La visite du président français, Emmanuel Macron, en Arabie saoudite samedi, a été remarquable en termes de moment choisi et de portée des sujets abordés et sur lesquels les deux parties se sont entendues. La rencontre a eu lieu au moment où le septième cycle des pourparlers sur le nucléaire était au point mort, après que l’Iran a changé de position sur de nombreuses questions que le groupe P5+1 (composé des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des nations unies + l’Allemagne) pensait avoir réglées au cours des six premiers cycles. Le septième cycle, qui s’est ouvert lundi 29 novembre et qui a brusquement pris fin vendredi dernier, est le premier sous l’administration du président iranien, Ebrahim Raïssi. Il adopte une approche maximaliste qui pourrait faire totalement échouer les pourparlers.
La visite du président Macron en Arabie saoudite est une étape importante dans le renforcement des relations de longue date entre la France et le Royaume. Elle peut être considérée comme la deuxième étape importante dans le développement du partenariat stratégique franco-saoudien, annoncé à Paris en 2018.
L’engagement entre la France et la région du Golfe, notamment l’Arabie saoudite – Paris ayant ouvert sa première agence consulaire à Djeddah en 1839 –, remonte à très longtemps. Dans la région du Golfe au sens large, la France était en concurrence féroce avec la Grande-Bretagne aux XVIIIe et XIXe siècles, perdant finalement du terrain au profit de Londres et, plus tard, des États-Unis.
La rencontre historique entre le roi Faisal et le président Charles de Gaulle en juin 1967 marque un tournant dans les relations franco-saoudiennes. Depuis, tous les présidents français se sont rendus en Arabie saoudite au moins une fois et les dirigeants saoudiens en ont fait de même.
Le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, et le président français, Emmanuel Macron, ont perpétué cette tradition. En avril 2018, le prince héritier s’est rendu à Paris et a présidé avec Emmanuel Macron la première réunion du partenariat stratégique entre l’Arabie saoudite et la France qui, selon les déclarations officielles de l’époque, couvrait des domaines de coopération comme la politique, la défense, la sécurité, l’économie, la culture, les sciences et l’éducation.
Au cours de la visite d’Emmanuel Macron le week-end dernier, les deux parties se sont engagées à une plus grande coopération économique et à une plus grande participation du secteur privé, «en se servant des possibilités offertes par le projet Vision 2030 du Royaume et le plan économique France 2030 dans divers secteurs d’intérêt commun». Ils ont insisté sur l’importance de garantir la mise en œuvre d’un «partenariat économique équilibré» à travers des investissements mutuels dans l’énergie, l'eau, les villes durables, les transports, l’aviation civile, les solutions de mobilité, l’économie numérique, la santé, les nouvelles technologies et d’autres secteurs. Au cours de la visite, d’importants contrats et accords économiques ont été conclus entre des acteurs du secteur privé.
Sur le plan écologique, l’Arabie saoudite et la France se sont engagées à «préserver l’environnement et la biodiversité, alors que le président français a salué les initiatives et les efforts du Royaume dans le domaine de l’environnement et du changement climatique», selon le communiqué officiel.
La coopération énergétique comprend le raffinage du pétrole, la production pétrochimique, la production d’électricité, les énergies renouvelables et la sécurité des installations énergétiques. Les deux pays ont décidé de renforcer leur coopération dans la production d’énergie nucléaire «dans un cadre pacifique et sûr», la gestion des déchets radioactifs et des applications nucléaires, le contrôle nucléaire et le développement des capacités humaines dans le cadre d’un accord signé en 2011.
