Impact de la guerre en Ukraine sur l’élection française

Emmanuel Macron et Marine Le Pen (Photo, Reuters).
Emmanuel Macron et Marine Le Pen (Photo, Reuters).
Short Url
Publié le Jeudi 27 juillet 2023

Impact de la guerre en Ukraine sur l’élection française

Impact de la guerre en Ukraine sur l’élection française
  • La guerre en Ukraine a déjà affecté la campagne de la dirigeante du parti Rassemblement national en réorientant sa campagne sur la question du pouvoir d'achat
  • Emmanuel Macron poursuivra vraisemblablement nombre de ses politiques et activités existantes, notamment sa diplomatie de la navette qui a comporté plusieurs entretiens avec M. Poutine et son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky

L'Union européenne (UE) envisagerait d'instaurer un embargo progressif sur le pétrole russe, mais les négociations à ce sujet ne commenceront pas avant l'élection présidentielle en France.
Le premier tour de l’élection de 2022 a eu lieu le 10 avril, et un second tour sera organisé entre les deux candidats restants – Emmanuel Macron et Marine Le Pen – le 24 avril. La raison de cette pause est que les États membres de l'UE veulent être sûrs que l'augmentation des prix du carburant en Europe (en cas d'embargo antérieur) ne fera pas le jeu de Mme Le Pen et n'empêchera pas M. Macron d'être réélu. En effet, la guerre en Ukraine a déjà affecté la campagne de la dirigeante du parti Rassemblement national en réorientant sa campagne sur la question du pouvoir d'achat. Quelle est la principale préoccupation de l'UE concernant cette élection, et la possibilité d'une victoire de Marine Le Pen? Quels sont les scénarios ou les implications pour chaque candidat par rapport au conflit Ukraine-Russie?
Par rapport à l’élection de 2017, Mme Le Pen a changé de discours; à l'époque, elle était davantage prorusse, alors qu’elle se positionne désormais plus près du bloc occidental. À l'approche de l’élection présidentielle de 2017, qu'elle a finalement perdue face à Emmanuel Macron au second tour, Marine Le Pen s'était rendue à Moscou et avait rencontré Vladimir Poutine. En 2014, elle avait exprimé son soutien à l'annexion de la Crimée par la Russie. Désormais, elle a pris ses distances avec le président russe, Vladimir Poutine. Elle a également accepté d’accueillir des réfugiés ukrainiens dans le pays, ce qui contraste fortement avec le candidat d'extrême droite Éric Zemmour, dont la cote de popularité a chuté après qu'il a refusé de revoir sa position anti-immigration.

Sur le plan militaire, sa position préoccupe peut-être encore les dirigeants européens, car Mme Le Pen a réaffirmé son intention de réitérer la décision prise par la France en 1966 de quitter le commandement militaire intégré de l'Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan), tout en adhérant à son article 5 sur la protection mutuelle. Elle estime qu'il devrait y avoir un «rapprochement stratégique» entre l'Otan et la Russie une fois la guerre en Ukraine terminée.

En matière de politique européenne, ses priorités sont de mettre fin à la coopération militaire franco-allemande, notamment les futurs programmes d'avions de guerre et de chars. Mme Le Pen met en garde contre l'envoi d'armes à l'Ukraine, alors que cent millions d'euros d'armes ont déjà été alloués par la France. Entre-temps, elle a changé sa position sur la possibilité d'un «Frexit» sur le modèle du Brexit; ce n'est plus à l'ordre du jour. Au lieu de cela, elle insiste sur son désir de réformer l'UE. Cela pourrait signifier que la victoire de Marine Le Pen conduirait à une intégration diplomatique moindre entre la France et les autres membres de l'UE, ou à la recherche d'un modèle alternatif qui ne soit ni un Frexit ni une collaboration étroite avec l'UE. Ces considérations peuvent à leur tour affecter les politiques à l'égard de la guerre Ukraine-Russie sur le plan diplomatique.

L'accent qu'elle met sur l'amélioration des liens avec la Russie viserait également à empêcher Moscou de se rapprocher de la Chine, étant donné qu'elle est en partie européenne et que la tiédeur des États-Unis pourrait inciter ces deux puissances à collaborer. Bien qu'elle se distancie de M. Poutine par rapport à 2017, Mme Le Pen se présente comme légitime pour faire avancer le dialogue avec la Russie par rapport aux autres dirigeants européens.

En effet, la guerre en Ukraine a déjà affecté la campagne de la dirigeante du parti Rassemblement national en réorientant sa campagne pour se concentrer sur la question du pouvoir d'achat.

Dr Diana Galeeva

Face à ce programme de changement, Emmanuel Macron poursuivrait vraisemblablement nombre de ses politiques et activités existantes, notamment sa diplomatie de la navette qui a comporté plusieurs entretiens avec M. Poutine et son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky. En cela, il bénéficie d'une stratégie de «rassemblement autour du drapeau», qui consiste à réunir les trois fonctions qu'il occupe actuellement – président français, candidat à la présidence et président du Conseil de l'UE – en une seule. En d'autres termes, on s'attend à ce qu'il maintienne un équilibre diplomatique fort dans ses positions vis-à-vis de la guerre Ukraine-Russie.

Malgré les résultats très serrés du premier tour (27,8 % pour M. Macron et 23,1 % pour Mme Le Pen), on s'attend toujours à ce qu’Emmanuel Macron obtienne la majorité dans le scrutin final. Néanmoins, le soutien continu à Marine Le Pen en France montre la présence des idées populistes dans le pays. Cela s'explique en partie par l'importance de la guerre en Ukraine dans le débat électoral, car les grands récits concernant l'État et la France sur la scène mondiale sont passés au premier plan. Ces contre-récits devront être abordés au niveau national et européen. Dans l'ensemble, et sauf résultat surprenant dans cette élection, il semble que la France poursuivra sa collaboration diplomatique avec ses partenaires de l'UE au sujet de l'Ukraine, dans les domaines économique, financier et militaire.
Le Dr Diana Galeeva est intervenante académique au St Antony's College, université d'Oxford.

Le Dr Galeeva est l'auteure de deux livres: Qatar: The Practice of Rented Power (Routledge, 2022) et Russia and the GCC: The Case of Tatarstan's Paradiplomacy (I.B. Tauris/Bloomsbury, 2022). Elle est également coéditrice de la collection Post-Brexit Europe and UK: Policy Challenges Towards Iran and the GCC States (Palgrave Macmillan, 2021). Twitter: @Dr_GaleevaDiana

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com