Les mouvements sociaux qui secouent l’Iran depuis trois semaines mettent en lumière le rôle prépondérant de petites unités implantées partout dans le pays et formées au cours des dernières années. Au-delà de la libération de la parole inédite et des actes forts des femmes en Iran, en tête de tous les cortèges, tête nue, un troisième élément permet aux résistants et insurgés de tenir bon face à la répression impitoyable exercée par la police de l’État et les milices aux ordres des Gardiens de la révolution: les unités de résistance.
De l’implantation aux actions fortes
Dans un premier temps, les unités de résistance se sont progressivement implantées à travers le pays et elles ont commencé leurs activités en écrivant des slogans, en distribuant des messages de la direction de la résistance iranienne et en posant des affiches dans les lieux publics. Très rapidement, ces unités, étroitement liées au mouvement politique exilé du CNRI[i], ont vu le nombre de leurs adhérents augmenter. L'une des caractéristiques les plus importantes de ces unités réside dans l’intégration de leurs membres dans la société au sens large. Étudiants, employés et ouvriers composent bien souvent la base de ces groupes très présents au sein de leurs communautés respectives.
Bien que de nombreux membres ont dû subir les foudres des autorités (tortures, emprisonnement, exécution), le succès des unités ne s’est jamais démenti. Pour chaque homme qui tombe, cent autres rejoignent les groupes de résistance et ces derniers se multiplient à travers le pays, améliorant sans cesse la logistique et la communication entre les différents groupes. Les actions menées sont donc fort logiquement de plus en plus importantes. Mille unités de résistance ont adressé des messages vidéo depuis l’intérieur de l'Iran au Sommet mondial pour un Iran libre en juillet 2021, soulignant leur détermination à continuer à se battre jusqu'au renversement du régime. Rebelote en 2022, malgré la répression brutale du régime.
Le rôle des unités de résistance dans les récentes manifestations
Le rôle et les fonctions des unités de résistance dans les récentes manifestations sont variés. Elles ont joué un rôle de premier plan dans de nombreux domaines. Les slogans de ces manifestations, unifiés dans tout le pays, sont une indication de la nature organisée du soulèvement. D’autre part, les unités de résistance ont pu déjouer de nombreux complots fomentés par l’État et ses milices paramilitaires Bassidj. Ces derniers visaient à détourner le mouvement, mais les unités de résistance ont su recentrer les contestations sur la nécessité et l’urgence de renverser la République islamique, expulsant au passage les infiltrés du régime des rangs des manifestations.
Ce dernier point (l’identification des infiltrés, leur expulsion des mouvements de contestation et l’affrontement avec les forces répressives de l’État) a été particulièrement déterminant, suscitant l'esprit de résistance parmi les manifestants. Ces actes ont joué un rôle crucial dans la prolongation du soulèvement. D’autres événements symboliques à l’initiative des unités de résistance ont émaillé la vie politique iranienne ces derniers mois. On pense notamment à l’incendie de la statue de Qassem Soleimani, l'ancien commandant de la Force Qods, quelques heures seulement après son dévoilement. Après ce coup d’éclat, les autorités du régime ont dû reconnaître qu’il leur fallait désormais composer avec un nouvel ennemi intérieur audacieux, agile et parfaitement organisé. Ce type d’action a eu un impact considérable sur la population.
Soutenir la volonté de renversement du régime
Outre ces actions symboliques, les unités de résistance sont également responsables de nombreuses initiatives de déstabilisation du pouvoir. L'incendie et l'attaque des centres de répression du régime, qui sont hautement méprisés dans la société, ont été une source d'inspiration et un exemple pratique pour de nombreux jeunes lors des récentes manifestations. En veillant à ce que les protestations soient soutenues et organisées, les membres des unités de résistance sont devenus des modèles pour les jeunes générations, leur montrant la façon efficace de défier le régime. Jusqu’à pirater les célébrations de la mort du cofondateur de la révolution islamique, Ruhollah Khomeini, en détruisant cinq mille cent trente-huit caméras de surveillance installées dans le mausolée de Khomeini, les centres gouvernementaux et diverses autres institutions. Dans le même esprit, ce sont également les unités de résistance qui ont permis la diffusion des messages de Maryam Radjavi sur plusieurs chaînes de télévision d'État. Une action à l’impact retentissant intervenue au cours de l’année 2022, renforçant la confiance de la population dans la possibilité effective d’un renversement du régime. Une réalité désormais palpable…
[i] Conseil national de la résistance iranienne, présidé par Maryam Radjavi
Hamid Enayat est un expert de l'Iran et un écrivain basé à Paris, où il a fréquemment écrit sur les questions iraniennes et régionales au cours des trente dernières années.
Twitter: @h_enayat
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.