Le chaos règne en Syrie, mais pas pour tout le monde. La Russie construit une base solide grâce à son alliance avec le président Bachar al-Assad; la Turquie prépare une présence à long terme en se battant contre l'établissement d'un État kurde le long de sa frontière; L'Iran a également une forte présence en Syrie; et le Hezbollah déploie une présence armée dans le pays, élargissant sa base de violence militante.
Même Daech a su utiliser la Syrie comme base alors que la guerre civile qui a duré une décennie a connu diverses mutations politiques, lui permettant de frapper des cibles en Syrie et en Irak. Et, ces derniers mois, la Chine s'est engagée dans le conflit syrien en se joignant à la Russie pour exiger que les États-Unis «respectent les lois internationales».
Seuls les États-Unis ne sont pas engagés de manière significative en Syrie, et ils découvrent lentement mais sûrement que le pays est utilisé pour faire pression en politique internationale.
S'il s'agissait d'un jeu vidéo pour adolescents, on pourrait conclure que les États-Unis, isolés dans un coin, ont une influence réduite au Levant et plus largement au Moyen-Orient. Mais la Syrie n'est pas un jeu vidéo, bien que le nombre de morts et l'afflux de réfugiés dans le pays ressemblent davantage à des statistiques de jeux vidéo. Certes, la vie humaine ne semble pas avoir beaucoup de valeur dans le conflit syrien.
En février, quelques semaines après son entrée en fonction, le président américain, Joe Biden, s'est retrouvé contraint d'agir militairement contre les milices basées en Syrie et soutenues par l'Iran, auxquelles son administration attribue la responsabilité des attaques contre les troupes américaines en Irak. Il a ordonné aux forces militaires américaines de cibler un petit complexe de bâtiments, ce qui a mené à sa destruction avec plusieurs bombes de 500 livres. En juin, le porte-parole du Pentagone, John Kirby, a déclaré que l'Amérique continuerait à frapper toutes les cibles pour «protéger le personnel américain».
Les États-Unis ont commencé à retirer leurs troupes de Syrie à l'automne 2019 en vertu d'une directive de l'ancien président Donald Trump. Ce retrait a été lent et chaotique, mais il ne reste plus que 900 soldats environ, dont un certain nombre de Bérets verts, et ils resteront dans le pays pour conseiller les Forces démocratiques syriennes dans leur lutte contre Daech. Aucune troupe américaine n'a accompagné les forces rebelles dans des opérations militaires depuis plus d'un an. Ce niveau de troupes est le même que celui qui a été introduit pour la première fois en Syrie, et l'ordre du jour, qui consiste à affronter Daech, n'a pas changé depuis 2014.
La Russie considère la Syrie comme un fondement clé de sa stratégie à long terme pour se caler au Moyen-Orient, une région qui était sous domination américaine depuis de nombreuses décennies – depuis que le monde arabe a rompu ses alliances avec l'ancienne Union soviétique à la suite de la guerre arabo-israélienne de 1973.
Restreindre sa présence à combattre Daech présente de nombreux risques pour les États-Unis. À plusieurs reprises, des actions militaires syriennes ont touché les forces américaines. Pire encore, la crise des réfugiés et la migration des civils déplacés à l'intérieur de la Syrie qui ont engendré une crise humanitaire, mettent la pression sur la communauté internationale.
L'essentiel est que tous les autres pays impliqués en Syrie sont aux aguets et renforcent leurs positions, tandis que la stratégie américaine semble être celle de la neutralité, se préparant uniquement contre Daech. Cela n'a aucun sens, étant donné que les États-Unis se sont retirés d'Afghanistan en août, cédant le contrôle du pays à leur ennemi juré, les talibans. Une position américaine faible en Syrie invite également d'autres pays à prendre plus de risques militaires.
Biden n'a vraiment que deux choix: il peut soit augmenter la présence militaire américaine pour tenter de tenir à distance tous les intérêts des autres pays, soit ordonner un retrait complet et se replier en Israël, en Jordanie et dans le Golfe.
Ce qu'il ne peut pas se permettre, c'est le maintien d’une présence négligeable qui ne sert qu’à mener des expéditions punitives contre Daech et les milices soutenues par l'Iran. C'est une stratégie sans issue. Et cela pourrait se retourner contre lui et faire subir aux forces américaines une terrible perte, ce qui éroderait encore plus leur image de nation la plus puissante du monde.
Restreindre sa présence à combattre Daech présente de nombreux risques pour l'Amérique.
Ray Hanania
Le prestige américain est en jeu et le pays ne peut se permettre qu’une action intentionnelle ou fortuite sape son image de prédateur supérieur de la chaîne alimentaire.
Toutes les nations du monde observent la stratégie de l'Amérique en Syrie, et tout signe de faiblesse pourrait les inciter à devenir plus exigeants ou moins accommodants dans leurs relations avec Washington.
Si les États-Unis perdent leur influence en Syrie, notamment en ne prenant pas de mesures décisives et fortes, ils pourraient éventuellement perdre leur influence partout.
De toute évidence, les rebelles anti-Assad soutenus par l'Amérique perdent du terrain. Cela donne l'impression que les États-Unis sont en perte de vitesse – une image qu'ils ne peuvent pas se permettre de transmettre.
Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur primé de la mairie de Chicago. Il peut être contacté sur son site Web personnel à l'adresse www.Hanania.com.
Twitter : @RayHanania
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.