Élections: les Libanais demandent le changement et la souveraineté

Des millions de Libanais ne veulent plus entendre parler des barons corrompus de la classe politique. Mais cela sera-t-il suffisant pour que les six millions de citoyens pris au piège parviennent à sortir de cet enfer? (AFP)
Des millions de Libanais ne veulent plus entendre parler des barons corrompus de la classe politique. Mais cela sera-t-il suffisant pour que les six millions de citoyens pris au piège parviennent à sortir de cet enfer? (AFP)
Short Url
Publié le Mercredi 18 mai 2022

Élections: les Libanais demandent le changement et la souveraineté

Élections: les Libanais demandent le changement et la souveraineté
  • La première étape des élections parlementaires libanaises pour les expatriés a eu lieu le week-end dernier dans plus de cinquante-sept pays à travers le monde
  • Un jour d’octobre 2019, Les Libanais se sont réveillés avec la nouvelle de l’effondrement du secteur bancaire, de la monnaie nationale et de la faillite de l’État libanais

La première étape des élections parlementaires libanaises pour les expatriés a eu lieu le week-end dernier dans plus de cinquante-sept pays à travers le monde. Tout au long de ce processus électoral, on assiste à une démonstration de ferveur nationale et de résilience face à l’une des plus grandes tragédies jamais vécues par un peuple. Ce moment précède les élections qui seront organisées au Liban dimanche prochain, au cours desquelles se jouera l’avenir de la représentation nationale de tout un pays.

Plus de 100 milliards de dollars (1 dollar = 0,95 euro) se sont volatilisés. Un jour d’octobre 2019, Les Libanais se sont réveillés avec la nouvelle de l’effondrement du secteur bancaire, de la monnaie nationale et de la faillite de l’État libanais. Du jour au lendemain, des millions d’entre eux ont connu la précarité, voire la pauvreté.

Voici les différents éléments que l’on peut retenir du vote des expatriés, qui laisse préfigurer les élections du 15 mai.

À travers les pays de la diaspora, on constate une forte tendance au changement radical. Beaucoup de Libanais, pour la plupart des jeunes, demandent un changement. Ils accusent la classe politique de n’être qu’une bande de kleptocrates bien ancrés dans les rouages de l’État profond qui utilisent les clivages confessionnels chroniques au Liban pour perdurer. Ils sont responsables, aux yeux de la grande majorité des Libanais, du casse du siècle.

Plus de 100 milliards de dollars (1 dollar = 0,95 euro) se sont volatilisés. Un jour d’octobre 2019, Les Libanais se sont réveillés avec la nouvelle de l’effondrement du secteur bancaire, de la monnaie nationale et de la faillite de l’État libanais. Du jour au lendemain, des millions d’entre eux ont connu la précarité, voire la pauvreté. Dès lors, plus rien n’a été comme avant, et des millions de Libanais restés dans leur pays ont connu un véritable enfer, comme les centaines de milliers de citoyens qui ont tenté leur chance à l’étranger pour soutenir ceux qui sont restés. Ce calvaire que vit tout un peuple est le moteur principal qui a poussé un grand nombre d’électeurs aux urnes ce week-end. Ils ont exprimé un vote sanction sans précédent dans l’histoire politique du pays.

Ainsi la tendance est-elle au changement. Des millions de Libanais ne veulent plus entendre parler des barons corrompus de la classe politique. Mais cela sera-t-il suffisant pour que les six millions de citoyens pris au piège parviennent à sortir de cet enfer?

La crise libanaise ne se résume pas aux simples méfaits d’une caste kleptocrate qu’incarneraient les politiciens qui dirigent le pays. Une autre facette de la crise réside dans l’existence du Hezbollah, considéré comme beaucoup plus puissant que l’État libanais.

C’est une question délicate. La réponse est plus complexe qu’il n’y paraît. Certes, on entend un peu partout des Libanais réclamer un bouleversement, mais il n’est pas assuré que le changement sera au rendez-vous. La crise libanaise ne se résume pas aux simples méfaits d’une caste kleptocrate qu’incarneraient les politiciens qui dirigent le pays. Une autre facette de la crise réside dans l’existence du Hezbollah, considéré comme beaucoup plus puissant que l’État libanais. En effet, par différents procédés, cette milice pro-iranienne s’est emparée du pouvoir et de l’autorité qui devraient être dévolus à tout État. Elle contrôle le Parlement sortant et tous les gouvernements qui ont été formés après l’élection du général Michel Aoun à la présidence de la république. Cette milice détient des armes bien plus performantes que celles que possèdent des États beaucoup plus grands que le Liban.

Cette situation empêcherait la résurgence d’un État fort. Si les Libanais demandent le changement de la classe politique corrompue, ils ne peuvent espérer un assainissement de l’appareil de l’État en imposant l’application de réformes tant attendues. Le Hezbollah – qui formait autrefois un État dans l’État et qui est devenu aujourd’hui un «sur-État» – contrôle aussi bien l’avenir des Libanais que leur vie et leur mort.

Je n’ai aucun doute sur le fait que la majorité des Libanais veulent un changement et qu’ils souhaitent voir un véritable État de droit émerger à partir d’une certaine idée d’un Liban libre, indépendant, pluraliste, civil, pacifique et tourné vers le monde. Mais l’enjeu reste complexe tant qu’on n’aura pas commencé par battre le Hezbollah et ses acolytes dans les urnes dimanche prochain. Cela sera possible en resserrant les rangs des réformateurs et des souverainistes. Sans cette alliance nationale – difficile, je l’admets –, le changement tant désiré par certains et la libération du pays de la mainmise iranienne ne seront pas au rendez-vous. Ces deux conditions vont de pair.

 

Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban. 

Twitter: @AliNahar

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.