Pour ce qui est du changement climatique, les deux dirigeants ont souligné l’importance d’adhérer aux principes de la Convention-cadre des nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et de l’Accord de Paris. Ils ont également évoqué la nécessité d’élaborer et de mettre en œuvre des accords sur le climat, grâce à l’adoption d’une approche d’économie circulaire à faibles émissions de carbone pour lutter contre les gaz à effet de serre. Le président français a salué l’Initiative verte saoudienne et l’Initiative pour un Moyen-Orient vert, réitérant l’importance de la coopération pour mener à bien ces initiatives et du travail commun pour explorer les possibilités de développer la production d’hydrogène propre dans le Royaume, ainsi que son rôle dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Par ailleurs, ils ont mis l’accent sur la coopération fructueuse entre les deux pays pour le développement durable d’AlUla et l’exploitation de son potentiel touristique, avec notamment la signature récente de nouveaux accords au moyen desquels la France soutient le tourisme culturel dans cette région et l’ensemble du Royaume.
Dans le cadre du partenariat historique de défense de Paris et de Riyad, les deux dirigeants ont décidé de renforcer le dialogue entre leurs institutions respectives, notamment l’évaluation commune et vigilante des menaces à la sécurité et à la stabilité régionales.
Pour les questions d’ordre régional et international, on assiste à une convergence inattendue des points de vue sur presque tous les sujets. Les dirigeants sont convenus de poursuivre leur étroite collaboration. Ils font part d’opinions similaires sur l’Irak, la Syrie, la Libye et l’Afghanistan, ainsi que sur la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme. Par ailleurs, ils soutiennent «le droit du peuple palestinien à établir son État sur les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale».
Concernant l’Iran, ils ont exprimé de vives inquiétudes quant au développement de son programme nucléaire et au manque de coopération et de transparence à l’égard de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). La France a fait part de sa détermination à empêcher l’Iran de développer ou d’acquérir l’arme nucléaire. Les deux parties ont également insisté sur la nécessité de faire face aux activités déstabilisatrices de l’Iran dans la région, notamment l’utilisation et le transfert de drones et de missiles balistiques qui ont conduit à des attaques contre le Royaume.
En ce qui concerne le Liban, ils ont appelé le gouvernement de Beyrouth à mener des «réformes globales» dans les secteurs des finances et de l’énergie, au niveau des contrôles aux frontières et dans la lutte contre la corruption, l’incitant également à adhérer à l’Accord de Taëf pour restaurer «l’unité nationale et la paix civile». Les deux dirigeants soutiennent les efforts visant à renforcer le rôle de l’armée libanaise dans le maintien de la sécurité et de la stabilité et, faisant sans doute allusion au Hezbollah et à d’autres milices, ils soulignent l’importance de restreindre l’usage de la force aux «institutions légitimes de l’État».
Pour les questions d’ordre régional et international, on assiste à une convergence inattendue des points de vue sur presque tous les sujets.
Dr Abdel Aziz Aluwaisheg
La France et l’Arabie saoudite se montrent prêtes à «travailler avec le Liban pour assurer la mise en œuvre de ces mesures», décidant de poursuivre «des consultations conjointes sur toutes ces questions».
Un mécanisme d’aide humanitaire franco-saoudien au Liban a également été annoncé. Il sera mis en œuvre en coopération avec des partenaires partageant les mêmes idées.
Certains craignent que cette convergence franco-saoudienne des idées lors du sommet de Riyad ne dure pas au-delà de la prochaine élection présidentielle, prévue en avril 2022. La politique française est bien sûr imprévisible, mais en observant la trajectoire des relations entre les deux pays depuis 1967, force est de constater que les présidents français de tous bords politiques se sont engagés à respecter ce lien privilégié, quelles que soient les divergences qui se sont manifestées.
Après avoir défini le cadre du partenariat stratégique bilatéral en 2018, offrant un forum utile pour le débat, la recherche de consensus et la compréhension mutuelle, on peut affirmer, à coup sûr, qu’il perdurera à l’avenir.
Le Dr Abdel Aziz Aluwaisheg est le secrétaire général adjoint du CCG pour la négociation et les affaires politiques, et éditorialiste pour Arab News. Les opinions exprimées dans cet article sont personnelles et ne représentent pas nécessairement les vues du CCG.
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NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com