La fin de la guerre reste lointaine alors que l'UE dévoile sa dernière aide à l'Ukraine

Après plus de deux ans de débats, les États membres de l'Union européenne (UE) ont finalement adopté la semaine dernière un plan qui vise à utiliser les recettes exceptionnelles provenant des avoirs saisis auprès de la banque centrale russe pour financer la défense de l'Ukraine. (AFP).
Après plus de deux ans de débats, les États membres de l'Union européenne (UE) ont finalement adopté la semaine dernière un plan qui vise à utiliser les recettes exceptionnelles provenant des avoirs saisis auprès de la banque centrale russe pour financer la défense de l'Ukraine. (AFP).
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Publié le Lundi 27 mai 2024

La fin de la guerre reste lointaine alors que l'UE dévoile sa dernière aide à l'Ukraine

La fin de la guerre reste lointaine alors que l'UE dévoile sa dernière aide à l'Ukraine
  • Tout comme l'UE et le G7, la Russie a également eu recours à des mesures économiques dans le cadre de sa diplomatie
  • Les actions récentes de l'UE indiquent le début d'une nouvelle phase dans la guerre en Ukraine au cours de laquelle la pression va augmenter des deux côtés

Après plus de deux ans de débats, les États membres de l'Union européenne (UE) ont finalement adopté la semaine dernière un plan qui vise à utiliser les recettes exceptionnelles provenant des avoirs saisis auprès de la banque centrale russe pour financer la défense de l'Ukraine. Les 27 États membres de l'UE détiennent environ 200 milliards d'euros d'avoirs de la banque centrale russe, principalement gelés en Belgique dans le cadre des mesures économiques employées pendant la guerre en Ukraine.

Le plan, approuvé la semaine dernière, permettra d'utiliser 90% des bénéfices générés par ces fonds utilisés par la Facilité européenne pour la paix, l'entité que les États membres de l'UE utilisent déjà pour se faire rembourser les munitions et les armes qu'ils envoient à l'Ukraine. Les 10% restants seront intégrés au budget de l'UE et devraient renforcer l'industrie de défense ukrainienne, en plus de la reconstruction du pays. Au total, l'UE prévoit que le plan rapportera entre 15 et 20 milliards d'euros d'ici à 2027.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré en mars que si l'accord était finalisé rapidement, le premier milliard d'euros pourrait être transféré le 1er juillet. Elle a souligné qu'une «action concrète» serait menée au cours des mois d'été.

Le Kremlin a réagi en déclarant que cette décision violait les normes du système économique mondial. Même le célèbre journal britannique The Guardian a reconnu que «la mesure comporte encore des risques juridiques. Il est possible que l'argent doive être restitué après la guerre si la Russie entame une action en justice». La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a déjà déclaré que l'UE subirait «de plein fouet» la réaction de la Russie à la suite de telles actions.

Il convient de rappeler que, tout comme l'UE et le G7, la Russie a également eu recours à des mesures économiques dans le cadre de sa diplomatie. Jeudi, le président russe, Vladimir Poutine, a signé un décret qui autorise l'utilisation de biens américains en Russie à titre de compensation pour les dommages résultant de la saisie de biens russes aux États-Unis.

En outre, un tribunal russe a ordonné au cours de ce mois la saisie des comptes, des actifs, des biens et des actions de la Deutsche Bank et de la Commerzbank à la suite d'une action en justice intentée contre les banques allemandes. Selon des documents qui datent du 16 mai, un tribunal de Saint-Pétersbourg a ordonné la saisie de 239 millions d'euros auprès de la Deutsche Bank et de 93,7 millions d'euros auprès de la Commerzbank. Ces banques figuraient parmi les garants d'un contrat avec la société allemande Linde pour la construction d'une usine de traitement de gaz en Russie. Cependant, le projet a été interrompu en raison des sanctions occidentales.

Au mois d’avril, j'ai assisté à une conférence donnée par un décideur européen de haut niveau qui a souligné qu'il savait comment mettre fin à la guerre en Ukraine en deux semaines et que cela nécessitait l'arrêt de l'aide militaire de l'UE à l'Ukraine. Cependant, il est clair que cela signifierait que Bruxelles accepterait les demandes du Kremlin, notamment que toutes les parties (Kiev, l'UE et les États-Unis) tiennent compte des «intérêts géopolitiques et territoriaux» de la Russie. Cela n'est pas dans l'intérêt de l'UE, qui soutient les demandes de paix de l'Ukraine, notamment le retrait des troupes russes et un retour aux frontières de 1991, ce qui implique le retour de la Crimée et des oblasts orientaux du pays. Ces termes seraient à leur tour tout à fait inacceptables pour le Kremlin.

La décision d'utiliser les bénéfices des avoirs russes gelés découle de la pression exercée sur les pays de l'UE pour qu'ils soutiennent davantage la défense de l'Ukraine après les retards de l'aide des États-Unis et dans le contexte des avancées russes sur le champ de bataille. Les combats les plus intenses se déroulent dans l'est de l'Ukraine, où les forces russes exercent une pression sur les fronts de Kourakhove et Pokrovsk, à Donetsk et à Koupiansk, qui se trouve à l'est de la région de Kharkiv.

Cette initiative intervient également à quelques semaines d'un sommet de paix de haut niveau prévu au mois de juin en Suisse, auquel Moscou n'a pas été invité. Il est clair que lorsque Moscou est exclu des négociations, le sommet de paix peut se dérouler de manière productive sans l'obstructionnisme russe, mais la paix ne peut pas être réellement atteinte tant que le sommet n'établit pas des termes acceptables pour le Kremlin. La guerre entre donc dans une phase où la diplomatie économique sera utilisée par les deux parties pour faire pression l'une sur l'autre.

Dans son discours de mars, Mme Von der Leyen a proposé d'augmenter les droits de douane sur les oléagineux, les céréales et les produits dérivés en provenance de Russie et de Biélorussie. Selon la dirigeante européenne, cela «empêchera le grain russe de déstabiliser le marché européen de ces produits, empêchera la Russie d'utiliser les revenus de l'exportation de ces marchandises vers l'Union européenne et garantira que les exportations russes illégales de grains ukrainiens volés ne pénètrent pas sur le marché de l'UE». Pendant ce temps, dans les institutions gouvernementales russes, des actions diplomatiques et des outils économiques appelés «miroirs» sont déjà discutés dans le cadre des efforts qui visent à faire pression sur les opposants de Moscou.

Pour résumer, les actions récentes de l'UE indiquent le début d'une nouvelle phase dans la guerre en Ukraine au cours de laquelle la pression va augmenter des deux côtés. Kiev et Moscou restent fermes sur leurs exigences de paix, chacune d'elles étant inacceptable pour l'autre. Par conséquent, la seule option qui reste est que les deux parties exercent une pression économique l'une sur l'autre, d'autant plus que la politique stratégique européenne à court terme sera axée sur les sanctions négatives, y compris les embargos, les boycotts, les listes noires, les achats préventifs, les expropriations et les gels d'actifs.

Ainsi, si l'UE veut mettre fin à la guerre, elle devra cesser d'offrir son aide à l'Ukraine, ce qui représenterait un échec de ses objectifs, ce qu'elle préfère clairement éviter.

Diana Galeeva est une universitaire en visite à l'université d'Oxford.

X: @Dr_GaleevaDiana

NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com