Le peuple iranien s'est soulevé à plusieurs reprises contre ses dirigeants théocratiques au cours des quatre dernières décennies. En quoi les soulèvements actuels sont-ils différents?
Aujourd'hui, d’immenses photos de Mahsa dominent les manifestations. Sa mort rappelle des décennies de châtiments cruels infligés aux femmes par le régime islamique
Les femmes et les filles iraniennes sont au premier plan des manifestations qui ont commencé après la mort de l'Iranienne Mahsa Amini, âgée de 22 ans, qui a été arrêtée par la «police de la moralité» iranienne pour ne pas avoir porté correctement son hijab. Des témoins disent qu'elle a été frappée à la tête; elle est décédée à l'hôpital le 16 septembre après avoir été dans le coma pendant trois jours.
Aujourd'hui, d’immenses photos de Mahsa dominent les manifestations. Sa mort rappelle des décennies de châtiments cruels infligés aux femmes par le régime islamique. Après ses funérailles, qui se sont déroulées dans sa ville natale de Saqqez le 17 septembre, des manifestations antigouvernementales ont commencé. Des femmes et des filles iraniennes ont inondé les rues. Beaucoup d’entre elles ont brûlé leur hijab, tandis que d'autres les agitaient au-dessus de leur tête, au mépris du régime. Leurs chants les plus fréquents sont «Femme, vie, liberté» et «Mort au dictateur», en référence au Guide suprême, Ali Khamenei.
Les précédents soulèvements antigouvernementaux qui se sont déroulés en Iran, dirigés par les classes ouvrières ou moyennes, avaient été confinés aux grandes villes. Ceux d'aujourd'hui se déroulent dans plus de cent soixante-dix villes et villages, impliquant des personnes de tous âges et de tous horizons.
Les manifestations dans les trente et une provinces iraniennes en sont maintenant à leur deuxième mois et ne montrent aucun signe de ralentissement, comme en attestent les multiples vidéos diffusées quotidiennement sur les réseaux sociaux.
Récemment, les protestations se sont étendues à la tristement célèbre prison d'Evin, à Téhéran, l’un des sites du massacre, en 1988, de trente mille prisonniers politiques. Des manifestations ont également eu lieu dans les ambassades iraniennes de certains pays.
Les slogans des manifestants font écho à ceux du principal mouvement d'opposition au régime, le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) et l'Organisation des Moudjahidines du peuple d'Iran (Ompi)
Les précédents soulèvements antigouvernementaux qui se sont déroulés en Iran, dirigés par les classes ouvrières ou moyennes, avaient été confinés aux grandes villes. Ceux d'aujourd'hui se déroulent dans plus de cent soixante-dix villes et villages, impliquant des personnes de tous âges et de tous horizons. Même les écolières quittent leur salle de classe pour protester contre le gouvernement.
Les slogans des manifestants font écho à ceux du principal mouvement d'opposition au régime, le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) et l'Organisation des Moudjahidines du peuple d'Iran (Ompi). Le mouvement développe ses «Unités de résistance» depuis de nombreuses années; ses membres mènent des manifestations et perturbent le régime en dégradant les affiches et les statues de ses dirigeants.
La société iranienne se trouve dans une situation économique sans précédent, et ces manifestations reflètent un mépris croissant pour les mollahs qui ont pris le contrôle et qui ont imposé la loi islamique en Iran en 1979. Le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) du régime, répertorié comme groupe terroriste par les États-Unis, s'est fait d'innombrables ennemis intérieurs en raison de leurs meurtres, de leurs actes de torture et de leurs abus.
Le régime ne peut contenir cette rébellion. Les commandants du CGRI et d'autres responsables du régime affirment régulièrement aux médias que «les émeutes sont terminées», mais les protestations continuent d'éclater.
L'Iran reste une nation paria sous le règne des mollahs – et le monde proteste contre le traitement que le régime réserve au peuple iranien. Amnesty International et d'autres organisations de défense des droits de l’homme affirment que plus de deux cents personnes, dont vingt-trois enfants, ont été tuées par des forces de sécurité armées lors des manifestations. En octobre, le Parlement européen a condamné la mort de Mahsa et a appelé à une enquête impartiale à ce sujet. L'organe de l'Union européenne a également condamné les attaques de l'Iran contre des manifestants non armés et il a appelé à des sanctions contre ces contrevenants. D'autres, parmi lesquels des dirigeants du bureau des droits de l'homme de l'ONU, des États-Unis et de l'Allemagne, ont protesté contre la répression des manifestants.
Le régime ne peut contenir cette rébellion. Les commandants du CGRI et d'autres responsables du régime affirment régulièrement aux médias que «les émeutes sont terminées», mais les protestations continuent d'éclater. Le 13 octobre, un responsable iranien de la province de Markazi a déclaré à la chaîne de télévision publique Aftab que la mort de Mahsa avait conduit au «chaos» et entraîné la mort de plus de quarante hommes parmi les forces de sécurité iraniennes. «C'est comme si nous étions assis sur un arbre et que nous en sciions le tronc.»
La dirigeante du CNRI, Maryam Radjavi, encourage les Iraniens à défendre la liberté et l'égalité.
Fait invraisemblable, le 16 octobre, la Commission des conseils et des affaires intérieures du Parlement iranien a blanchi les agents du régime de toute implication dans la mort de Mahsa: elle n'a pas reçu de coups à la tête, n’a pas été frappée au niveau de ses organes vitaux pendant sa détention, a déclaré la commission dans un rapport qui cite les examens médico-légaux. Le rapport a plutôt appelé à la poursuite de ceux qui ont utilisé la mort de Mahsa pour «déclencher des émeutes et l'insécurité dans la société».
La dirigeante du CNRI, Maryam Radjavi, encourage les Iraniens à défendre la liberté et l'égalité. «Ils veulent l'égalité dans tous les aspects, y compris le leadership économique et politique. Ils savent aussi que tant que ce régime sera au pouvoir, ils n'obtiendront pas leurs droits. Par conséquent, le peuple iranien exige un changement de régime», a-t-elle lancé dans le cadre de ses récents entretiens avec des membres du Congrès américain.