L'histoire est certes importante. Cela est valable pour le Moyen-Orient, où peu d'événements sont étrangers à ce qui s'est passé voici quelque temps. C’est dans cette perspective qu’il convient d’interpréter ces évènements. La relation entre le Royaume-Uni et les États-Unis n'a pas vraiment changé. La semaine du sommet du G7 a démarré en Angleterre par une déclaration du Premier ministre britannique Boris Johnson disant qu'il appréciait peu l'expression « relation spéciale », qui accompagne souvent les commentaires relatifs aux deux nations. A ses yeux, cette expression suggère une amitié « languissante » de la part du Royaume-Uni. En effet, le sommet a été clôturé par la signature d'une nouvelle « Charte de l'Atlantique », par Boris Johnson et le président Joe Biden, charte qui fait référence à l'accord historique conclu durant la Seconde Guerre mondiale, à une époque où les deux pays éprouvaient le besoin de s'entraider dans leur combat pour la liberté.
Peu importe le nom qu'on donne à cette relation. En tant que ministre britannique pour l'Amérique du Nord entre 2010 et 2013, et ministre des Affaires étrangères pendant les années tumultueuses de 2017 à 2019, je peux affirmer que le Royaume-Uni et les États-Unis partagent assez de valeurs fondamentales pour que leur relation surmonte les jeux de mots, les divergences occasionnelles et surtout l'arrivée au pouvoir d'un dirigeant qui cherche à mettre des bâtons dans les roues.
On peut quelquefois surestimer le contexte historique que représente la Charte de l'Atlantique. Le passé est certes important. Les cimetières d'Europe attestent que des Américains ont sacrifié leur vie pour défendre ce dont ma génération bénéficie aujourd'hui et qu'ils ne seront jamais oubliés. Mais le présent et l'avenir sont eux aussi importants, ils sont d'ailleurs de plus en plus importants chaque année pour ceux qui sont nés après 1945. Un million de personnes des deux pays travaillent dans des entreprises appartenant à l'autre pays. En matière de défense, de sécurité et de renseignement, les relations amicales entre les commandants supérieurs, entretenues par des formations, des exercices et des expériences de combat communes, revêtent un cachet unique.
La nouvelle Charte de l'Atlantique mérite donc d'être examinée de près, pour veiller à ce qu'elle apporte un progrès réel et qu'elle ne serve pas uniquement de vitrine pour les objectifs du sommet du G7. Elle concerne huit volets sur lesquels le Royaume-Uni et les États-Unis collaboreront, dans un esprit semblable à celui évoqué voilà 80 ans et dans le but de relever les défis auxquels notre monde est confronté aujourd'hui. C'est une combinaison d'aspects pratiques et conceptuels – ceux-ci ayant trait à la démocratie libérale et à l'ordre international –, qui ne comprennent plus des phrases-clichés du genre « maternité et tarte aux pommes », mais plutôt des engagements réitérés en fonction des menaces que représentent les pays étrangers mais aussi les pays voisins, depuis le 6 janvier 2021. Cette charte rappelle l'importance de la science et de l'innovation et la détermination à en assurer le « caractère innovant » en faveur de la sécurité commune, et elle met à jour ce sentiment de danger dans la mesure où elle souligne l'importance de la lutte contre les cyberattaques. Bien entendu, elle insiste sur la nécessité d'une sensibilisation particulièrement actualisée aux menaces qui planent sur la santé et le changement climatique.
La Charte de l’Atlantique débarque dans une époque sans doute plus dangereuse et plus incertaine que la précédente. Elle sera soigneusement examinée, et ses lacunes seront implacablement mises en évidence. Mais je suis certain que les deux dirigeants étaient conscients de cette réalité et qu'ils méritent d'être salués pour avoir apposé leur nom sur un tel document et avoir défié le cynisme tellement destructeur de la politique moderne. Pour que la démocratie libérale survive, elle doit d'abord convaincre à nouveau les personnes qui y vivent qu'elle résistera aux attaques, et ce, à travers une déclaration de principe.
Les cimetières d'Europe attestent que des Américains ont sacrifié leur vie pour défendre ce dont ma génération bénéficie aujourd'hui et qu'ils ne seront jamais oubliés.
Alistair Burt
Les deux dirigeants sont conscients que les mots ne suffiront pas. Demander aux dirigeants et aux États de respecter leurs engagements n'est pas une attitude cynique. Ainsi, il convient d'exiger des actions en matière de changement climatique, de sécurité sanitaire mondiale et de droits de l'individu ; la première épreuve sera de voir dans quelle mesure les dirigeants du G7 suivront leur exemple dans les jours qui suivront la signature de la Charte. D'autres épreuves verront sans doute le jour, telles que la réaction à la piraterie internationale de l'air observée dernièrement en Biélorussie.
Par ailleurs, la Charte a omis de mentionner certains défis. En premier lieu, le Royaume-Uni comme les États-Unis possèdent également un passé au Moyen-Orient, et le récent conflit déconcertant à Gaza les a certainement sensibilisés à ce passé. Les États-Unis, pour leur part, ne peuvent reléguer le processus de paix au Moyen-Orient à l'arrière-plan comme ils l'espéraient. Le Royaume-Uni, quant à lui, ne cesse de revendiquer son héritage historique, à savoir la réalisation des deux composantes de la déclaration de Balfour. Cette période est plus que jamais propice à reconnaître que, si de nouveaux efforts ne sont pas entrepris, le même cycle désolant se reproduira sous peu, entraînant davantage de pertes de vies humaines et des sentiments de défaite et d'amertume encore plus marqués. Un nouveau groupe d'alliés arabes a investi dans un Moyen-Orient nouveau à travers les accords d'Abraham. Il est donc impératif que les dirigeants palestiniens et israéliens fassent preuve d'une détermination renouvelée et qu'ils invitent le Royaume-Uni et les États-Unis à collaborer avec eux.
La question de Shakespeare « Qu'y a-t-il dans un nom ? » renferme une vérité impérissable. Peu importe comment le Royaume-Uni et les États-Unis décrivent leur relation, leurs intérêts communs laissent présager des relations qui dureront encore longtemps. La qualité de cette relation dépendra de la manière dont ils respecteront les principes qui ont été récemment réaffirmés sur cette plage de Cornouailles.
Alistair Burt est un ancien député britannique qui a occupé à deux reprises des postes ministériels au sein du Foreign and Commonwealth Office – sous-secrétaire d'État parlementaire de 2010 à 2013, et ministre d'État pour le Moyen-Orient de 2017 à 2019.
Twitter : @AlistairBurtUK
NDLR : Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.
Ce texte est une traduction d’un article paru sur Arabnews.com