Jeudi 24 octobre, la France organisait, à Paris, une conférence des donateurs pour le Liban, qui a permis de recueillir un milliard de dollars.
Faute d’exercer la moindre influence sur la situation dans la région, c’est bien le moins que la communauté internationale puisse faire pour se donner bonne conscience.
Pauvre Liban, théâtre d’une guerre qui n’est pas la sienne et qui a transformé la plus grande partie de la population en otage, spectatrice de la dégradation de la situation.
La conférence Cedre (Conférence économique pour le développement, par les réformes et avec les entreprises) s’était tenue le 6 avril 2018 pour soutenir la reconstruction de l’État. 48 pays et organisations, ainsi que des représentants du secteur privé et de la société civile, y avaient participé.
Malgré de nombreuses promesses, peu de résultats concrets ont été obtenus. Le Premier ministre Hariri avait alors présenté une «Vision pour la stabilisation, la croissance et l’emploi», articulée autour de quatre axes principaux: l’augmentation des investissements publics privés, le rééquilibrage des finances publiques, la lutte contre la corruption et la modernisation de la gestion financière, ainsi que l’élaboration d’une stratégie visant à diversifier les secteurs productifs.
Parmi les nombreuses défaillances de ce pays qui n’a de pays que le nom, plus d’institutions, peu de gouvernance et une corruption endémique qui mine le Liban.
On l’a vu au moment de l’explosion du port de Beyrouth, pas de procès, pas de responsables. Il ne reste que des ruines et des familles éplorées. Cet événement a mis en lumière les dysfonctionnements graves au sein de l’État libanais, la corruption, mais également la négligence et l’incompétence qui ont permis cette accumulation dangereuse de nitrate d’ammonium.
Le vendredi 25 octobre, le Groupe d’action financière (Gafi), organisme chargé de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, a décidé, lors de sa réunion à Paris, de placer le Liban sur la «liste grise». Ce classement inclut les pays dont les politiques de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme présentent des lacunes. Le Liban, qui avait été retiré de cette liste il y a huit ans, y figure à nouveau, en pleine crise.
Le Gafi a jugé que le système d’évaluation des risques du Liban en matière de blanchiment et de financement du terrorisme est obsolète et incomplet. L’organisation appelle à un renforcement du contrôle du secteur financier et des professions réglementées. Le pays est désormais soumis à une «surveillance renforcée» et dispose de deux ans pour mettre en œuvre le plan d’action élaboré par le Gafi.
Il est d’ailleurs surprenant que le Liban n’y fût pas inscrit plus tôt quand on connaît l’absence complète de gouvernance financière, la corruption à tous les niveaux et surtout la proximité du Hezbollah avec l’Iran, un pays placé lui sur la liste noire du Gafi.
On se souvient des manifestations de la population après l’explosion du port de Beyrouth, qui criait sa colère devant ce délabrement institutionnel. Désormais, la décision du Gafi vient de planter un autre clou dans le cercueil du pays du Cèdre.
Que faire alors de l’argent promis? Comment gérer les dons internationaux s’ils arrivent?
Comment éviter l'expérience prévisible des détournements, assurer la transparence de l'utilisation des financements et leur arrivée jusqu'à leurs destinataires?
Il faut une méthode et des outils! Un groupe de travail pour le contrôle et le suivi. Par exemple, envisager de détacher des fonctionnaires internationaux auprès des États bénéficiaires d'aides? En effet, même s'il est difficile d'obtenir des chiffres précis dès qu'il s'agit d'évaluer les effectifs, on peut estimer, selon le ministère des Affaires étrangères, que plus de 190 000 fonctionnaires et assimilés travaillent au sein de quelque 180 organisations dans le monde.
Ne pourrait-on pas, avec ces nouveaux moyens et des évaluations, arriver à coordonner régionalement les ONG locales et les organisations internationales, agences d'aide au développement, grandes fondations, etc., pour obtenir ce groupe de travail pour le contrôle?
Le secrétariat des Nations unies emploie environ 38 000 personnes, recrutées dans les 193 États membres. Il faut y ajouter les personnels des principaux programmes, fonds et institutions spécialisées, ainsi que les 112 000 agents déployés sur le terrain (CNUCED: 500 salariés, OIT: 2 700, Banque mondiale: 12 000, HCR: 20 305 employés et vacataires, OMS: plus de 8 400 salariés, Unesco: 2 300, etc.)
La décision du Gafi de placer le Liban sur la liste grise est peut-être une bonne nouvelle qui va contraindre les dirigeants à prendre des mesures fortes et reprendre la main sur les institutions bancaires qui ont connu elles aussi bien des scandales et des pillages.
Le Liban, pays de culture, pays de l’écriture.
Pays source des religions monothéistes.
Sait-on que le mot bible vient de la ville de Byblos?
Le monde ne peut pas se permettre de laisser le Liban à l’abandon. Il deviendra un État failli au cœur de l’Orient et en proie à une violence inédite et contagieuse.
Le contrôle des flux financiers est sans doute une vraie piste de reprise en main du pays.
Il faudra sans doute remercier le Gafi d’avoir provoqué un sursaut.
À suivre.