Outre les extrémistes et ceux qui masquent par la violence leurs divergences idéologiques ou religieuses comme une sorte de manifestation déviante de leurs croyances profondes, d’autres menaces attendent les pays qui se réuniront cette année dans le cadre de l'Assemblée générale des Nations unies. Certes, ceux qui participeront à cette réunion restreinte s’attaqueront aux conséquences d’un terrorisme persistant lié à cet extrémisme qu’ont récemment ravivé les événements survenus en Afghanistan. Ces incidences alimenteront probablement un débat pressant sur les efforts mondiaux qui ont objectif de contrer et de faire reculer cette marée noire qui perturbe la vie de nombreuses personnes partout dans le monde.
Il ne fait pas de doute que ce débat portera en partie sur les efforts déployés par les Nations unies pour parrainer et mener la lutte contre l'extrémisme. Il aura également pour objet la capacité de l’ONU (Organisation des nations unies) à surmonter avec succès les pièges habituels qui se dressent entre les intérêts personnels et l’action collective. Cette conversation risque fort de se révéler peu agréable.
Les actions qui visent à concevoir et à mettre en œuvre une stratégie cohérente ne font pas défaut. Après les attentats du 11-Septembre, l'Assemblée générale des nations unies s'est efforcée de rassembler des éléments disparates tout en tenant compte de l'ambiguïté qui entoure cette violence inadmissible et qui, dans le même temps, profite à certains États. Des sanctions individuelles ont ciblé les sources qui financent le terrorisme, celles qui recrutent les combattants étrangers, celles qui fournissent les armes et celles qui blanchissent l’argent. Ces efforts ont abouti à l’adoption par les Nations unies en 2006 de la Stratégie antiterroriste mondiale qui, plus exhaustive, a abouti à un consensus sur certains éléments, souvent très conflictuels, de l’antiterrorisme.
Mais il fallait aller plus loin. La prévention de l'extrémisme radical a donc été mise en avant, compte tenu du fait qu'il était tout aussi important de neutraliser les catalyseurs que de prévenir les attentats et de combattre physiquement ceux qui sèment la terreur. En 2016 fut élaboré le Plan d'action des nations unies. Il préconise la mise en place de plans nationaux pour aborder des questions diverses comme l'État de droit, la bonne gouvernance, les droits de l'homme, l'égalité des sexes ou les droits des femmes.
En effet, tout cela mérite d'être salué; les encouragements, les séminaires, les conférences et la mobilisation des jeunes dédiés à cette cause contribueront incontestablement à faire germer l'espoir d'un meilleur avenir pour de nombreuses personnes – un avenir que les propagateurs des idées extrémistes leur refuseront.
Toutefois, le fléau persiste, et il est probablement plus virulent qu’il ne l’a jamais été. La victoire en Irak et en Syrie de la Coalition mondiale contre Daech, qui regroupe quatre-vingt-trois nations, reste incertaine dans la mesure où l'on estime, sans se tromper, que le combat idéologique mené sur les médias sociaux contre les esprits vulnérables tient plutôt d'une «guerre perpétuelle».
Ainsi, si l’on souhaite que les conversations qui seront engagées à New York aboutissent à de meilleurs résultats, il incombera aux Nations unies d'encourager des débats dans des domaines politiques plus délicats.
Voici quelques exemples.
D’abord, l'extrémisme religieux ne peut pas être combattu par de simples communiqués ou par des conférences internationales. Il faut que les religieux et les responsables laïcs conjuguent leurs efforts pour faire accepter les divergences dans les pratiques religieuses. Tous ont un intérêt direct à cela, et l'histoire nous a appris que la volonté humaine est invincible. Par conséquent, concilier les points de vue divergents reste le seul moyen de vivre «en paix et en sécurité» – une formule qui revient dans les communiqués de toutes les conférences régionales.
Les Nations unies sont tenues d'encourager tous ceux qui souhaitent vivre à l'abri des menaces, de soutenir les parties qui prônent cette tolérance et d'affronter celles qui s'y opposent. J'ai discuté de cette question avec Shahbaz Bhatti, ministre pakistanais des Minorités, quelques semaines avant qu'il ne soit brutalement assassiné pour s'être prononcé contre le détournement des lois sur le blasphème, dix ans auparavant. En effet, le fait d’exploiter la foi dans le but de parvenir au pouvoir ou de le conserver doit occuper la première place dans l'ordre du jour des responsables qui prétendent vouloir s'attaquer sérieusement à l'extrémisme religieux.
Ensuite, il faut insister davantage sur les incidences de la corruption et de la mauvaise gouvernance. L'extrémisme se nourrit de l'idée de victimisation et, pour que les gens soient convaincus qu’ils sont des victimes, il leur suffit de regarder leurs dirigeants s'enrichir. Peu sont innocents – comme en atteste le climat financier favorable de Londres. Si l’on ajoute ces éléments à une justification religieuse des actes de vengeance, aucun séminaire ne pourra freiner les événements qui suivront.
Si l’on souhaite que les conversations qui seront engagées à New York aboutissent à de meilleurs résultats, il incombera aux Nations unies d'encourager des débats dans des domaines politiques plus délicats.
Alistair Burt
Les pays ne doivent donc plus penser que les pactes passés avec des extrémistes religieux ou idéologiques leur procureront la paix. Ceux qui hébergent des terroristes pour que ces derniers mènent leurs actions dans d'autres pays, ceux qui les financent et ceux qui se félicitent d'affaiblir leurs rivaux ne font qu'alimenter un mouvement qui finira par les engloutir.
La victoire des talibans est triomphalement relayée à travers le monde par des extrémistes religieux qui ne s'arrêtent pas aux frontières géographiques. Elle a par ailleurs été saluée par ces partisans de l'extrême droite aux États-Unis qui se félicitent du coup porté à une «Amérique libérale et athée» par ceux qu'ils perçoivent comme une «force religieuse conservatrice».
La 76e Assemblée générale des nations unies doit reconnaître que l’extrémisme a frappé un grand coup. Elle doit donc plus que jamais assumer son rôle en élaborant de nouvelles stratégies qui lui permettront de défendre sa charte et ses valeurs.
Alistair Burt est un ancien député britannique qui a occupé à deux reprises des postes ministériels aux Affaires étrangères et au Commonwealth en tant que sous-secrétaire d'État parlementaire de 2010 à 2013 et en tant que ministre d'État pour le Moyen-Orient de 2017 à 2019.
Twitter : @AlistairBurtUK
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com