2022 est pour le Liban une année charnière au cours de laquelle sont programmées deux échéances électorales majeures: les élections parlementaires, en mai, et la présidentielle, fixée au mois d’octobre. Une question se pose: le Hezbollah, pro-iranien, sera-t-il en mesure de gagner ces deux élections afin de garder sa mainmise sur l’État libanais?
Tout d’abord, il faut rappeler que le Hezbollah a utilisé la pression sécuritaire sur ses opposants, qu’il a maintenue depuis l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri, en 2005, notamment avec l’alliance dite «du 14-Mars». Il a ainsi réussi, en 2016, à leur forcer la main afin qu’ils adhèrent à un compromis qui aura pour conséquence de faire élire le chef du Courant patriotique libre (CPL), un mouvement libanais chrétien, à la présidence de la république.
En contrepartie, Saad Hariri, le chef du Courant du futur – un parti sunnite – était assuré du retrouver son poste de Premier ministre pour la durée du mandat de M. Aoun. Le parti des Forces libanaises (FL), principal rival chrétien du CPL, avait lui aussi signé un deal avec celui de M. Aoun, qui lui promettait un partage des postes réservés aux chrétiens. Au mois d’octobre 2016, le Hezbollah a gagné la manche: tous les partis qui lui opposaient une résistance farouche avaient fini par céder en acceptant de soutenir M. Aoun en vue de la présidence de la république.
La présidence de la république, celle du Parlement ainsi que la majorité au gouvernement seront dorénavant, et jusqu’à aujourd’hui, sous la coupe de la milice pro-iranienne.
Dix-huit mois sont passés, et les élections parlementaires de mai 2018 se sont soldées par l’avènement d’une nouvelle majorité composée du Hezbollah et de ses alliés. Soixante-quinze sièges des cent vingt-huit qui forment le Parlement seront remportés par la coalition des partis conduits par le Hezbollah. On se rappellera bien longtemps la fameuse déclaration faite par l’ex-chef de la force iranienne Al-Qods Qassem Soleimani. Ce dernier s’était vanté de disposer de la majorité avec soixante-quinze députés au sein du Parlement libanais. Après ces élections, qui permettront au Hezbollah de tenir la main haute à l’appareil d’État libanais, rien ne sera plus comme avant.
La présidence de la république, celle du Parlement ainsi que la majorité au gouvernement seront dorénavant, et jusqu’à aujourd’hui, sous la coupe de la milice pro-iranienne.
2022 s’annonce au Liban comme l’année de tous les dangers. Les élections parlementaires prévues au mois de mai pourraient être ajournées si le président Aoun et sa formation politique courent le risque de subir une défaite cuisante. Le Hezbollah se verrait alors contraint de voler au secours de son seul allié de poids sur l’ensemble de l’échiquier politique.
La majorité des forces politiques libanaises sont favorables à l’élection d’un nouveau président indépendant qui se positionnerait à égale distance des forces représentées au Parlement
En effet, on assiste à un phénomène nouveau: la milice pro-iranienne, bien qu’elle jouisse de sa puissance militaire, se trouve mise à l’écart, le CPL affaibli du président Aoun ne disposant pas de véritables alliés au Liban. Un sentiment de trop-plein se propage au sein de l’opinion publique non chiite. Les principaux partis politiques qui avaient, de fait, composé ces dernières années avec le Hezbollah se sont retirés. Tous sans exception critiquent ouvertement la milice.
Et aucun d’eux n’envisage de renouveler le deal de 2016. Le président Aoun ne jouirait d’aucun soutien politique s’il envisageait de prolonger son mandat. L’idée même que son gendre, Gebran Bassil, lui succède à travers un nouveau deal est inconcevable même si dernier dispose de l’appui du parti armé. Nul n’est prêt accepter un deal qui renforcerait la mainmise du Hezbollah sur la présidence de la république à travers M. Aoun ou son gendre.
La majorité des forces politiques libanaises sont favorables à l’élection d’un nouveau président indépendant qui se positionnerait à égale distance des forces représentées au Parlement: voilà qui offre un saisissant contraste avec le fait que le président Aoun soit allié au Hezbollah et qu’il ait contribué, par son alignement sur la milice pro-iranienne, à aider cette dernière à s’emparer du pouvoir réel au Liban.
En empêchant l’actuel président de prolonger son mandat, en barrant la route du palais présidentiel – situé sur la colline de Baabda, qui surplombe Beyrouth, la capitale – à son gendre et en élisant un nouveau président indépendant qui n’appartiendrait pas au «club» des présidentiables proches du Hezbollah, le Liban pourrait espérer reprendre le chemin de l’indépendance et du rétablissement de l’État de droit, ce qu’il attend depuis longtemps.
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban.
TWITTER: @AliNahar
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.