Paris vibre encore de la visite du président des Émirats arabes unis (EAU), Mohammed ben Zayed al-Nahyane alors que se profile la visite de Mohammed ben Salmane, prince héritier du royaume d’Arabie saoudite, qui vient à Paris immédiatement après sa rencontre avec le président Biden.
Paris, en ce mois de juillet 2022, occupe décidément une place particulière pour les deux grandes puissances de la péninsule Arabique.
Les figures imposées
Les secteurs de coopération sont les mêmes qu’avec son voisin émirien: coopération militaire, coopération économique et investissements, lutte contre le réchauffement climatique, mise en place d’une stratégie commune de politique énergétique, lutte contre l’islam radical.
L’Arabie saoudite a subi de nombreuses attaques terroristes et elle connaît parfaitement la lutte contre les terroristes issus des talibans afghans.
Nombreux sont ceux qui étaient incrédules devant la politique de modernisation du pays engagée avec la Vision 2030 du prince héritier, Mohammed ben Salmane.
C’est d’ailleurs pour répondre à cet enjeu sécuritaire qu’a été créé le centre Al-Nayef de lutte contre la radicalisation qui, vingt ans avant la France, a instauré des quartiers de prise en charge de la radicalisation (QPR), suivi quelques années plus tard par le remarquable Centre mondial de lutte contre l'idéologie extrémiste (Etidal), qui utilise l’intelligence artificielle pour sonder les réseaux sociaux et y traquer les terroristes.
Autre perspective: une extraordinaire coopération culturelle avec la mise en valeur du site d’AlUla, classé au patrimoine mondial de l’Organisation des nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) depuis 2008, et qui contient les plus importants sites de la civilisation des Nabatéens, confiée à Gérard Mestrallet et à ses équipes.
Ce site grandiose, mis au jour par des archéologues français qui y travaillent depuis plus de dix ans, offre à ce pays un site exceptionnel pour les touristes qui n’auraient jamais songé à l’Arabie saoudite comme destination de tourisme et pourtant… Sans parler du site Neom, en construction sur les bords de la mer Rouge.
On se souvient du sans-faute diplomatique du président Macron en 2017. Alors que les tensions étaient à leur comble dans la région, son déplacement à Riyad avait permis de les apaiser.
Nombreux sont ceux qui étaient incrédules devant la politique de modernisation du pays engagée avec la Vision 2030 du prince héritier, Mohammed ben Salmane.
Mais la jeunesse du Royaume la perçoit et le monde doit réaliser les changements extraordinaires qui se sont produits en Arabie saoudite ces cinq dernières années.
Mais au-delà de ces figures imposées, il y a le fond de cette visite
On se souvient du sans-faute diplomatique du président Macron en 2017. Alors que les tensions étaient à leur comble dans la région, son déplacement à Riyad avait permis de les apaiser.
La visite du prince héritier en France se situe cette fois dans un contexte de crise énergétique, mais aussi d’une nouvelle architecture des alliances.
On l’observe avec le front constitué par la Russie, la Turquie et l’Iran.
À n’en pas douter, l’Afrique sera au menu des discussions entre Emmanuel Macron et Mohammed ben Salmane.
On le voit par ailleurs avec les effets des accords d’Abraham auxquels l’Arabie n’est pas partie.
L’Arabie saoudite peut ainsi jouer un rôle important dans la défense des Palestiniens, totalement passés à la trappe de la Pax Americana et du Business as usual!
Le monde est instable et doit faire face à des défis sécuritaires majeurs: dans ce contexte, la venue de Mohammed ben Salmane à Paris est un signe fort.
Elle se déroule alors que le président Macron terminera une rapide tournée au Bénin et au Cameroun; on sait le rôle de l’Arabie saoudite en Afrique, ce sera sans doute un sujet important de lutte en commun contre le terrorisme en Afrique de l’Ouest. Dans le cadre du développement de cette partie du monde, l’Arabie saoudite a investi, en 2021, 1 milliard de dollars (1 dollar = 0,99 euro), via le Fonds saoudien pour le développement (FSD).
À n’en pas douter, l’Afrique sera au menu des discussions entre Emmanuel Macron et Mohammed ben Salmane.
Tout comme l’Iran, l’autre sujet du moment avec la renaissance au forceps de l’accord sur le nucléaire iranien, alors que l’Iran constitue toujours une menace pour le Royaume, avec sa politique des mandataires et les milices houthies.
L’Arabie saoudite entre dans une phase délicate, une modernisation très rapide dans un pays où les résistances religieuses sont encore fortes.
Entre traditions et modernité, le Royaume n’a pas encore achevé sa mutation contrairement aux EAU voisins.
C’est cette période qui est la plus délicate, car aucun retour en arrière ne sera possible avec plus de 25 % de la population âgée de moins de 14 ans.
La France doit accompagner cette mutation, notamment dans les institutions, y compris sur des sujets difficiles comme les droits de l’homme.
L’Arabie saoudite est un partenaire de la France.
J’ai eu l’honneur de rencontrer longuement Mohammed ben Salmane à Paris il y a quelques années et il m’avait alors clairement déroulé son plan de modernisation Arabie 2030. Cette modernisation est désormais une réalité; il suffit de parcourir les rues et les restaurants de Riyad ou ceux de Djeddah.
Tout n’est pas parfait, mais Paris comme Riyad ne s’est pas construit en un jour!
Nathalie Goulet est une femme politique française. Sénatrice de l'Orne depuis 2007, elle est membre du groupe Union des démocrates et indépendants au Sénat.
Twitter: @senateur61
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.