Les déclarations enamourées du président de la République française la semaine dernière n’ont eu aucun effet. Le déplacement de son envoyé spécial, Jean-Yves Le Drian, qui fut un grand ministre des Affaires étrangères, non plus. La voix de la France ne porte plus au Liban depuis longtemps, pas plus sur les questions sécuritaires que sur la question vitale de la lutte contre la corruption.
On se souvient des dictas appuyés relatifs à la gouvernance, lancés depuis Beyrouth ou depuis Paris par le président français.
La déclaration du président de la République française à son arrivée à Beyrouth au Liban le 6 août 2020: «Écoutez, d'abord, aujourd'hui, la priorité, c'est l'aide, le soutien à la population sans condition, mais c'est l'exigence que la France porte depuis des mois, pour ne pas dire des années, en effet, de réformes indispensables dans certains secteurs on le sait. L’énergie, les marchés publics, la lutte contre la corruption. Si ces réformes ne sont pas faites, le Liban continuera de s'enfoncer. C'est un autre dialogue que nous devons avoir et que je souhaite aussi mener aujourd'hui.»
Extrait de la Conférence internationale de soutien et d'appui à Beyrouth et au peuple libanais – déclaration du président Emmanuel Macron du 9 août 2020: «Je leur ai dit, il y a quelques jours à Beyrouth, et le président Aoun que je salue ici le sait: il y a des réformes sur le secteur de l'énergie et des marchés publics, de la lutte contre la corruption, il y a l’audit de la Banque centrale et du secteur financier à conduire, l'implication pleine et entière du FMI et de l'ensemble des acteurs internationaux.»
Les mêmes déclarations ont été réitérées par le président de la République française à la Résidence des Pins le 1er septembre 2020.
Avec la France, les Libanais vont de déceptions en déceptions.
La France n’a plus qu’une diplomatie du coup de menton et c’est regrettable. Il est loin le temps où Jacques Chirac imposait sa vision de la paix dans la région, il est loin le temps où la France était attendue et écoutée au Moyen-Orient… la voix du «docteur Chirac» comme l’appelait Yasser Arafat.
Alors une résolution de plus ou de moins ne changera malheureusement rien à la situation du peuple libanais martyr, pris en tenaille entre le voisin israélien et le Hezbollah, bras armé de l’Iran dans la région, qui vient d’essuyer une opération d’élimination avec l’explosion des bipeurs, digne des feuilletons d’espionnage les plus sophistiqués.
Si beaucoup ont applaudi la prouesse technique des services secrets israéliens, et il y a avait de quoi être sinon admiratifs, du moins interpellés. On a oublié que cet acte de représailles en terre libanaise constituait aussi un acte de guerre et qu’il a entrainé des victimes civiles collatérales : qu’en serait-il de l’appréciation du monde si demain Vladimir Poutine usait des mêmes méthodes contre ses opposants en Russie ou en Ukraine ou ailleurs dans le monde ?
Si beaucoup ont applaudi la prouesse technique des services secrets israéliens, on a oublié que cet acte de représailles en terre libanaise constituait aussi un acte de guerre et qu’il a entrainé des victimes civiles collatérales.
Nathalie Goulet
Notre système de droit international est à ce point dégradé que plus rien décidément ne peut donner lieu à une condamnation et encore moins à sanction ou réparation.
Le droit d’Israël à assurer sa défense, rappelé par le nouveau Premier ministre français, Michel Barnier, en ces termes «la question de la sécurité d’Israël n’est pas négociable» lors d'un entretien diffusé sur France 2 le 22 septembre 2024, préfigure sa position et celle du gouvernement. À la veille de la commémoration du pogrom du 7 octobre 2023, le chaos régional est tel que rien ne semble pouvoir arrêter la spirale de la violence et l’embrasement de toute la région.
Alors que le monde est réuni à New York pour l’Assemblée générale des Nations unies, la voix des pays du Golfe doit se faire entendre. Peut-être serait-il important que l’Organisation de la coopération islamique ou encore le Conseil de coopération des pays du Golfe tentent une médiation? Ils sont bailleurs de fonds du Liban et n’ont aucun intérêt à ce que le Hezbollah, proxy de l’Iran, branche libanaise des Frères musulmans, poursuive son travail de déstabilisation de la région.
Alors que le monde est réuni à New-York pour l’Assemblée générale des Nations unies, la voix des pays du Golfe doit se faire entendre.
Nathalie Goulet
Les accords d’Abraham constituent aussi une raison de plus pour les Émirats arabes unis notamment, d’intervenir comme force de médiation. Le sultanat d’Oman a aussi une longue tradition dans ce domaine. Quant à l’Arabie saoudite, elle peut aussi être force de proposition. Les pays arabes n’ont pas non plus intérêt à laisser perdurer un chaos qui peut se métastaser.
Le monde ne peut pas laisser la situation se dégrader ainsi, il faut agir – et agir vite. Devant l’impuissance de la communauté internationale, et celle de l’Europe, qui va prendre la défense des Libanais et de la paix qui doit commencer par la fin des hostilités à Gaza, au Liban et par le retour des otages du 7 octobre, prisonniers depuis un an?
La situation née des attaques terroristes du 7 octobre a conduit beaucoup d’Israéliens à manifester dans les rues pour exiger la fin des hostilités et le retour des otages. Le gouvernement israélien semble sourd à ces manifestations et continue la politique du pire. Une politique dont le Liban et les Libanais font aujourd’hui encore les frais devant une communauté internationale spectatrice du désastre.
Cette fois, ce n’est pas le port de Beyrouth qui explose, mais tout le Liban et bientôt toute la région…
Nathalie Goulet est sénateur de l’Orne et auteur d’un ouvrage « L’abécédaire du financement du terrorisme. »
X : @senateur61
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.