa vérité au «système» algérien, construit sur une rente mémorielle, mais actuellement dépourvu de toute légitimité populaire ou démocratique.
Cette inévitable reconnaissance française et européenne de la souveraineté du Maroc sur le Sahara devient une indispensable avancée pour lutter contre les facteurs d’instabilité et de chaos qui menacent l’ensemble de la région.
Il est à noter qu’au cours de son premier mandat, Emmanuel Macron n’a toujours pas effectué une visite d’État au Maroc. La longue parenthèse sanitaire de la Covid-19, ainsi que quelques fritures sur la ligne Rabat /Paris ont été les principaux freins à cette visite.
Mais dans la relation si particulière qui unit le Maroc et la France, une grande relance sur un projet de partenariat encore plus ambitieux est encore possible.
Cette fameuse reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara par la France pourra jouer l’effet d’un précieux accélérateur qui projetterait l’ensemble de la région dans une nouvelle séquence de paix, de stabilité et de prospérité.
Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.