Le président turc Recep Tayyip Erdogan commence à faire preuve de modération dans ses comportements. Les premiers signes sont apparus au niveau de la politique étrangère. En effet, la Turquie a pris l’initiative de renouer les liens avec l’Égypte. La relation s’était détériorée en raison du soutien ferme d’Ankara aux Frères musulmans.
Après huit ans de relations tendues avec l’Égypte, le président Erdogan pensait que l’attitude de la Turquie envers Abdel Fattah al-Sissi portait atteinte à ses intérêts en Égypte et au Moyen-Orient en général. Il a donc tenté d’améliorer les relations en restreignant la liberté de mouvement des militants des Frères musulmans en Turquie. L’Égypte a déclaré que «Le Caire examinerait ce que la Turquie ferait plutôt que ce qu’elle disait». Le pays attend donc toujours de voir s’il existe une certaine stabilité convaincante dans l’attitude de la Turquie quant à sa promesse concernant les militants des Frères musulmans.
La deuxième étape positive en matière de politique étrangère porte sur les relations entre la Turquie et les Émirats arabes unis. La visite du président turc à Abu Dhabi le mois dernier aurait porté ses fruits et renforcé les relations bilatérales. Les propos durs tenus à l’encontre des dirigeants des Émirats arabes unis ont été mis de côté. C’est effectivement la bonne chose à faire étant donné que les pays ne devraient pas garder leurs relations inutilement tendues.
Le président turc a assoupli sa position vis-à-vis des relations entre la Turquie et l’Union européenne. Au lieu de l’attitude provocante qu’il avait fréquemment adoptée par le passé, il a demandé la semaine dernière à l’Union européenne de faire preuve de la même sensibilité pour l’adhésion de la Turquie que le bloc le fait pour l’Ukraine.
Les relations avec l’Arménie évoluent également dans la bonne direction. Un pas modeste a été franchi avec la reprise des vols commerciaux entre Istanbul et Erevan le mois dernier. Cela devrait provoquer un nouveau dégel dans les relations bilatérales et pourrait finalement conduire à l’ouverture des points de passage frontaliers terrestres, en plus de favoriser les relations sociales entre les deux peuples, qui éprouvent une grande rancune l’un envers l’autre.
Le président turc a assoupli sa position vis-à-vis des relations entre la Turquie et l’Union européenne. Au lieu de l’attitude provocante qu’il avait fréquemment adoptée par le passé, il a demandé la semaine dernière à l’Union européenne de faire preuve de la même sensibilité pour l’adhésion de la Turquie que le bloc le fait pour l’Ukraine.
Yasar Yakis
Des signes de modération plus prononcés sont perçus dans l’attitude du président Erdogan au niveau de la politique intérieure. En raison de son influence importante mais aussi pour montrer sa détermination, il avait pris le pli de rejeter toute suggestion émanant de l’opposition politique ou de l’opinion publique. Par exemple, sur la question d’un mégaprojet visant à relier la mer Noire à la mer de Marmara au moyen d’un canal, il avait dit: «Que cela vous plaise ou non, nous allons commencer à construire ce canal.» Et lorsqu’un groupe d’amiraux à la retraite a publié l’année dernière une déclaration attirant l’attention sur les diverses conséquences de toute tentative de modification ou d’abrogation de la convention de Montreux de 1936, qui réglemente le trafic maritime à travers le détroit turc, le président a laissé libre cours à sa colère, engageant même des poursuites judiciaires contre eux.
Lorsque l’ambassadeur d’Ukraine à Ankara a demandé – après le déclenchement de la crise dans son pays – à la Turquie de bloquer l’entrée des navires de guerre russes en mer Noire, conformément à l’article 19 de la convention de Montreux, le gouvernement d’Erdogan a compris que la question était plus compliquée qu’il ne le pensait. Il existe un ensemble de règles lorsque la Turquie est une «puissance belligérante» en temps de guerre et un autre quand elle ne l’est pas. Il existe également un troisième cas où les navires de guerre des pays riverains de la mer Noire se trouvent en dehors de la mer Noire au moment de la crise et veulent retourner à leurs bases principales. Pour compliquer davantage la question, la Turquie doit décider s’il est question de «guerre», puisqu’aucune des parties n’a officiellement déclaré la guerre.
Une autre concession qu’Erdogan a dû faire est l’inauguration d’un pont qui relierait l’Asie à l’Europe – le pont des Dardanelles. L’ouverture du pont était initialement prévue le 18 mars, date du retrait des forces alliées des Dardanelles en 1915 pendant la Première Guerre mondiale. Sans doute sur proposition des partisans d’Erdogan, cette date a été déplacée au 26 février, qui marque l’anniversaire du président. Cependant, pour la première fois dans l’histoire récente, Erdogan a cédé, acceptant de reporter l’inauguration à la date d’origine.
Ce sont parfois des considérations d’ordre électoral qui incitent les dirigeants à prendre des décisions plus judicieuses.
Yasar Yakis est un ancien ministre des Affaires étrangères de Turquie et membre fondateur du parti AKP au pouvoir.
Twitter: @yakis_yasar
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com