Changement de cap: La Finlande met fin à sa neutralité

Des militaires hissent le drapeau de la Finlande lors d’une cérémonie en marge d’une réunion de l’Otan à Bruxelles (Photo, AP).
Des militaires hissent le drapeau de la Finlande lors d’une cérémonie en marge d’une réunion de l’Otan à Bruxelles (Photo, AP).
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Publié le Jeudi 27 juillet 2023

Changement de cap: La Finlande met fin à sa neutralité

Changement de cap: La Finlande met fin à sa neutralité
  • Une confrontation indirecte entre la Russie et les membres de l’Otan se produit déjà en Ukraine et les deux parties travaillent dur pour éviter le conflit direct
  • Le problème des relations entre la Russie et l’Otan ne va tout simplement pas disparaître et a atteint des niveaux de méfiance de plus en plus élevés

Mardi, la Finlande a officiellement rejoint l’Otan, obtenant le statut de 31e membre de l’alliance occidentale. Avec la Suède, la Finlande a demandé à devenir membre en mai de l’année dernière, à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le Kremlin a déjà mis en garde contre les «contre-mesures» à l’adhésion de la Finlande à l’Otan. À quoi devrait-on s’attendre ? Qu’est-ce que cela signifie pour les relations à plus grande échelle entre la Russie et l’Otan ? Il convient d’examiner les répercussions et les scénarios possibles qui pourraient découler de ces actions.

Dans la presse occidentale, l’un des récits les plus répandus est que, comme le dit l’AP, «cette décision est un coup stratégique et politique pour le président russe Vladimir Poutine, qui se plaint depuis longtemps de l’expansion de l’Otan vers la Russie et l’a en partie utilisée comme une justification de l’invasion». Le 17 juin 2022, le président américain Joe Biden a déclaré : «Poutine voulait une sorte de finlandisation de l’Otan. Il a obtenu l’Otanisation de la Finlande, à la place.» Cela fait référence aux relations neutres de longue date qui existaient entre la Finlande et l’Union soviétique, ainsi qu’avec la Russie moderne, avant l’invasion de l’Ukraine. Alors que Poutine aurait supposément espéré que davantage de pays favorables à l’Otan adopteraient une attitude prudente face à la pression russe, Biden s’attend plutôt à ce que cette décision devienne moins attrayante, ou même viable.

La position remplace une préférence générale pour le dialogue par un accent sur la dissuasion. Le changement était déjà évident sous la célèbre dirigeante de centre-gauche Sanna Marin, qui a plaidé en faveur de l’adhésion à l’Otan et dont les efforts ont été salués. Lors des récentes élections du 2 avril 2023, son parti social-démocrate de centre-gauche a augmenté son nombre de députés, mais a perdu une élection très serrée dans l’ensemble, se retrouvant à la troisième place derrière les deux partis de droite. Le conservateur Petteri Orpo, leader du Parti de la coalition nationale, devrait être le prochain Premier ministre. Il est cependant peu probable que sa position sur l’Otan change. M. Orpo a beaucoup insisté sur les questions économiques lors de sa campagne, promettant de «remettre sur pied la Finlande» et son économie. Il a accusé Sanna Marin d’éroder la flexibilité économique de la Finlande en raison de la crise énergétique en Europe, qui a considérablement affecté le coût de la vie au sein du pays. Cela suggère que la politique du gouvernement nouvellement élu pourrait se concentrer davantage sur le développement interne du pays plutôt que sur les liens avec les partenaires européens.

Dans son discours de victoire, M. Orpo soutient : «Je m’adresse d’abord à l’Ukraine : nous sommes à vos côtés… nous ne pouvons pas accepter cette terrible guerre. Et nous ferons tout ce qui est nécessaire pour aider l’Ukraine et le peuple ukrainien puisqu’ils se battent pour nous. C’est clair.» L’opinion publique finlandaise a radicalement changé depuis l’invasion russe. Selon les sondages de YLE & Demoskop, en 2017, les citoyens finlandais étaient à 19% favorables à l’adhésion à l’Otan, tandis qu’en 2022, 68% soutenaient cette décision. Par conséquent, tant au niveau des dirigeants qu’au niveau public, il existe un consensus autour de l’importance des problèmes de sécurité actuels.

«Il est temps que toutes les parties appellent à plus de diplomatie et de dialogue, avant que les attitudes militaristes ne prennent trop d’ampleur.»- Dr Diana Galeeva

De toute évidence, cette décision risque de nuire davantage aux relations entre la Russie et l’Otan. La frontière russo-finlandaise est un sujet sensible. Elle s’étend approximativement du nord au sud sur quelque 1 340 kilomètres, principalement à travers des forêts taïga inhabitées et des zones rurales peu peuplées. C’est une zone importante et difficile à patrouiller. Il y a aussi un aspect symbolique, puisque la nouvelle configuration signifie que le territoire d’un membre de l’Otan sera beaucoup plus proche de l’ancienne capitale impériale de la Russie (et grand centre culturel) – Saint-Pétersbourg. La distance de la frontière finlandaise est de 435 kilomètres seulement. Les Russes sont sensibles à ce changement. Une manifestation «Stop à l’Otan» s’est tenue mardi devant l’ambassade des États-Unis à Moscou. Alexander Grushko du ministère russe des Affaires étrangères a déclaré que le pays visait à renforcer sa présence militaire dans les régions de l’ouest et du nord-ouest.

Interrogé sur un scénario dans lequel la Finlande serait attaquée, Jens Stoltenberg, le chef de l’Otan, déclare : «La Finlande obtiendra une garantie de sécurité à toute épreuve. L’article 5 –notre clause de défense collective «Un pour tous et tous pour un» – s’appliquera désormais à la Finlande.» Cela signifie à la fois plus de protection pour la Finlande, mais aussi une escalade des risques, puisque tout incident peut entraîner des conséquences plus importantes.

Heureusement, ce scénario semble peu probable. Une confrontation indirecte entre la Russie et les membres de l’Otan se produit déjà en Ukraine. Les deux parties travaillent dur pour éviter le passage à une confrontation directe, ce qui signifierait effectivement une troisième guerre mondiale commençant en Europe. La rhétorique nucléaire récente a rendu les possibilités dévastatrices d’autant plus claires.

Cependant, le problème des relations entre la Russie et l’Otan ne va tout simplement pas disparaître et a atteint des niveaux de méfiance de plus en plus élevés. La «démocratie» contre «l’autocratie» est une crise continue dans les relations internationales, et les deux parties ont été obligées de se demander si des scénarios militaires pourraient être inévitables. Compte tenu de cela, une option pourrait être de déplacer le lieu de la confrontation hors de l’Europe, en recherchant à nouveau des moyens indirects. L’un des endroits potentiels pour la poursuite de la concurrence indirecte entre les grandes puissances pourrait être l’implication dans un conflit entre la Chine et Taïwan. Mais même dans ce cas, une troisième guerre mondiale serait imminente. Il est peut-être temps pour toutes les parties d’appeler à plus de diplomatie et de dialogue, avant que les attitudes militaristes ne prennent trop d’ampleur.

La Dr Diana Galeeva est une intervenante académique au St. Antony’s College de l’Université d’Oxford (2019-2022)

Twitter: @Dr_GaleevaDiana

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com