Avec presque 43 % d’opinions favorables, Joe Biden, le plus vieux président que les États-Unis aient jamais eu, termine la première année de son mandat en donnant l’image d’un président fatigué, à bout de souffle et indécis. Cette image lui colle dans son pays comme à l’étranger.
Aux États-Unis, où il peine à faire avancer ses projets de loi au sein du pouvoir législatif. À l’étranger, où la politique étrangère américaine connaît une baisse inquiétante de crédibilité, surtout parmi les pays alliés.
On se souvient des promesses faites au début de son investiture. M. Biden avait promis le retour des États-Unis vers une politique multilatérale qui inclurait plus de consultations et de coordinations avec les alliés. Cette politique avait pour slogan «America is back». Washington devait, contrairement à la politique du président, Donald Trump, reprendre sa place au sein des institutions internationales, à commencer par l’accord de Paris sur le climat et l’Organisation mondiale de la santé (OMS). De quoi redonner l’espoir aux alliés que les États-Unis prenaient un nouveau tournant.
Il faudra attendre le mois d’août dernier avec le retrait calamiteux des forces américaines de l’Afghanistan. Les pays alliés au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) ont été mis à l’écart des détails du plan de retrait américain. Ce retrait désorganisé a déclenché une crise politico-militaire entre Washington et ses partenaires sur le terrain. Le retrait de l’Afghanistan avait été annoncé plusieurs mois à l’avance, mais l’administration Biden s’était bien gardée de coordonner les opérations sur le terrain avec ses plus proches alliés.
Avec l’administration Biden, tout change: Washington fait comprendre à qui de droit que le retour à l’accord de 2015 est sa priorité. En guise de bonne foi, des fonds iraniens gelés dans des banques en Corée du Sud, en Irak et à Oman sont libérés. Les milices Houthis au Yémen sont vite retirées de la liste des organisations terroristes
Ali Hamade
Le retrait catastrophique de l’Afghanistan sera comparé au retrait américain de Saigon en 1975. La gestion du président Biden et de son administration sera durement critiquée. Elle pèsera lourd sur l’image même du président. M. Biden sera considéré comme un chef indécis, et ses compétences en matière de politique internationale et de gestion de crise internationale seront mises en doute.
Quelques semaines plus tard éclatera une grave crise entre Washington et Paris, à la suite de l’annonce de la signature du contrat de sous-marins à propulsion nucléaire entre, d’une part, les États-Unis et la Grande-Bretagne, et de l’autre, l’Australie. Ce contrat causera l’annulation d’un gigantesque contrat de vente de sous-marins français conventionnels à l’Australie. Paris a été écarté de manière brutale. De quoi écorner cette image d’une administration Biden qui, à l’opposé de l’administration précédente, se disait vouloir réhabiliter les relations avec ses alliés.
Un autre dossier brûlant viendra encore ternir davantage l’image du président américain. Dès son arrivée à la Maison-Blanche, M. Biden a mis en avant l’objectif de ressusciter l’accord sur le programme nucléaire iranien de 2015. Rappelons qu’en 2018, Donald Trump avait décidé le retrait des États-Unis de cet accord, en avançant que Téhéran le violait en développant en secret un programme nucléaire militaire. Un régime de sanctions sévères a par la suite été imposé à l’Iran, accompagné d’une politique américaine agressive à l’encontre du projet expansionniste iranien au Moyen-Orient.
On se souviendra de l’élimination à Bagdad de Kassem Soleimani, commandant de la Force Al-Qods, bras moyen-oriental des Gardiens de la révolution iraniens. Avec l’administration Biden, tout change: Washington fait comprendre à qui de droit que le retour à l’accord de 2015 est sa priorité. En guise de bonne foi, des fonds iraniens gelés dans des banques en Corée du Sud, en Irak et à Oman sont libérés. Les milices Houthis au Yémen sont vite retirées de la liste des organisations terroristes.
En contrepartie, les forces militaires américaines stationnent en Irak et elles vont régulièrement être la cible d’assauts de milices chiites pro-iraniennes en Irak. Pour sa part, Washington ne répondra pas. À Téhéran, l’absence de réaction américaine est interprétée comme un signe de faiblesse. Pendant des mois, les milices houthies pro-iraniennes vont lancer des dizaines de raids à l’aide de missiles balistiques et de drones contre l’Arabie saoudite; l’administration américaine se contentera de réagir à coup de condamnations verbales.
La priorité pour l’administration Biden étant de préserver les négociations de Vienne, au détriment même de la sécurité nationale de ses alliés historiques dans la région. Le raid houthi à l’aide de drones sur la capitale des Émirats arabes unis (EAU) sera pour les Iraniens l’assurance que les États-Unis ne réagiront qu’en paroles. L’échec en Afghanistan et la gestion contestée de la crise ukrainienne par le président Biden sont également des signes qu’avec l’actuelle administration américaine, Téhéran peut prendre de plus gros risques sans craindre de représailles.
Un an après son élection, M. Biden reste dépourvu d’une doctrine stratégique au Moyen-Orient. Si on exclut la doctrine de rivalité stratégique avec la Chine, la première puissance mondiale est actuellement en repli. Produisant logiquement chez ses rivaux une stratégie d’expansionnisme agressif; la Chine de Xi Jinping sur le dossier de Taïwan; la Russie de Vladimir Poutine sur celui de l’Ukraine, et l’Iran plus radical que jamais qui ne cesse de multiplier ses agressions dans toute la région. Sous la présidence de M. Biden, les États-Unis paraissent désormais encore moins sécurisants.
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban.
TWITTER: @AliNahar
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.