Les élections parlementaires libanaises qui se sont déroulées dimanche dernier se sont soldées par une défaite ferme mais partielle du Hezbollah, milice pro-iranienne qui détenait avec ses alliés la majorité des sièges au Parlement libanais. En effet, les élections de 2018 s’étaient déroulées dans le cadre d’une grande alliance tripartite en partie voilée entre le Hezbollah, le Courant patriotique libre du président Michel Aoun et, en arrière-plan, le Courant du futur de l’ex-chef du gouvernement Saad Hariri. Ces élections avaient permis au Hezbollah ainsi qu’à ses alliés de remporter 75 des 128 sièges qui forment le Parlement.
À cette époque, l’ancien commandant de la brigade Al-Qods, le général Qassem Soleimani, avait déclaré haut et fort, avec fierté, que désormais Téhéran détenait une majorité à la chambre des députés au Liban. Soleimani se félicitait en quelque sorte de ce résultat qui bouclait la boucle des institutions que désormais le Hezbollah contrôlait.
Dimanche dernier, une myriade de partis politiques souverainistes et de formations issues de la société civile ainsi que des personnalités indépendantes ont réussi un pari que l’on croyait impossible deux semaines plus tôt.
C’est avec l’élection calamiteuse du général Michel Aoun à la présidence de la République qu’arrivait cet allié dépendant du Hezbollah à la plus haute magistrature au Liban. La milice pro-iranienne pouvait dorénavant se concentrer sur la tâche de changer la loi électorale, de quoi favoriser l’extension de son hégémonie sur tous les rouages de l’État libanais. Ce fut fait en 2018 avec sa victoire aux élections parlementaires qui s’est traduite au niveau gouvernemental par un nouveau partage à la faveur des nouveaux vainqueurs.
Dimanche dernier, une myriade de partis politiques souverainistes et de formations issues de la société civile ainsi que des personnalités indépendantes ont réussi un pari que l’on croyait impossible deux semaines plus tôt. Ils ont réduit le Hezbollah et ses alliés à la minorité en battant ce front pro-iranien un peu partout. Des figures emblématiques de ce front conduit par le Hezbollah sont tombées. D’autres ont fait des scores modestes en comparaison avec les scores de 2018. C’est une défaite dure, car elle met un coup de frein au grand projet du Hezbollah qui consiste à consolider sa mainmise sur le pays du cèdre et à le transformer, à plus long terme, en un véritable État satellite de l’Iran. Il ne faut pas oublier le travail acharné de la milice pro-iranienne afin de changer petit à petit la culture et l’identité du pays et le mode de vie des Libanais.
Le Hezbollah a perdu la majorité au Parlement, mais il détient une carte maîtresse, celle de conduire d’une main ferme un front uni qui dépend de lui.
Dimanche dernier, une majorité de Libanais a annoncé ses couleurs. Cette majorité, encore assez disparate, manque de cohérence et d’indenté commune. Il est vrai qu’elle a fait barrage au Hezbollah, mais elle a besoin à présent de se transformer en un front majoritaire qui se baserait sur une plateforme commune.
Le Hezbollah a perdu la majorité au Parlement, mais il détient une carte maîtresse, celle de conduire d’une main ferme un front uni qui dépend de lui. En contrepartie, les acteurs politiques et civils qui ont réussi le pari qu’on croyait impossible arriveront au Parlement en ordre dispersé. Cette majorité risque de ne jamais devenir une vraie majorité qui ferait face à l’hégémonie iranienne, d’où la nécessité de s’atteler à la tâche difficile de rassembler ces différentes formations et différents partis autour d’une plateforme commune claire dans son opposition vis-à-vis du fait accompli que représente la détention illégale d’armes par une milice à la solde d’une force étrangère.
La bataille de 2022 a été remportée grâce à un sursaut patriotique citoyen chez des Libanais à l’esprit libre. Il faudra néanmoins consolider cette victoire si fragile pour qu’elle ne se transforme pas en un songe éphémère.
Le 15 mai 2022, une majorité de Libanais a dit non à l’obscurantisme et à l’hégémonie. Le Liban aura toutefois besoin du soutien ferme du monde arabe afin de faire face aux défis qui se profilent à l’horizon, notamment le retour de la violence que le Hezbollah sait si bien instrumentaliser en vue d’imposer sa volonté à des millions de Libanais qui voient en cette milice armée une force d’occupation par procuration.
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban.
Twitter: @AliNahar
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.