Le conflit palestinien, plus que tout autre conflit, a épuisé le temps et l’énergie de l’ONU (Organisation des nations unies, NDLR). Pour la Palestine, il s’agit à la fois d’une bonne et d’une mauvaise nouvelle.
Au moment où l’Assemblée générale entame les délibérations de sa 76e session, une question d’une grande importance devrait être ouvertement abordée: est-ce que l’ONU a toujours la volonté d’améliorer la vie des gens, notamment celle des Palestiniens sous l’occupation militaire israélienne et la colonisation illégale? Les partisans de l’ONU considèrent l’organisation comme un forum important capable de prendre des décisions qui permettent de remettre les pendules à l’heure. Si la communauté mondiale se trouve incapable d’appliquer les décisions de cet organisme international, la faute en revient aux pays, et non au système des Nations unies.
Les sympathisants de l’ONU font valoir qu’elle souligne régulièrement le caractère illégal des colonies israéliennes, le refus exprimé par tous les pays de reconnaître l’annexion unilatérale par Israël de Jérusalem-Est et le fait que l’Assemblée générale ait voté massivement en faveur de la reconnaissance de la Palestine comme État observateur non-membre aux Nations unies. Cette reconnaissance a permis à la Palestine de demander à la Cour pénale internationale de La Haye d’enquêter sur les crimes de guerre israéliens, notamment sur la violation continue du droit international humanitaire, la guerre contre Gaza et, plus récemment, sur les démolitions de maisons dans la vallée du Jourdain.
Les responsables et les partisans palestiniens de l’ONU à travers le monde ont repoussé les limites aussi loin que possible. Ils ont mis en place une session trimestrielle au sein du Conseil de sécurité de l’ONU dans laquelle les responsables sont tenus de faire le bilan des progrès réalisés dans le dossier palestinien.
Pour les Palestiniens, le plus grand obstacle réside bien entendu dans la nature inoffensive des résolutions des Nations unies à cause de l’utilisation quasi continue par un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU – les États-Unis – de son droit de veto. Si les États-Unis ont exercé ce dernier plus que tout autre pays, les cinq membres permanents (les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Chine et la Russie), de même que leurs alliés, s’en sont servis dans des domaines qui les intéressent.
Dans le cadre de la protection qu’ils accordent à Israël, les États-Unis interdisent le recours aux sanctions ou aux autres mesures coercitives en vertu du chapitre VII de la charte des Nations unies, qui énonce les prérogatives du Conseil de sécurité de l’ONU en matière de maintien de la paix. Cela lui permet ainsi de «constater l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d'agression» et de prendre les mesures militaires ou non militaires nécessaires afin de «rétablir la paix et la sécurité internationales». Interdisant à quiconque la possibilité de se référer au chapitre VII, Washington a parfois transformé l’organisme important qu’est l’ONU en club de débat plutôt qu’en un institut œuvrant pour la paix et la sécurité dans le monde.
Si le travail du Conseil de sécurité est entravé par la protection accordée par les États-Unis à Israël, les Palestiniens peuvent se prévaloir d’autres succès sur le plan international. Les responsables de la Palestine auprès de l’ONU font allusion au succès rencontré par l’agence des Nations unies chargée des réfugiés palestiniens, par le Pnud (Programme des nations unies pour le développement, NDLR) et par les efforts de l’Unicef pour protéger les enfants palestiniens. Ils font également référence aux appels à la protection d’importants sites palestiniens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco à Jérusalem, Hébron et Bethléem. Si cette démarche a aidé à attirer l’attention sur ces lieux protégés, elle n’est pas parvenue à empêcher leurs violations régulières par Israël, qui est allé jusqu’à interdire aux équipes de l’Unesco de les visiter, sans payer le prix politique de cette insoumission.
Pour surmonter ces problèmes, une action concertée avec la participation des puissances mondiales est nécessaire. La Palestine, membre dirigeant de la coalition du groupe dit «des 77 + la Chine», est soutenue par la plupart des membres de l’ONU. Il est cependant difficile de traduire ce réseau en une sorte de pouvoir susceptible de contraindre les États-Unis à exercer une véritable pression sur Israël afin de pousser le pays à se conformer aux règles et aux résolutions de l’ONU.
Durant le mandat de Donald Trump, l’aptitude de la Palestine à mettre un terme au soutien aveugle de Washington à Israël était à son niveau le plus bas, même si la communauté mondiale, à l’époque, s’était unie à elle pour condamner la vision de Trump, qui consistait à annexer plus du tiers des territoires occupés à Israël.
Cette année, l’Assemblée générale – la première de la présidence de Joe Biden – promet d’apporter un soutien mondial à la Palestine. L’administration Biden est appelée à reprendre le flambeau de Barack Obama, lorsque le Conseil de sécurité des Nations unies avait adopté la résolution 2334, qui condamnait la politique de colonisation menée en 2016. Cette résolution, à laquelle les États-Unis n’ont pas opposé de veto, est restée lettre morte. Aucun effort sérieux n’a été déployé depuis pour essayer de l’appliquer sur le terrain.
L’ONU et ses décisions sont en mesure de sauver les opprimés si leurs paroles ont un sens et si leurs résolutions sont suivies d’effets.
Daoud Kuttab
Il ne s’agit plus d’une question qui relève de l’autorité de l’ONU, mais plutôt d’une mise à l’épreuve de la volonté politique de la communauté internationale. Cette dernière exige des dirigeants palestiniens une mise en réseau et une priorisation capables de faire payer aux Israéliens un prix politique pour avoir défié la volonté de la communauté onusienne. Depuis que l’ONU a remis à Israël son acte de naissance, en 1948, les Israéliens ne se sont pas contentés d’accepter ce cadeau; ils ont également englouti les territoires réservés à l’État de Palestine et ont déplacé leur peuple vers ces terres occupées, en violation du droit international.
L’ONU et ses décisions sont en mesure de sauver les opprimés si leurs paroles ont un sens et si leurs résolutions sont suivies d’effets. Pour le moment, l’ONU continue de faire des déclarations inoffensives lorsqu’il s’agit de la Palestine.
Daoud Kuttab est un journaliste palestinien originaire de Jérusalem. Il a été professeur de journalisme Ferris à l'université de Princeton.
Twitter : @daoudkuttab
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com