Le Royaume-Uni célèbre ce week-end le jubilé de platine de la reine Elizabeth II avec une affection et une chaleur authentiques. Quelles que soient les questions qui entourent actuellement d'autres volets de la Constitution britannique – et même les perspectives de la monarchie elle-même, comme l'a indiqué Andrew Hammond dans son article paru dans Arab News le 28 mai –, la reine peut être assurée que, ce week-end, ces questions ne compteront pas parmi les préoccupations des millions de personnes qui participeront à des fêtes de rue et à des rassemblements dans l’ensemble du pays.
L'attention se concentrera à juste titre sur ce que la reine a fait pour son peuple dans son pays – de l'enfant qui a grandi dans l'ombre de la guerre à la jeune femme qui a assumé le devoir de sa vie il y a soixante-dix ans –, mais de nombreux hommages seront également rendus aux relations qu'elle a entretenues à l'étranger. Les nombreuses amitiés qu'elle a nouées avec des monarchies du monde arabe, par exemple, se sont construites sur des intérêts personnels et des passe-temps communs ainsi que sur une réelle affection.
Seule l'histoire révélera dans quelle mesure Elizabeth a contribué à façonner la politique et à suivre la voie d'un monarque constitutionnel au service du Parlement et du gouvernement de son pays. Mais la diplomatie qu'elle a pratiquée tout au long de sa vie grâce à sa connaissance personnelle remarquable des principaux acteurs de ce monde suggère qu'elle est bien plus qu'un transmetteur passif du Foreign and Commonwealth Office (Bureau des affaires étrangères et du Commonwealth, NDLR). Selon elle, «nous partageons le même monde, mais pas les mêmes opportunités», et la véritable importance de l'engagement entre les États est le «contact entre les peuples». De telles idées viennent manifestement du cœur et de l'expérience de toute une vie.
Il est difficile pour la jeune génération de comprendre comment l'Allemagne était perçue par le monde il y a soixante-dix ans. Les erreurs de Versailles ne devaient pas être répétées, mais la politique macroéconomique est loin d'être une réhabilitation personnelle. Lorsqu'Elizabeth épouse le prince Philip, en 1947, les parents allemands de ce dernier ne peuvent assister à la cérémonie à Londres. La première visite d'après-guerre de la reine en Allemagne, en 1965, est durement vécue par ses concitoyens, qui ont cruellement souffert des horreurs de l'ambition d'Adolf Hitler. La perspective de ce déplacement suscite d’ailleurs des critiques médiatiques et politiques. Bien qu'elle ait également joué un rôle dans l'acceptation croissante de la politique d'une Europe en mutation pour son gouvernement, l’insistance dont elle a fait preuve pour effectuer cette visite, la reconnaissance de ce moment de l'histoire et son engagement personnel en faveur du thème de la réconciliation ont représenté un succès qui a été repris à maintes reprises à l’occasion de discours et de visites.
La visite d’État de l'empereur Hirohito du Japon au Royaume-Uni en 1971 a suscité davantage de controverse, et a donc nécessité un courage personnel plus grand encore. Cet événement avait des connotations encore plus personnelles, car Philip avait participé activement à la guerre en Extrême-Orient. Le traitement brutal des prisonniers de guerre par le Japon a provoqué des protestations publiques contre cette visite. Mais la reine a pu profiter de l'occasion pour dire, de manière mémorable: «Nous ne pouvons pas prétendre que les relations entre nos deux peuples ont toujours été pacifiques et amicales. Cependant, c'est précisément cette expérience qui doit nous rendre d'autant plus déterminés à ce que cela ne se reproduise jamais.» Une telle phrase n'est jamais perdue et il y en a beaucoup d'autres aujourd'hui qui pourraient lui faire écho.
L’idée du «plus jamais ça» est omniprésente à travers ses discours et ses visites dans les zones de controverse, là où seul le temps peut guérir les blessures. Sa participation aux sommets du Commonwealth consacrés à l'oppression de l'apartheid en Afrique du Sud a permis d'éviter que les divergences politiques entre les États ne deviennent importantes au point que le Commonwealth lui-même soit menacé. Elle s’est rendue en Afrique du Sud avant et après l'apartheid, nouant avec Nelson Mandela une relation à la hauteur de sa propre volonté de réconciliation.
L'idée du «plus jamais ça» est omniprésente dans ses discours et ses visites dans les zones de controverse, là où seul le temps peut guérir les blessures.
Alistair Burt
Cette détermination ne s'est exprimée nulle part de manière plus personnelle, ou peut-être plus douloureuse, que dans les relations d'Elizabeth avec l'Irlande. Elle a effectué une visite d'État en République d'Irlande en 2011 – la première d'un monarque britannique régnant depuis cent ans. À cette occasion, elle a exprimé les regrets du Royaume-Uni pour les tragédies passées en se rendant sur les lieux d'un meurtre notoire de civils commis en 1920 par des soldats qui étaient sous commandement britannique. Lors d’un voyage important en Irlande du Nord, en 2012, elle a serré la main d'un homme politique qui avait renoncé à un passé violent. Il avait été étroitement associé à ceux qui avaient assassiné l'oncle de Philip, Lord Louis Mountbatten, dans l'un des actes les plus choquants et les plus brutaux de la période des Troubles. Ces deux rencontres ont permis de clore des chapitres douloureux.
La reine aurait pu se retirer depuis longtemps, avec grâce et bonne volonté. Si elle ne l'a pas fait, c'est en vertu d’un sens unique du devoir. Mettre son temps, décennie après décennie, au service de la réparation de l'histoire, qu'elle soit ancienne ou contemporaine, est une chose extraordinaire qui mérite non seulement d'être imitée par d'autres dirigeants mondiaux, mais aussi d'être saluée.
Alistair Burt est un ancien député britannique qui a occupé à deux reprises des postes ministériels au sein du Foreign and Commonwealth Office en tant que sous-secrétaire d'État parlementaire de 2010 à 2013 et en tant que ministre d'État pour le Moyen-Orient de 2017 à 2019.
Twitter: @AlistairBurtUK
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.