Heureux comme un Saoudien

Riyad, capitale du premier pays arabe au monde en terme de bonheur (Photo, AFP).
Riyad, capitale du premier pays arabe au monde en terme de bonheur (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 13 janvier 2022

Heureux comme un Saoudien

Heureux comme un Saoudien
  • Le classement mondial des populations heureuses vient de sortir son édition 2021
  • L’Arabie saoudite montre une résilience impressionnante face à la pandémie de Covid-19 mais il ne faut pas non plus négliger l’effet des réformes

Le classement mondial des populations heureuses vient de sortir son édition 2021, qui prend en compte les effets de la pandémie de Covid-19 par rapport aux éditions précédentes. Chaque année, le «sustainable development solutions network» sort en effet un classement des pays dont les habitants sont les plus heureux, en se basant sur plusieurs indicateurs. Le produit intérieur brut (PIB) par habitant, la notion de solidarité, l’espérance de vie en bonne santé, la liberté de faire ses propres choix de vie, la générosité et la perception vis-à-vis de la corruption.
Si les pays du nord de l’Europe trônent en haut du classement avec la Finlande, l’Islande et le Danemark sur le podium, on trouve des pays du Moyen-Orient bien classés et surtout, on note que leur engagement dans la lutte contre la Covid-19 a eu des effets intéressants dans leur évolution entre 2017 et 2021.
En tête dans la région, on trouve Israël à la onzième place, alors que le pays était douzième avant la pandémie et qu’il s’est distingué dans la qualité de sa gestion de la pandémie.
On trouve ensuite l’Arabie saoudite, qui est classée premier pays arabe au monde, passée de la vingt-sixième place sur la période 2017-2019 à la vingt-et-unième, montrant une résilience impressionnante face à la pandémie de Covid mais dont il ne faut pas négliger l’effet des réformes, notamment dans la hausse de l’indicateur sur la liberté d’effectuer ses propres choix et celui sur la perception de la corruption, qui sont beaucoup plus positifs qu’il y a quelques années. Les Saoudiens se retrouvent juste derrière les Français qui sont à la vingtième place (en hausse d’une place par rapport à la dernière édition). Les Émirats arabes unis (EAU) se retrouvent à la vingt-septième place après avoir été en dix-neuvième position pour la période 2017-2019.
Le troisième pays du Moyen-Orient est le royaume du Bahreïn qui arrive en trente-cinquième position contre la vingt-deuxième auparavant. Cette baisse s’explique évidemment par la perte de pouvoir d’achat qui a durement impacté ce petit Royaume.
Il faut ensuite descendre à la quatre-vingts, quatre-vingt-une et quatre-vingt-deuxième place pour trouver d’autres pays arabes: le Maroc, l’Irak et la Tunisie. Curieusement, nous notons que le Qatar, Oman et le Koweït ne figurent pas dans ce classement sans que l’organisme en charge de cette étude n’en explique la raison.
Lorsque l’on observe en détail la situation saoudienne, on s’aperçoit que le facteur professionnel joue énormément. Avec les EAU, l’Arabie saoudite est le pays où l’écart de réponse est le plus important entre ceux qui ont un emploi et ceux qui n’en ont pas. Pour être heureux dans le Golfe, mieux vaut donc avoir un travail, quel qu’il soit. À l’opposé, des pays comme le Mexique, le Japon ou la Corée du Sud montrent beaucoup moins d’écart en fonction de la situation professionnelle: on y est heureux que l’on ait ou non un travail.
De même, en Arabie saoudite, on constate que les femmes sont globalement plus heureuses que les hommes. Quand elles ont un emploi, elles sont un peu plus heureuses. En revanche, cet écart s'accentue d'avantage si on compare les hommes et les femmes sans emploi. Il en est de même avec les EAU. À titre de comparaison, les données sont relativement proches entre hommes et femmes sans emploi aux États-Unis, en France ou en Allemagne.
Ces chiffres s’expliquent sans doute par des données subjectives concernant les femmes. En effet, depuis la précédente enquête en 2017, les femmes se sont vu octroyer des droits quasiment équivalents aux hommes en Arabie saoudite. La communication institutionnelle du Royaume se concentre d’ailleurs énormément sur les droits des femmes et la population, d’une façon générale, a étonnamment toujours été relativement en faveur des droits des femmes par rapport aux autres pays arabes et musulmans. Il y a dix ans, une étude comparative menée par le chercheur américain Mansoor Moaddel indiquait par exemple que 47 % des Saoudiens pensaient qu’une femme pouvaient s’habiller comme elle le souhaitait contre 29 % des Égyptiens, 26 % des Tunisiens ou 31 % des Irakiens. La notion de liberté potentielle pour les femmes était déjà en partie ancrée dans les mentalités, ce qui peut contribuer à expliquer qu’une fois ces libertés acquises par la loi et à la suite des réformes, surtout à partir de 2017, les Saoudiennes se soient projetées dans une vision de l’avenir plus positive qui peut expliquer l’écart important dans les réponses entre hommes et femmes.
C’est notamment cette probable hausse des réponses positives féminines qui explique que l’Arabie saoudite soit, pour la première fois, classée comme le pays arabe dont les habitants se déclarent le plus heureux. Cette hausse tombe à point pour le Royaume qui y voit, exprimée par des données quantitatives claires, la confirmation de l’engouement de sa population dans la façon dont le pays évolue.


Arnaud Lacheret est docteur en science politique, Associate Professor à l’université du golfe Arabique de Bahreïn, où il dirige la French Arabian Business School, partenaire de l’Essec dans le Golfe.
Ses derniers livres, Femmes, musulmanes, cadres – Une intégration à la française et La Femme est l’avenir du Golfe, sont parus aux éditions Le Bord de l’Eau.
Twitter: @LacheretArnaud
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.