Macron 2 et le monde arabo-musulman

Le président français Emmanuel Macron (à gauche) est accueilli par le prince héritier d'Abu Dhabi Mohammed bin Zayed al-Nahyan lors de sa visite du pavillon des Emirats à l'Expo de Dubaï le premier jour de sa tournée dans le Golfe le 3 décembre 2021. THOMAS SAMSON / AFP
Le président français Emmanuel Macron (à gauche) est accueilli par le prince héritier d'Abu Dhabi Mohammed bin Zayed al-Nahyan lors de sa visite du pavillon des Emirats à l'Expo de Dubaï le premier jour de sa tournée dans le Golfe le 3 décembre 2021. THOMAS SAMSON / AFP
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Publié le Jeudi 12 mai 2022

Macron 2 et le monde arabo-musulman

Macron 2 et le monde arabo-musulman
  • Il s’agit de renforcer la relation déjà plutôt bonne vis-à-vis des pays du Golfe, qui pourraient se substituer à la Russie en tant que fournisseurs de gaz et de pétrole
  • Le deuxième chantier est celui, stratégique, de l’islam de France; c’est un chantier que le président a tenté de mener pendant son premier mandat et qui s’est enlisé

Tout a été dit sur la réélection d’Emmanuel Macron et sur la façon dont cette victoire s’était dessinée. La campagne, qui a mis en avant une rhétorique anti-immigration et anti-islam de Marine Le Pen après qu’Éric Zemmour a monopolisé ce terrain durant presque six mois, risque de relancer plusieurs thèmes dont le président avait déjà bien tenté de s’emparer durant son premier quinquennat, et qui touchent directement le monde arabo-musulman.
Le premier est le plus urgent. Il s’agit de renforcer la relation déjà plutôt bonne vis-à-vis des pays du Golfe, qui pourraient se substituer à la Russie en tant que fournisseurs de gaz et de pétrole. Emmanuel Macron a déjà anticipé ce rapprochement en étant, dès 2021, le premier dirigeant occidental à rendre visite au prince héritier saoudien, avec qui les relations sont de plus en plus cordiales.

Après la proposition de Marine Le Pen d’interdire le voile islamique sur la voie publique, le candidat Emmanuel Macron avait répondu, lors du débat qui les opposait, que cela ne serait pas possible, car cela créerait une guerre civile.


À cela s’ajoutent les relations historiquement excellentes avec les Émirats arabes unis (EAU), soulignées par des coopérations économiques et militaires de premier plan. Il reste le Qatar, avec qui M. Macron n’avait pas d’affinités particulières, mais les récents changements perceptibles au sein de l’émirat, notamment la baisse notable de son ingérence dans l’islam de France, semblent plutôt plaider en faveur d’un rapprochement qui s’opérera sans doute en marge de la Coupe du monde.
Le deuxième est celui, stratégique, de l’islam de France. C’est un chantier que le président a tenté de mener pendant son premier mandat et qui s’est enlisé. Ce n’est bien entendu pas la première fois que des dirigeants français ne parviennent pas à structurer l’islam de France, comprenant sans doute assez mal que l’essence de cette religion ne lui permet pas réellement d’être structurée. Toutefois, l’émergence de personnalités musulmanes désireuses de faire avancer les choses, la baisse d’influence des Frères musulmans et la surprenante mutation du président turc pourrait constituer une fenêtre intéressante pour tenter non pas de structurer, mais au moins de renouer un dialogue avec les Français de confession musulmane.
Après la proposition de Marine Le Pen d’interdire le voile islamique sur la voie publique, le candidat Emmanuel Macron avait répondu, lors du débat qui les opposait, que cela ne serait pas possible, car cela créerait une guerre civile. Cette réponse avait non seulement laissé entendre que la France était au bord de l’effondrement et que les musulmans pourraient provoquer «une guerre civile», mais de surcroît, le président de la république n’avait pas trouvé d’autres arguments pour justifier son opposition à cette proposition, preuve qu’il n’est toujours pas très à l’aise avec l’islam et le fait religieux en général.

Emmanuel Macron, qui passe pourtant pour être un fin connaisseur des affaires internationales, doit être capable de mieux lire ce nouveau monde arabe, de mieux comprendre cette modernité arabe émergente


Le dernier point sur lequel il va falloir avancer est d’ordre diplomatique et stratégique. Dans un Moyen-Orient dont les États-Unis se retirent, l’Occident doit prendre toute sa place. Mais pour atteindre cet objectif, la France doit clarifier ses positions, notamment sur le dossier iranien, qui est l’une des clés de voûte de cet ensemble qui se restructure. De même, Emmanuel Macron s’est montré plusieurs fois assez maladroit dans ses relations avec Israël, ne sachant pas vraiment sur quel pied danser et se montrant dubitatif sur les accords d’Abraham qui ont permis aux pays arabes de se rapprocher de l’État hébreu, sans intermédiaire, et qui demeurent depuis près de deux ans, en toute autonomie.
Emmanuel Macron, qui passe pourtant pour être un fin connaisseur des affaires internationales, doit être capable de mieux lire ce nouveau monde arabe, de mieux comprendre cette modernité arabe émergente. La diplomatie française doit être capable d’évoluer face aux dirigeants arabes et de ne plus lire la région à travers un jeu d’influence de blocs, mais bien davantage en adoptant une vision multilatérale. Ce défi, majeur pour l’influence française dans la région, doit être relevé en étant pragmatique et en ayant conscience que de plus en plus, nos partenaires arabes ont une démarche moderne et autonome qui nous oblige à être beaucoup plus matures dans notre dialogue avec eux.
Les derniers mois du premier quinquennat ont laissé entrevoir le fait qu’Emmanuel Macron s’engageait dans un chemin plutôt constructif à l’égard du monde arabe. De même, la fin du corps diplomatique peut être un bon moyen de faire preuve de davantage de pragmatisme et de souplesse dans la nomination des représentants de la France à l’étranger. Les prochaines semaines montreront si cette voie se confirme ou si elle n’était qu’un avatar du «en même temps» caractéristique du discours présidentiel.

Arnaud Lacheret est Docteur en science politique, Associate Professor à l’Arabian Gulf University de Bahreïn où il dirige la French Arabian Business School, partenaire de l’Essec dans le Golfe.
Ses derniers livres : « Femmes, musulmanes, cadres... Une intégration à la française » et « La femme est l’avenir du Golfe » parus aux éditions Le Bord de l’Eau.


TWITTER: @LacheretArnaud


NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.