Des émeutes envahissent les rues. Ville après ville, quartier après quartier, l'armée affamée est descendue dans les rues. Le pain, seul aliment permettant aux pauvres de survivre, est toujours plus cher. Avec lui, toutes les denrées ont connu des augmentations successives. Ces prix sont déraisonnables et ne sont pas le résultat d'une pénurie.
Ali Khamenei voit la survie de son pouvoir dans l'islamisme politique; c’est un fait depuis longtemps établi, avant même la fin du mandat de Hassan Rohani, l’ancien président, et même après le soulèvement de la mi-novembre 2019 survenu après la hausse du prix de l'essence. Cette hausse avait pour objectif de soutenir l'islamisme à tout prix, soit l'intégrisme, l'influence régionale et la construction de la bombe atomique.
Ali Khamenei doit financer ses réseaux dans la région, tels que le Hezbollah qui paye toujours en dollars. Il s’agit également de financer le coût de la construction d'une bombe atomique, d'un missile ou d'un drone lorsque les réserves de change s'épuisent et que les ventes de pétrole bon marché à la Chine ne suffisent pas. Des prix plus élevés sur les denrées alimentaires peuvent compenser ces coûts.
Le régime a choisi divers moyens pour y parvenir. Il a mis en place des subventions pour l'achat de blé et d'autres denrées alimentaires et il a promis de fournir des subventions à la population. Mais il offre ces subventions en imprimant des billets sans garantie. De l'argent qui n'est que du papier, et qui ne vous permet même pas d’acheter un litre d’essence.
Alors cette fois, Ali Khamenei poursuit un autre objectif, qui est d’augmenter les prix des denrées alimentaires et de forcer les gens à subvenir à leurs besoins de base, le pain, pour survivre.
Avant cela, la pandémie de Covid-19 a permis de maintenir le Guide suprême au pouvoir. Ali Khamenei considérait cette situation comme une bénédiction divine, car il espérait que survivre à l’apparition de cette pandémie couvrirait les intérêts du peuple et l'empêcherait de faire face à un nouveau soulèvement comme celui de 2019. Pour cette raison, il a émis une fatwa interdisant l'importation de vaccins en provenance des pays occidentaux. Cependant, le souhait de M. Khamenei n’a pas été exaucé. Au moins quatre autres soulèvements ont eu lieu au Khouzistan et au Baloutchistan ainsi que dans d’autres provinces.
Alors cette fois, Ali Khamenei poursuit un autre objectif, qui est d’augmenter les prix des denrées alimentaires et de forcer les gens à subvenir à leurs besoins de base, le pain, pour survivre. Il faisait exactement la même chose au moment de la pandémie de Covid-19.
Quand on parle de famine, on évoque le fait de ne même pas trouver un morceau de pain pour survivre; c'est très différent de la flambée des prix de l'essence qui a conduit au soulèvement de la mi-novembre 2019, réprimé par le gouvernement uniquement grâce à l'ordre direct de M. Khamenei de tirer sur la foule et de tuer mille cinq cents jeunes insurgés.
Formation de nouvelles classes et Unités de résistance
Une nouvelle classe a émergé en Iran en 2016 à partir d’un mélange des classes moyennes appauvries, qui ont été rétrogradées dans la société vers les classes inférieures. Elle a évolué lors du soulèvement de 2018 et elle a atteint sa maturité lors du soulèvement de la mi-novembre 2019. L'une des principales caractéristiques de cette nouvelle classe est qu'elle est pleinement consciente de ce qu'elle veut et de ce qu'elle ne veut pas.
La communauté internationale souhaite que le régime iranien renonce à son influence régionale et qu’il abandonne l'idée d'acquérir des armes nucléaires, ce qui semble hautement improbable.
En effet, derrière le prétexte des prix élevés des denrées alimentaires de base, qui ont déclenché les protestations, se cache une série de mécontentements économiques, sociaux et politiques dans le pays. Ces événements peuvent être comparés aux manifestations libanaises de 2019, également déclenchées par une étincelle – la taxe WhatsApp – mais ciblant en fait la corruption économique et politique aux plus hauts niveaux du gouvernement et un système politique basé sur des clivages sectaires et religieux, au nom de son concept de citoyenneté.
À première vue, les manifestations à l’échelle nationale, résultat d'un profond mécontentement économique, sont surtout un signe de protestation politique contre l’incapacité du peuple à maîtriser son propre destin et le sort de son pays. Le Guide suprême contrôle tout. Pour faire élire un président tel qu’Ebrahim Raïssi (malgré la lourde responsabilité de celui-ci dans les massacres de 1988), il n'a pas hésité à disqualifier les autres candidats au risque d'offrir un spectacle déplorable pendant la campagne présidentielle. Le large boycott électoral de juin 2020 n'a fait que confirmer cette impression.
La communauté internationale souhaite que le régime iranien renonce à son influence régionale et qu’il abandonne l'idée d'acquérir des armes nucléaires, ce qui semble hautement improbable. Ce contexte est susceptible de conduire à la chute du Guide suprême de l'Iran, qui s'est jusqu'à présent appuyé sur les piliers de l'influence régionale, du terrorisme à l'étranger et de la répression intérieure.
Unités de résistance
La classe nouvellement formée sait exactement ce qu'elle veut. De cette nouvelle classe, des Unités de résistance ont été constituées à travers l’Iran. Elles ont mené le soulèvement de la mi-novembre 2019. Ce sont également elles qui, dans un acte très symbolique, ont incendié la statue de Qassem Soleimani, icône de l'influence régionale, et d'autres symboles du régime iranien à divers endroits. Toutes les craintes de M. Khamenei sont que les protestations s'organisent; c'est la raison pour laquelle il a incité Ebrahim Raïssi, qui a une longue histoire de massacre de prisonniers politiques depuis 1988, à faire face à des soulèvements populaires. Ainsi, parmi les intellectuels de la société iranienne, l’arrivée d'Ebrahim Raïssi est un indice d'un changement démocratique imminent en Iran.
Hamid Enayat est un expert de l'Iran et un écrivain basé à Paris, où il a fréquemment écrit sur les questions iraniennes et régionales au cours des trente dernières années.
TWITTER: @h_enayat
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.