La révolution se crie sur les murs en Iran

La mort de Masha Amini a provoqué des manifestations de grande ampleur en Iran (Photo, AFP).
La mort de Masha Amini a provoqué des manifestations de grande ampleur en Iran (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 22 décembre 2022

La révolution se crie sur les murs en Iran

La révolution se crie sur les murs en Iran
  • «Mort à la dictature» est le slogan bien-aimé pour lequel chaque mur meurt d'envie d'être tagué
  • Les slogans sur les murs sont devenus une véritable culture révolutionnaire

Quand une révolution se généralise, elle entre dans la culture générale. Le changement de culture dans les rues d'Iran se respire désormais comme de l'air. Ses traces se retrouvent aussi dans les yeux des gens.

Dans un changement général de culture avec la radicalisation du mouvement révolutionnaire en Iran, les murs des villes ont une histoire intéressante. Ces jours-ci, ils sont devenus de grands panneaux et des bannières qui informent sur l'agitation et les troubles de la ville: «Mort à la dictature» est le slogan bien-aimé pour lequel chaque mur meurt d'envie d'être tagué. Les mains qui peignent les slogans utilisent différentes méthodes allant de la peinture en aérosol au charbon de bois en passant par les stylos et la peinture. La révolution a changé l'aspect des villes et cette transformation ne peut être niée.

«La honte ne s'efface pas avec de la peinture»

Bien que le gouvernement, craignant les regards des objectifs autant que ceux des passants sur les murs, les efface à la hâte, les slogans mal effacés peuvent être reconnus derrière les lignes confuses, et cela ajoute à leur gloire. Les rédacteurs de slogans écrivent parfois une autre phrase à côté du slogan principal: «Si vous le supprimez, j'écrirai à nouveau.» Les slogans sur les murs sont devenus une véritable culture révolutionnaire. La pratique est désormais tellement ancrée dans la population que même les médias gouvernementaux s’en font l’écho.

Le quotidien Fararou écrivait le 5 décembre dernier: «Ces jours-ci, le pays traverse une situation difficile, à la suite de laquelle toutes les affaires et tous les domaines se sont politisés. Rien n'est normal de nos jours. Le chaos est sur les murs de cette ville, à l’image de ce qui se passe dans la société. Ils sont plus qu'une simple image. En réalité, ces murs sont l'identité d'une partie des citoyens de cette ville qui protestent. Les autorités municipales de Téhéran ont récemment annoncé que les demandes d'effacer les inscriptions sur les murs connaissaient une très forte augmentation.»

Oui, la «révolution» se crie sur les murs des villes. Les murs sont un miroir de la vie réelle des villes et de ses habitants. Si l'inquiétude du gouvernement est que l'apparence des villes est devenue désordonnée et laide, du point de vue du peuple iranien, qui considère cette structure monstrueuse comme totalement illégitime, cette confusion est l'essence même de la beauté. Le nom de ces perturbations est «révolution».

Si nous le devons et le pouvons, nous devrions jeter l'araignée noire sur le drapeau iranien et purifier l'air des villes du souffle pollué de la tyrannie. Les murs ont maintenant parlé en solidarité et ils ne cesseront de parler tant que la tyrannie ne sera pas levée.

Lorsque les ailes blanches de la liberté envahiront le ciel des villes, les murs retrouveront la paix et de charmantes images de rires d'enfants.

 

Hamid Enayat est un expert de l'Iran et un écrivain basé à Paris, où il a fréquemment écrit sur les questions iraniennes et régionales au cours des trente dernières années.

Twitter: @h_enayat

NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.